(86.466 octets)

Le nouveau Droséra en milieu naturel.
(Photos S. et I. Hartmeyer)

Structures pétiolées jaunes sur les feuilles.

(51.661 octets)

Observation sur une nouvelle espèce de Drosera dans la région de l'Ord River (Australie)

(Siegfried Hartmeyer et Irmgard Hartmeyer)
Traduction libre de Philippe Namour



Résumé:

Lors d'un voyage dans la région de l'Ord River, en 1995, nous découvrîmes un rossolis tropical apparemment distinct de Drosera indica. En avril 2001 nous retournâmes dans les montagnes Kimberley et retrouvâmes ce nouveau Drosera. Nous enregistrâmes une vidéo numérique de cette étonnante nouvelle espèce, qui développe des tentacules avec de grotesques 'têtes' jaunes privées de mucilage. Un exemplaire mis en herbier fut envoyé au Dr. Jan Schlauer qui, confirmant la nouveauté de ce Drosera en tant qu'espèce distincte, aimablement accepta de fournir une description afin d'en établir le nom scientifique.

Première découverte

Retour en avril 1995, nous marchions tous deux à travers une prairie de spear-grass1 dans la région de l'Ord River, au Nord de Kununurra, enregistrant une vidéo sur les plantes carnivores (Hartmeyer & Hartmeyer, 1995). A ce moment mémorable je trouvai un plant isolé d'un remarquable rossolis, qui à première vue ressemblait à un Drosera indica rouge. Mais, une inspection plus poussée, révéla qu'il en différait par l'aspect plus délicat de ses feuilles-pièges rouge foncé et l'orientation de son inflorescence, élevée parallèlement à la tige dressée. Curieusement, des taches jaune-pâle brillaient parmi les feuilles. Ces gouttes jaunes, apparentes sur les feuilles, semblaient être du pollen venant des diverses graminées croissant dans cet habitat. Nous filmâmes l'étonnante plante et notre vidéo la présentait avec cette question aux spectateurs : c'est probablement une nouvelle espèce. Merci de nous donner une réponse si jamais vous avez vu un tel Drosera .

La première réaction vint du Dr Jan Schlauer (un éminent expert des plantes carnivores et co-rédacteur de Carnivorous Plant Newsletter), pendant la projection d'une partie de notre film en 1995, lors de l'assemblée annuelle de la société allemande des plantes carnivores (GFP2) à Merzig. La totalité de la plante lui paraissait très intéressante et il nous demanda si nous avions des plants vivants, des graines ou des spécimens secs. Malheureusement lors de notre premier voyage nous ne trouvâmes aucune graine mûre, aussi sommes-nous repartis les mains vides, suivant en cela strictement la devise de nos périples vidéo uniquement photographier et ne laisser que l'empreinte de nos pas. Aussi la seule chose que nous ayons à montrer étaient nos images vidéo, mais cela n'était pas suffisant pour décrire une nouvelle espèce, si intéressante soit-elle.

Nous étions convaincus que ce que nous avions trouvé à l'Est des Kimberleys, était quelques chose de proche, mais distinct de Drosera indica. Nous planifiâmes un autre voyage pour le prouver. Mais en raison de sérieux problèmes de santé me contraignant à la retraite, voyager fut impossible pour nous durant un long moment. Six longues années passèrent avant de nous retrouver de nouveau en avril, au petit aéroport de Kununurra, heureux et excités.

La redécouverte Le temps était beaucoup plus humide qu'en 1995. Avril, dans les montagnes du Kimberley, correspond à la fin de la saison des pluies. Cette année là, elles apportèrent beaucoup d'humidité et l'hygrométrie était encore supérieure à 80%. Les prévisions météo annonçaient des températures constantes proches de 34-36oC à Kununurra même les températures nocturnes ne descendaient pas en dessous de 24oC ! Avec de telles conditions oppressantes, nous décidâmes de passer nos midis en reconnaissance de sites intéressants, protégé par l'air conditionné de notre voiture louée, de prendre une pause durant les heures les plus chaudes et de retourner filmer les sites intéressants en fin d'après midi. Il est beaucoup plus difficile de détecter Byblis et Drosera durant l'après midi, leurs fleurs étant fermées et les plantes cachées parmi les herbes.

D'abord nous nous dirigeâmes vers la prairie, plusieurs km au nord de Kununurra, où nous avions trouvé le fascinant rossolis rouge, six ans plus tôt. Mais le site était encore inondé et pas même une fleur d'Utricularia n'était visible. Nous inspectâmes les aires environnantes mais sans plus de succès. Un peu désappointés, nous nous arrêtâmes à un autre site où nous avions vu en, 1995, d'énormes Drosera ordensis habités par de petits insectes Cyrtopeltis. Là encore nous fûmes déçus, des sortes de câbles ont été étendus le long de la route et la surface est maintenant couverte d'une épaisse couche de latérite et de gravier gréseux. Toute la végétation était détruite.

En Allemagne les gens disent : toutes les bonnes choses vont par trois ! Aussi nous décidâmes d'une troisième tentative afin de trouver ce rossolis et de suivre notre propre conseil pour trouver des plantes carnivores dans les Kimberleys, donné dans notre vidéo de 1995 (Hartmeyer & Hartmeyer, 1995) : Rechercher les groupes de Pandanus dans les prairies de spear-grass, le long de la route . Nous voyageâmes jusqu'à ce que nous trouvâmes le long de la route, un groupe de quatre ou cinq des ces arbres caractéristiques, alors nous arrêtâmes la voiture. La prairie herbacée débutait à environ 3 à 4 m de la route. Après seulement quelques pas à travers cette prairie, nous fûmes stupéfiés, non pas de nous trouver face à Drosera burmanni ou Byblis filifolia, ce qui aurait été normal. Non, nous n'en croyions pas nous yeux car la première plante carnivore que nous trouvions ce jour était l'espèce rouge que nous recherchions ! Notre première plante, et dire que nous avions prévu de passer les deux semaines suivantes à sa recherche ! Malgré notre excitation et notre bonne volonté nous décidâmes de retourner pour une pause rafraîchissement dans notre bungalow. (35oC peut être très chaud si vous n'avez pas d'ombre où vous retirer !). Après que le soleil tropical eut un peu réduit son ardeur, protégés de notre écran total et du répulsif Bushman Ultra, nous nous redirigeâmes vers le site afin d'enregistrer le Drosera sur cassette vidéo numérique.

C'était le 21 avril à environ 16h30. Un bras additionnel pour photo-macro était fixé au trépied, afin de prendre quelques photos rapprochées et l'équilibre des contrastes réalisé. Le sol était constitué de sable fin, érodé des très vieilles formations gréseuses des Kimberleys, appelées Bungle Bungles3, et de fragments de latérite rouge. Nous dûmes nous agenouiller pour filmer les plantes et, nos pantalons commençant à pomper l'eau du sol, nous découvrîmes que la terre d'apparence sèche était en réalité humide. L'évaporation de cette humidité doit concourir à la production d'un microclimat frais aidant les plantes à survivre parmi ces brûlants sites ensoleillés. Le gravier, déposé par l'équipe de cantonniers, juste quelques mètres plus loin, était sec et trop brûlant pour y tenir pieds nus comme vous pouvez l'imaginer, pratiquement aucune végétation croit ici.

La spear-grass constitue la végétation dominante et atteint environ deux mètres de haut. Les Pandanus sont bien sûr présent ainsi que d'autres graminées, quelques petites herbes en fleurs, de nombreux Byblis filifolia en fleur (habités par un insecte symbiotique Setocornis) et quelques plants de petits Drosera ordensis.

Après une première vision sur le petit écran à cristaux liquides de notre caméra vidéo, je remarquai que les boules jaune brillant, visibles sur notre vidéo de 1995, étaient également présentes sur les feuilles de ces plantes. De plus ce n'était visiblement pas des adhérences de pollen de graminées. Les taches jaunes sont présentes pratiquement sur chaque feuille à approximativement 5 mm de la tige. Nous imaginions qu'elles pouvaient être les oeufs d'un papillon ? Une tentative de les ôter montra qu'ils étaient attachés à la plante et se comportaient réellement comme une de ses parties. Très étrange pour un rossolis !

Pendant que j'étudiais ces plantes, j'entendis la voie d'Irmgard : «Zwanzig Meter weiter sind noch mehr als hundert Pflanzen4». La caméra bougea et les jolis insectivores florissant et fructifiant furent examinés plus précisément. Après plusieurs minutes d'investigation, il était clair que nous devions envoyer un échantillon mis en herbier à Jan Schlauer pour plus d'étude, car les boules jaunes semblaient absolument être une caractéristique normale de la plante. Ils apparaissaient sur toutes les feuilles et ressemblaient à des tentacules modifiés portant une tête jaune non collante au lieu d'une goutte de mucilage. Actuellement la fonction de ces étranges structures est juste spéculative. Néanmoins aucune autre espèce de Drosera ne produit de telles structures jaunes, Drosera indica n'a absolument pas ces caractéristiques.

Aux environ de 18h, la température affichée à la montre de Siggi indiquait 29oC. Comme l'air fraîchissait, l'humidité relative augmentait et nous pouvions le sentir. De fines bandes de brouillard montaient du sol parmi les spear-grass. Nous filmâmes le crépuscule tropical, mais rapidement il était temps de rentrer à Kona Lakeside en raison de moustiques devenus si nombreux que même notre répulsif Bushman Ultra était sans effet.

Ce soir là nous célébrâmes la redécouverte de notre rossolis en visionnant notre prise du jour tout en buvant une excellente bouteille de Cabernet Sauvignon australien.

De retour en Allemagne nous rencontrâmes rapidement Jan Schlauer. Sur les bases de notre herbier il confirma nos soupçons : la plante était une espèce nouvelle, distincte. Il accepta de décrire cet étonnant rossolis avec un nouveau nom d'espèce, aussi pouvions-nous nous concentrer sur notre nouvelle vidéo. Pour la description botanique de cette plante, voir l'article de Carnivorous Plant Newsletter (Schlauer, 2001). N'hésitez pas également à nous rencontrer sur notre site : www.hartmeyer.de.

Références citées :

  • Hartmeyer, S., Hartmeyer, I. (1995) Beautiful and Hungry--Carnivorous Plants Part 2, Hunting Veggies® Video (private production), contact the authors of this article.
  • Hartmeyer, S., Hartmeyer, I. (2001) Destination Carnivorous Plants (German title: "Reiseziel Insektivoren--Fleischfressende Pflanzen") CD-ROM produced by IBS-Multimedia (Germany).
  • Schlauer, J. (2001), Drosera hartmeyerorum spec. nov. (Droseraceae), a New Sundew in sect. Arachnopus from Northern Australia, Carnivorous Plant Newsletter, 30, 4, 104-106.



DIONÉE 48 - 2002