Les formes rouges australiennes d'Aldrovanda vesiculosa

(Mickaël LEGRAND)


Maintenant que vous devez connaître les formes entièrement rouges de Dionaea muscipula ('Akay Ruy', 'Royal Red' et consorts), que diriez-vous de voir rouge également chez sa cousine, la roue à aube carnivore : Aldrovanda vesiculosa ? à cette différence près qu'il s'agit d'une forme naturelle australienne et non d'un produit de l'horticulture (quoique ces fameuses dionées ne soient que des améliorations de mutation sauvages - Schnell, com. pers. 1999). En fait, il s'en trouve trois formes endémiques, une originaire du nord (Girraween Lagoon, 30km S.E. de Darwin), une autre sur la côte est (Baternans Bay, 110km S.E. de Camberra) et une dernière, récemment découverte par A. Lowrie, en Australie Occidentale (environs de Mertens Creek, au dessus des Big Mertens Falls, dans le Kimberley), dans un plan d'eau au niveau variable, en cohabitation avec Nymphea sp. A mon sens, la plus belle des deux premières (faute d'informations sur l'exacte coloration de la dernière) est celle du nord, d'un rouge Bordeaux uniforme, la seconde se limitant à "rougir" par endroits pour adopter globalement une teinte plutôt orangée.Il ne sera malheureusement jamais possible de savoir si elles ont des points communs avec notre population française de la région d'Arles (aujourd'hui éteinte) et qui d'après les témoignages auraient eu cette même couleur rouge. (c.f. Livret du Dr Degreef sur Aldrovanda, publié par Dionée.)



Ces deux formes offrent des différences notables par rapport à leurs homologues vertes tempérées, notamment au niveau de leurs habitats de prédilection, qui sont de loin plus encombrés de toute une végétation aquatique. Il est ainsi évident que leur coloration ne viendrait pas du fait d'une exposition plus importante au soleil mais bien d'une différence constitutionnelle : alors que les formes européennes et japonaises contiennent comme principal pigment de la plumbagine (de couleur jaune-soufre), qui leur vaut leur couleur vert-clair, les formes australiennes possèdent également des anthocyanines actives (ces pigments rouges dont on vous parle régulièrement et dont la neutralisation est par exemple à l'origine des formes heterophylla de Sarracenia). Au contraire, elles sont encore plus sensibles à l'insolation, et à partir de deux heures d'exposition par jour, elles acquièrent leur jolie teinte rouge (rose en hiver). En culture, une exposition de l'aquarium près d'une fenêtre orientée à l'est ou au sud-est, est idéale : il recevra le soleil direct du matin, quelques heures par jour. On dispensera une lumière diffuse le reste de la journée, au moyen d'une lampe fluorescente de 10 watts par exemple. On complétera le dispositif en apposant une feuille de papier sur la face exposée au soleil (ne laisser exposés que les 2 cm de la surface), de manière à limiter la croissance d'algues filamenteuses ainsi que la surchauffe de l'eau en été (optimum : 25-29°C ; max.: 34°C).



Ces aldrovandas australiennes n'exigent pas d'hivernage, un point des plus intéressants pour leur culture quand on sait les difficultés que peut soulever cette phase délicate mais indispensable chez les populations tempérées. Toutefois, si on y tient vraiment, il suffira d'exposer les plantes à une température de peu inférieure à 18°C, mais leurs turions resteront moins résistants au froid que ceux des souches tempérées.


Par contre, elles demeurent aussi exigeantes sur les qualités de leur eau. Il est bon d'apporter des feuilles mortes de massettes à raison de 4 g pour 3 litres d'eau (un aquarium de 3 à 20 l suffisant), à renouveler tous les 2-3 mois. Le pH sera amené à 6.0 - 7.5. L'eau devra être pauvre en azote et phosphore, sous peine de subir une invasion d'algues. A l'opposé, une forte concentration de dioxyde de carbone (> 0.1 mmol / l) sera la garante d'une croissance vigoureuse des plantes et leur permettra de donner libre cours à leur penchant caractéristique à la ramification spontanée.



Pour combler ce dernier besoin, il existe dans le commerce aquariophile des diffuseurs de CO2, mais il est possible de se débrouiller à bien moindres frais, sur les conseils de T. Camilleri. Il suffit de disposer d'un récipient de 5 litres muni d'un bouchon (pas de verre ! Beaucoup trop dangereux - il existe des bidons d'eau de source qui devraient faire l'affaire), de 250 g de sucre, une cuillère à café de levure de boulangerie, une longueur de tuyau suffisante pour relier le récipient à l'aquarium. Percez le bouchon du récipient au diamètre du tuyau, puis placez ce dernier avec précaution afin de ne pas élargir l'ouverture et assurer la plus grande étanchéité. Remplissez le récipient d'eau, ajoutez le sucre et la levure. Placez le bouchon et immergez l'autre extrémité du tuyau dans l'aquarium. Pour une meilleure dissolution du CO2 dans l'eau, il est préférable de munir l'embout du tuyau d'un microdiffuseur pour aquarium. De même, vous obtiendrez de meilleurs résultats si vous partez de levures utilisées par l'industrie du champagne ou de la bière, sélectionnées pour supporter les taux élevés d'alcool qui résultent des fermentations (le facteur fatal pour la levure au final). Selon la température, la réaction peut prendre 8 heures, après quoi ce générateur produira du CO2 pendant près de 2 semaines (ou plus si vous si vous utilisez les deux derniers types de levures, dont vous prolongerez la vie avec un supplément de sucre, tant que le taux d'alcool ne leur sera pas axcessif). Assurez-vous régulièrement que le tuyau ne se bouche pas, sous risque des surprises que l'on peut attendre d'un récipient sous pression.



Dès que la production cesse, lavez le générateur et renouvelez le mélange.



Bibliographie :

  • ADAMEC, L. «The Biology and Cultivation of Red Australian Aldrovanda vesiculosa». Carnivorous Plant Newsletter, vol. 28, n°4, déc. 1999.

  • ADAMEC, L. & TEICHREB, C. «News & Views», C.P.N., vol 29 : n°3

  • CAMILLERI, T. «An Economical Carbon Dioxide Generator», Ibid.



DIONÉE 46 - 2001