Australie : Plantes Carnivores en liberté
(1ère partie)
(Serge Lavayssière)
précédemment paru dans le bulletin nº34 de Dionée
2ème partie
SOMMAIRE
Introduction
Perth
King's Park
John Forest National Park
Roleystone
CONCLUSION : La culture de ces plantes
Conditions climatiques
Plantes de Jarrah Forest
Plantes de milieux humides
Aussi, ce n'est pas sans une certaine fébrilité que le 18 juillet 1994, nous montions dans un avion à destination de Perth, Australie Occidentale, pour un séjour de 6 semaines partagées entre la région de Perth (sud-ouest), Darwin dans le Territoire du Nord (nord) et Cairns dans le Queensland (nord-est). ![]()
Nos pas nous guidèrent ensuite dans le Jardin Botanique qui nous permit de découvrir le célèbre Jarrah (Eucalyptus marginata) dont les forêt sont l'habitat de plusieurs plantes carnivores, les Kangaroo Paws (Anigozanthos sp.), emblème de l'Australie Occidentale dont les fleurs en tube sont pollinisées par les oiseaux et un grand nombre de "Peas", papillionacées au feuillage coriace et aux fleurs vivement colorées de rouge orangé à pourpre ou mauve selon les espèces.
Anigozanthos manglesii
Fleur sauvage
Chorizema ilicifolia
"Holly flame Pea"
Fleur sauvage
Mais toujours pas de DROSERA tubéreux ou pygmée !Sur la carte du parc que nous avions prise à l'entrée, plusieurs parcelles autour de nous étaient simplement étiquetées "bush", mot intraduisible et fourre-tout désignant toute partie de végétation sauvage, ce qui regroupe sous le même terme aussi bien la forêt que des prairies sauvages, des marais...
La partie dans laquelle nous nous engagions était composée essentiellement d'arbres (Eucalyptus sp.) de 3 à 4 mètres de haut et de buissons bas au feuillage assez coriace. un sentier serpentait dans ce "bush" d'une dizaine de mètres de large qui longeait la route.
Une des caractéristique de la végétation australienne réside dans les feuilles fines et coriaces de beaucoup d'arbres et d'arbustes. Le soleil ardent de l'été, la sécheresse saisonnière, ont conduit ces plantes à ne produire que des feuilles fines et souvent retombantes, n'affrontant pas directement les rayons du soleil. Il en résulte que ces arbres produisent très peu d'ombre, et que même sous une forêt assez dense, une bonne part de la lumière parvient jusqu'au sol, permettant à plusieurs strates différentes (arborée, arbustive et herbacée) de cohabiter avec succès.
C'est le long de ce sentier que nous trouvâmes les premiers Droséras tubéreux : au pied d'un bouquet d'arbres, s'étalant le long du sentier sur 50 cm de large et 2m de long, toute une colonie de Drosera erythrorhiza ssp collina.Moi qui n'avais jamais vu ces plantes autrement que solitaires, en pot, croyez-moi, j'ai reçu un choc : plus de cinquante rosettes, de toutes tailles (jusqu'à 12cm) tapissant le sol ! Un peu plus loin, plusieurs stolons de Drosera stolonifera ssp porrecta commençaient à sortir d'entre les feuilles d'Eucalyptus mortes, certains avec déjà un ou deux étages de feuilles.
Notre promenade se continua tout l'après midi dans King's Park, le long des sentiers de promenade, nous permettant de d'observer plusieurs vols de perroquets, les "Honey Eaters" oiseaux pollinisateurs, et d'entendre le célèbre rire du kookaburra. Nous ne trouvâmes pas d'autres Plantes Carnivores, mais une curieuse orchidée terrestre tubéreuse de 30 cm de haut, Pterostylis vittata, aux étranges capuchons verts.
Situé à 30 kilomètres à l'est de Perth, au coeurs des premiers contreforts de la Darling Range, le John Forest National Park fut, dès une voiture louée, le but de notre première expédition.
Ce secteur de la chaîne des Darling Range sert d'aire de collecte d'eau pour la ville de Perth. Le sol latéritique pauvre est couvert de cette végétation typique qu'est la "Jarrah Forest", forêt principalement composée d'Eucalyptus marginata ("Jarrah"), de Xanthorrhoea preissii ("Blackboy" ou "Grasstree"), de plusieurs espèces de BANKSIA (protéacée arborescente aux fleurs superbes) ainsi que de nombreux buissons bas plus ou moins épineux, souvent couverts de fleurs remarquables.
Le sol latéritique épais selon les endroits de quelques dizaines de centimètres à 2 ou 3 mètres, permet un drainage rapide et un écoulement de l'eau des pluies hivernales jusqu'au sous-sol imperméable granitique, par endroit entaillé par les gorges de cours d'eau saisonniers.
Xanthorrhoea preissii
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Du parking, un sentier partait en contrebas vers le lit d'un ruisseau. Celui-ci avait taillé une gorge dans le granite qui apparaissait de part en part parfois recouvert d'une fine couche argileuse provenant du lavement de la latérite des collines.
Après avoir traversé le ruisseau, le sentier conduisait à travers la Jarrah Forest. Là, entre les feuilles mortes d'Eucalyptus et de Banksia, apparaissent de part en part de nombreux Drosera erythrorhiza ssp collina (très courante, cette plante est pratiquement omniprésente dans la Jarrah Forest, avec des formes locales différentes dont ssp squamosa à environ 30km au sud de Perth et ssp. magna à 200km au nord).
La "Jarrah Forest"
Drosera erythrorhiza ssp collina
La "Jarrah Forest"
Nous arrivons à un petit lac (retenue d'eau pour l'approvisionnement de Perth) dont nous faisons le tour. Au retour, nous nous arrêtons sur le remblai du barrage et nous asseyons pour un pique-nique.
Nous rentrâmes le soir, heureux de ces premières découvertes. Nous avions rendez-vous le lendemain avec Mark Stuart, à Roleystone, une "banlieue résidentielle" située à 20km à l'est de Perth. Il avait su m'allécher en m'écrivant que sur les deux hectares de terrain entourant sa maison, poussaient pas moins de 8 espèces sauvages de plantes carnivores !
Mark nous expliqua l'itinéraire prévu pour la journée : après la visite de quelques sites dans la Darling Range (chaîne de montagnes basses parallèle à la côte, située à 20 km à l'intérieur des terres), nous devions retourner dans la "Sandy Coastal Plain" (plaine côtière entre l'océan et la Darling Range, au sol souvent sableux) pour y voir quelques espèces spécifiques de ce milieu (dont, promis, Byblis gigantea et Drosera zonaria).
Drosera erythrorhiza "Roleystone Red"
Drosera erythrorhiza "Roleystone Red"
Caladenia sp.
Drosera stolonifera ssp porrecta
Diuris longifolia
CONCLUSION : La culture de ces plantes
Avant de clore ce premier article (ne manquez pas Dionée 35 pour la suite), il y a, à voir les plantes dans leur milieu naturel, plusieurs leçons à tirer quant à nos méthodes de culture.
Tout d'abord, les conditions climatiques :
Bien que la mi-juillet soit au plein coeur de l'hiver, les journées sont plus longues que sous nos latitudes. Le soleil se couche 1 heure plus tard que chez nous, et se lève d'autant plus tôt. Il est raisonnable d'espérer deux jours de soleil pour une journée de pluie, et même lorsqu'il pleut, le soleil n'est pas absent : il s'agit le plus souvent d'averses, parfois violentes, mais vite entrecoupées d'éclaircies. Pas comme sous nos climats de longues journées sombres et pluvieuses.
Les températures sont douces dans la journée (de 12 à 25°C) le gel étant exceptionnel. La nuit la plus froide fut, au début du mois d'août (équivalent à début février dans l'hémisphère nord) à 2°C au-dessus de 0.
Les sols dans lesquels poussent ces plantes sont souvent bien différents des tourbières auxquelles nous sommes habitués.
J'ai décrit dans le présent article, deux situations bien différentes dans lesquelles poussent des plantes bien différentes : la Jarrah Forest et les affleurement granitiques (le ruisseau à John Forest National Park).