Australie : Plantes Carnivores en liberté
(4ème partie)



3ème partie
(Serge Lavayssière)
précédemment paru dans le bulletin nº37 de Dionée

SOMMAIRE


Walyunga National Park
Chittering Valley
Cataby
Wambyn Nature Reserve




Après ces trois journées passées en leur compagnie, nous avons pris congé de Phill et Minn. Nous prévoyions un petit circuit dans la pointe sud-ouest Australienne avant de remonter sur Perth et de sauter dans un avion pour le Northern Territory. Phill nous indica quelques sites de Plantes Carnivores, mais celles-ci se font rares dans la région où nous allions en raison des forêts épaisses qui arrêtent une grande partie de la Lumière avant qu'elle n'atteigne le sol. Cette corne est la région la plus arrosée de Western Australia, et la végétation y diffère assez sensiblement. On y trouve par exemple les Karri géants (Eucalyptus diversicolor) dont la hauteur n'a rien à envier aux Séquoias américains.



Walyunga National Park

Une mauvaise surprise nous attendait à Perth : aucune place sur un vol pour Darwin n'était disponible avant une semaine. Voila qui modifiait notre plan ! Après tout, après avoir visité le Sud et l'Ouest de Perth, il nous restait le Nord et l'Ouest (l'Océan Indien ???). D'autre part, Phill nous avait indiqué quelques sites qu'il serait intéressant de visiter. Non loin du centre de Perth, à une trentaine de kilomètres au nord-ouest, sur les contreforts de la Darling Range, se trouve le "Walyunga National Park", dont les lecteurs d'Allen Lowrie connaissent Drosera walyunga et ses fleurs aux pétales caractéristiques. Nous n'espérions toutefois pas pouvoir l'identifier, la floraison n'étant prévue que pendant les mois d'octobre et novembre.



Peu de temps après l'entrée dans le Parc, en grimpant les premières collines, la route traversait une vaste zone qui avait visiblement brûlé l'été précédent. Tous les troncs étaient calcinés et noircis dans leur partie basse, seules les branches situées à plus d'un mètre du sol portaient encore quelques feuilles vertes. Sur le sol latéritique nu, la verdure renaissait, parsemée de nombreuses fleurs. Nous décidâmes d'effectuer un premier arrêt ici et d'observer de plus prés la végétation renaissante.


Drosera walyunga
dessiné par Allen Lowrie


Drosera heterophylla
Le sol était parsemé de petites plantes, protégées du feu par une dormance souterraine, et qui s'empressaient de fleurir et de fructifier pour coloniser de cet espace nouvellement régénéré par le feu. Les plus nombreuses étaient sans nul doute celles de Drosera heterophylla, petites marguerites blanches, perchées au sommet d'une tige de 20cm aux feuilles carnivores d'un beau vert doré. Nombreuses également les orchidées terrestres, des petites étoiles bleues de Caladenia deformis et Thelymitra antennifera dont le jaune vif de l'intérieur contraste avec le rose sur l'envers des sépales.

Le temps de grimper la cinquantaine de mètres nous séparant du sommet de la colline, nous devions trouver quelques exemplaires non fleuris de Drosera rosulata (ou bulbosa ?), D. pallida, D. erythrorhiza ssp. collina, D. macrantha, ainsi que de jeunes plantules de Drosera glanduligera.

De l'autre côté de la colline, même paysage de forêt brûlée, même végétation sur les versants, mais dans le fond serpentait un petit cours d'eau dont les berges présentaient une multitude de bouquets de fleurs blanches. Il s'agissait de Drosera stolonifera ssp. stolonifera, certaines plantes de près de 30cm de diamètre. Des tiges florales, portant chacune plus d'une dizaine de fleurs odorantes s'ouvrant pratiquement en même temps, émergeaient du centre de la rosette, mais les branches latérales, portant des feuilles carnivores se ramifiaient également pour porter des tiges florifères supplémentaires.

Sur ce sol profond, spongieux, composé des débris d'argile, de sable et de tourbe drainés sur les versants, des centaines de Drosera stolonifera s'étaient installés et proliféraient.

Quelques stolons de Drosera gigantea émergeaient également, la branche principale de certains atteignait une vingtaine de centimètres de haut et commençaient à se ramifier.





De retour à la voiture, nous avons continué à suivre la route jusqu'au parking central, point d'information (affichage) et départ de 3 sentiers pédestres. Au vu de nuages menaçants, nous nous décidâmes pour le plus court (Kangaroo Trail), qui devait nous conduire sur les bords de l'Avon River (affluent de la Swan River) puis former une boucle en traversant les collines avant de revenir au point de départ. Pas de plantes carnivores sur les berges de la rivière, mais la découverte d'un nid de "fourmis-bulldog" en bordure du sentier. Ces fourmis primitives n'ont de spectaculaire que la taille (plus de 2 cm de long). Leur nid n'est qu'un trou dans le sol et une colonie ne comprend que quelques dizaines d'individus. Aucun de nous deux n'a eu le courage d'en tester la piqûre !


Sur le chemin du retour, le sentier traversant les collines, notre attention fut attirée par une odeur tenace apportée par le vent. Après un détour du sentier, un versant entier était couvert de milliers de Drosera stolonifera en fleurs, et embaumait l'air.






Pressés de regagner la voiture en raison des premières gouttes de pluies, nous trouvâmes encore en bordure du chemin de nombreux Drosera erythrorhiza ssp collina présentant les même teintes de rouge que sur collines de Roleystone, à une quarantaine de kilomètres plus au sud, ainsi que plusieurs Droséras Pygmées.







Chittering Valley

Il était bien tôt pour rentrer à Perth, mais la pluie (même intermittente) ne nous autorisait guère de longue promenade à pied, aussi nous décidâmes de remonter encore une trentaine de kilomètres vers le nord, jusqu'au nord de la Chittering Valley, où Phill nous avait indiqué un site où Drosera sewelliae devait pousser au bord de la route.



Drosera sewelliae semble se satisfaire de ce bas-côté de latérite stabilisée.

S'il fut simple de trouver la bonne route sur la carte (après tout, le maillage routier n'est pas le même qu'en région parisienne !), ce fut une autre affaire que de trouver le Droséra Pygmée.


Après plusieurs arrêts infructueux, nous trouvâmes enfin ce qui semblait bien être Drosera sewelliae à un endroit qui semblait bien être le bon. Sur le bas côté de la route, sur un talus de gravier latéritique rouge, plusieurs petites rosettes aux feuilles rougeâtres. Impossible cependant d'affirmer avec certitude qu'il s'agissait de la bonne espèce. Encore une fois, sans observer la fleur, il est difficile de différencier de nombreuses espèces.






Cataby

Notre but d'excursion pour le lendemain était plus touristique que botanique. Nous allions au Nambung National Park, à 200km au nord de Perth, voir les "Pinnacles", ces curieux monolithes de grès, au coeur d'une zone de dunes, résultat d'une érosion toute particulière. J'avais cependant bien noté que nous devions traverser les aires de répartition de Drosera barbigera et de Drosera erythrorhiza var magna.


Le désert des "Pinnacles"

Drosera barbigera, célèbre pour la couleur intense de sa fleur, ne vit qu'au sommet de collines, sur des bancs de sable blanc ou des graviers de latérite.


C'était bien le genre de paysages que nous traversions, après avoir passé Cataby sur la "Brand Highway". Quelques timides arrêts (une pluie fine et froide tombait presque continuellement), là ou la route franchissait un sommet de colline ne nous permirent pas de trouver ce Droséra Pygmée.



Cependant, alors que la route traversait depuis Cataby une zone de forêt épaisse de Banksia et d'éricacées basses et buissonnantes, apparut sur la droite de la route une partie nettoyée par le feu, où apparaissaient des bancs de sable blanc par endroits ou jaunes à d'autres.





La pluie ayant fait une pause, nous décidâmes de nous arrêter là et d'aller y faire un tour. De très nombreux Drosera erythrorhiza ssp magna avaient fleuri sur le sable blanc. Similaires par la taille à Drosera erythrorhiza ssp collina, la ssp magna rappelle par sa forme l'espèce type, et comme elle, n'a qu'un nombre limité de feuilles. La plupart des plantes de Drosera erythrorhiza ssp magna ont 5 feuilles aux bordures et aux nervures rougeâtres. Pour comparaison, D. erythrorhiza "Type" a en général quatre feuilles vertes, alors que D. erythrorhiza ssp collina a beaucoup plus de feuilles, localement diversement colorées (Roleystone, Walyunga...).




De nombreuses plantes ont fleuri dès le réveil automnal et nous ramassons quelques graines.



Drosera stolonifera ssp porrecta
Quelques de pieds de Drosera stolonifera ssp porrecta sont en fleurs et nous trouvons même quelques Drosera marchantii ssp prophylla qui eux sont encore loin de la floraison. Alors que la plupart des espèces en rosette (D. bulbosa, D. erythrorhiza, D. rosulata, D. tubaestylis...) fleurissent dès le réveil, parfois même avant la formation des premières feuilles, les espèces érigées ou grimpantes (D. gigantea, D. heterophylla, D. macrantha, D. marchantii, D. pallida...) fleurissent elles lorsque la croissance de la tige est terminée.

Drosera marchantii ssp prophylla


Enfin, nous trouvons encore sur ces bancs de sable fin quelques jeunes plantules de Drosera glanduligera (plante annuelle), un Drosera Pygmée impossible à identifier avec certitude (D. closterostigma ?) et une nouvelle orchidée terrestre : Caladenia flava aux fleurs jaunes dont les trois pétales supérieurs présentent une nervure centrale rouge-orangé.





Drosera closterostigma ???
Caladenia flava


Wambyn Nature Reserve

Pour notre dernier jour en Western Australia, nous partîmes cette fois-ci vers l'est, par la Great Eastern Highway. Après avoir franchi la Darling Range, nous arrivons dans la "Wheat Belt", zone agricole céréalière où les plantes carnivores se font rares. Lors du retour, par York et la "Great Southern Highway", nous traversons la "Wambyn Nature Reserve" qui consiste en une forêt d'Eucalyptus sp sur les contreforts Est de la Darling Range. Nous décidons d'y effectuer notre dernier circuit pédestre en Western Australia.


A peine descendu de voiture, je remarque en sous-bois, à quelques mètres de la route, quelques boutons floraux d'orchidée très particuliers. En effet ceux s'allongent en une pointe très fine de 4 ou 5cm de long. Ne serait-ce pas une de ces Caladenia nommées "Spider Orchid", Orchidée-Araignée en raison,de ses longs pétales filiformes ? Sa floraison étant annoncée pour le courant du mois d'août, devrais-je la manquer de quelques jours ? Quelques mètres plus loin, en sous bois, déjà quelques unes sont ouvertes.



Un peu plus loin dans ce sous-bois, nous trouvons également de petits D. stolonifera ssp stolonifera, et, dans une clairière, un "champ" de plusieurs milliers de Drosera heterophylla, dont les fleur hélas, ne s'ouvrent pas en raison du manque de soleil en cette fin d'après-midi.






Sous bois d'Eucalyptus et Casuarina sp.
Caladenia sp.
("Spider Orchid")
Drosera stolonifera
Clairière de Drosera heterophylla


Nous voici donc arrivée au soir de notre dernier jour en Western Australia, véritablement le pays des Plantes Carnivores, et c'est malgré tout le coeur un peu gros que le soir, à l'hôtel, nous préparons nos sac pour nous envoler le lendemain matin vers Darwin et la chaleur tropicale.


Si la littérature dédiée aux plantes carnivores du Northern Territory est moins fournie que celle de Western Australia (Merci Allen Lowrie), j'avais tout de même au fond de mon sac, un C.P.N. décrivant plusieurs sites autour de Darwin, ainsi qu'une longue lettre de Fernando Rivadavia qui y était passé deux années auparavant. Malheureusement, nous devrions y arriver en pleine saison sèche, nos recherches devant donc se restreindre à quelques sites isolés.