Brocchinia reducta (La multiplication asexuée)

(Jean-Paul RUSYN)


La littérature sur Brocchinia reducta est encore assez rare et très avare d'articles concernant sa propagation. Si la méthode naturelle par graines est sûrement possible en culture, la multiplication asexuée reste pour l'instant le seul moyen pour l'amateur d'obtenir des nouvelles plantes de cette espèce particulière et attachante, un tantinet coûteuse. Ainsi, j'ai pu pratiquer quelques séparations de rejets tout au long de la saison 1999 avec un taux de réussite de 100% en réalisant des bouturages.

Le pied que je cultive est arrivé dans ma serre en mars 1997. Il mesurait alors 5 à 6 cm et possédait 3 ou 4 racines, très blanches, de la même longueur. Pressentant que le système racinaire devrait être important, il fut installé dans un pot assez haut (12cm) rempli d'un mélange constitué de trois parts de tourbe blonde, une de perlite et une de vermiculite. De fréquentes pulvérisations d'engrais* paraissaient lui convenir puisque de nombreuses feuilles de plus en plus grandes, se sont succédées tout au long de l'année. Au printemps suivant, sa taille atteignait une quinzaine de centimètres pour 2 cm de diamètre au «collet». Le régime, pulvérisations journalières et apports d'engrais hebdomadaires fut reconduit, l'arrosage se faisant par le dessus. A l'automne de cette même année apparurent quelques rejets, juste au niveau du substrat, en dessous des premières feuilles. Cette zone était libre de feuille car, par mesure prophylactique, j'avais enlevé les plus basses au cours de la saison. Elles étaient nécrosées et défiguraient la potée.

L'hiver, dans les conditions de la serre, 4-5°C la nuit, 20-25°C voire plus en fonction de l'ensoleillement dans la journée, les rejets ont continué doucement à pousser. Au mois de mars, leur taille était de 3 cm, mais aucune racine ne semblait vouloir se former au niveau des pieds des rejets. Leur croissance me paraissant très lente, je décidai alors d'en séparer deux. A cause de leur faible diamètre, l'aide d'une pince brucelles à bouts ronds s'est avérée nécessaire. Sans les écraser, ils ont été prélevés du pied mère par cassure plus que par arrachement. Après une application de fongicide sur toutes les parties lésées, les extrémités des jeunes pousses ont été trempées dans de la poudre d'hormones de bouturage et plantées d' 1 cm environ dans un substrat identique. Chaque bouture, recouverte d'un fond de bouteille d'eau minérale en guise de mini serre, fut placée à l'emplacement le plus lumineux. Un mois plus tard, la curiosité l'emportant sur la prudence, j'ai constaté, en retirant les jeunes plantes, que le processus de formation des racines était en cours. Quelques petites radicelles de 7 où 8 mm apparaissaient sur les deux boutures. A partir de ce moment, elles ont bénéficié d'engrais toutes les semaines. Encouragé par le résultat, j'ai fait subir le même traitement aux autres rejets.

Au mois de mai, deux nouveaux rejets particuliers se sont formés. A la différence des premiers, ceux là sont apparus plus haut sur la plante, entre les feuilles. Leur croissance a été beaucoup plus vigoureuse et rapide. Alors que ceux qui avaient poussé à la base sur le «tronc» à peu près à la même époque ne dépassaient pas après 5 mois les 3 cm, les deux derniers en mesuraient plus de 13 ou 14. Pourquoi une telle différence?

Les rejets supérieurs ont, dès leur apparition, bénéficié en permanence de l'eau et de l'engrais accumulés par les feuilles. Ceux du bas, se sont contentés des vaporisations et de l'humidité du substrat. Humidité relative néanmoins, car bien que le pot repose dans 1 ou 2 cm d'eau, il est assez haut et la surface du mélange n'est qu'à peine humide. Il serait tentant d'entourer le collet de la plante d'un peu de sphagnum vivant pour assurer un maximum d'humidité aux rejets, mais comme l'engrais et le sphagnum ne font pas bon ménage (mais pas du tout), cette solution n'est pas à envisager. Par contre, si je n'avais pas coupé très ras les feuilles anciennes qui jaunissaient, les petits rejets, engainés dans celles ci, auraient eux aussi certainement profité de l'eau et de l'engrais accumulés, à moins que cette croissance si vigoureuse soit due au fait que la plante est plus active vers le sommet que vers la base. Je n'ai pas osé prélever à cette époque un des deux grands rejets car la potée avait fière allure et je ne savais pas si un rejet de 15 cm pouvait produire facilement des racines. Au printemps 2000, je les ai néanmoins séparés et la reprise s'est faite sans problème. La croissance des boutures est assez lente jusqu'à 5/7 cm. A cette taille, elles ressemblent plus à des plants de poireaux qu'à des brocchinias. Les feuilles n'ont pas encore le port enroulé et cylindrique des plantes adultes, elles sont plus ouvertes. Il faut patienter 2 à 3 ans pour obtenir une belle plante mature de 30 à 40 cm qui fera sûrement de nombreux rejets, peut être des fleurs et un article sur le semis !

Brocchinia reducta est une plante très facile à cultiver. Elle peut se satisfaire des conditions d'un appartement si l'on prend la précaution de la pulvériser souvent et de maintenir en permanence de l'eau dans le coeur des feuilles. Si la culture en serre chaude permet une bonne reprise des boutures et une croissance plus rapide, je pense que la serre froide, maintenue hors gel et très lumineuse, est plus adaptée pour obtenir des plantes avec des feuilles bien enroulées et non retombantes.



DIONÉE 47 - 2002