PINGUICULA FIORII : Le genre Pinguicula L. (Lentibulariaceae) en Italie Centrale et description d'une nouvelle espèce : Pinguicula fiorii Tamm. et Pace

(Fernando Tammaro & Loretta Pace )

(Traduction libre E. PARTRAT)

Pinguicula fiorii (Maiella)
(Photos Jürg Steiger)

Vue comparative des fleurs :
- à gauche : Pinguicula fiorii
- à droite : Pinguicula leptoceras

Titre de la publication originale : " Il genera Pinguicula L. (Lentibulariaceae) in Italia Centrale ed istituzione di una nuova specie P. fiorii. Tamm et Pace"
Fernando Tammaro & Loretta Pace, Informatore Botanico Italiano, Vol. 19, 1987.


Avant-propos :

Depuis la publication de cette nouvelle espèce, une vive polémique agite le milieu botanique sur le bien fondé du classement de cette population en tant que nouvelle espèce. Certains auteurs prétendent en effet que les caractéristiques de cette population ne justifient pas un nom d'espèce. Affaire à suivre.


Résumé :

Après avoir étudié la répartition des Pinguicula dans le centre de l'Italie, on a remarqué qu'une des gorges humides à Maiella (Abruzzes, Italie) abrite une Pinguicula qui s'est révélée assez différente des trois espèces connues en Italie centrale : P. vulgaris L., P. leptoceras Reichen. et P. longifolia ssp. reichenbachiana Schindler(1) . Les plantes de Maiella montrent une affinité morphologique avec P. balcanica Casper, endémique de la péninsule des Balkans, mais en diffère par la morphologie des feuilles et l'ensemble lobes-calice : les pointes du calice et les lobes de la corolle arrondis. C'est en raison de ces différences, que nous pensons que les plantes de Maiella appartiennent à une nouvelle espèce que nous appelons P. fiorii en hommage au botaniste Italien Adriano Fiori (auteur de la Flore Italienne).

(1) Note : Dr. Jürg Steiger conteste la présence de Pinguicula leptoceras ainsi que P. longifolia ssp. reichenbachiana en Italie centrale (correspondance personnelle avec Serge Lavayssière)

Pinguicula fiorii sp. Nov.

Les spécimens ont été récoltés dans certaines gorges de Maiella, entourées de hêtres ou de frênes, à une altitude entre 700 à 1200m sur des rochers suintants ou sur des coussins de mousse. D'après Casper (1962), ils ont d'abord été identifiés en tant que P. balcanica Casper, endémique de la péninsule des Balkans, en raison de la forme de la corolle qui est arrondie et incurvée en bordure et par les dimensions de la fleur et de l'éperon. Un examen plus précis a permis de distinguer cette espèce de P. balcanica Casper, sur la base des lobes du calice qui sont arrondis à l'apex, les feuilles qui sont notablement plus arrondies, la capsule de graines située au même niveau ou légèrement émergente du calice, et d'autres caractéristiques. Pour ces différences morphologiques, la forme de Maiella a été reconnue en tant que nouvelle espèce, nommée Pinguicula fiorii en hommage à Adriano Fiori, illustre auteur de la Flore Italienne.


Description :

Plante pérenne avec hibernaculex, rhizome court et racines filiformes. Les feuilles, au nombre de 7 à 8 sur une rosette basse, avec rebord très arrondi, couvrant 1/5 de la totalité de la feuille, dépourvues de poils au dessous, glandulaires et collantes au dessus, de couleur vert brillant. De forme grossièrement ovale, de 24 à 27mm de long sur 9.5 à 12mm de large. La hampe florale (1 ou 2), glabre ou glandulaire à la base, densément glandulée à l'apex, 50 à 75mm de long , supportant une fleur unique. Les fleurs sont bilobées, de 15 à 20mm de long, de couleur azur violet, un calice glandulaire. Le lobe supérieur du calice trilobé est largement ovale, avec un apex arrondi, court, presque aussi long que large. Le lobe inférieur est bilobé. La corolle mesure 15 à 20mm, bilobée, la gorge est hirsute avec des poils blancs multicellulaires, qui sont plus petits autour de la base du lobe supérieur que sur le lobe inférieur. Le lobe inférieur est trilobé, de forme arrondie-oblongue, se chevauchant sur les bords. L'éperon est droit, épointé, diamètre de 4,5 à 5,5mm et d'une longueur environ du tiers de la corolle. La capsule est ovoïde, au même niveau que le calice.


Holotype :

Pentes de l'est de Maiella, dans la localité de Cannelluccia di bocca di Valle dans une gorge sur des rochers calcaires suintants, 750m, 30 mai 1983, F. Tammaro (AQUI) in Fl., RO.


D'autres spécimens ont été trouvés sur des pentes du nord de Maiella, Valle dell'Orfento, Grotta di S. Giovanni. 800m


Habitat et écologie

P. fiorii est strictement limité aux rochers suintants, dans des gorges ombrées. Elle se rencontre au milieu de bois de hêtres ou frênes, des deux côtés des pentes Est et Ouest de Maiella, entre 750 et 1400m. La plante se rencontre fréquemment sur des coussins de mousse continuellement humides. Ses compagnons sont Musci, Marcantia, Equisetum palustre, Parnassia palustris, Scrophularia nodosa, Angelica sylvestris.


Chromosomes : 2n=32


Corrélations systématiques

P. fiorii montre une remarquable ressemblance avec Pinguicula balcanica Casper. par la forme et la taille de la fleur, le chevauchement des lobes de la corolle ; il diffère par contre de façon claire par les feuilles arrondies, le calice rond et les capsules de graines qui sont légèrement protubérantes par rapport aux pointes du calice. Il se différencie de P. longifolia ssp. reichenbachiana Casper. par les dimensions moindres de l'éperon (plus de 24 mm pour P. longifolia ssp. reichenbachiana), des fleurs et des feuilles (de plus on note des différences dans la forme du pollen, dans la forme des poils de la gorge et des pointes du calice). Enfin, il diffère de P. vulgaris L. par la forme des lobes de la corolle (pour cette dernière, ils sont oblongs et non chevauchants, les pointes du calice et d'autres caractéristiques microscopiques (poils des gorges de la corolle, pollen et l'enveloppe de la graine)


Premiers pas dans la culture de Pinguicula fiorii (E. PARTRAT)

Je cultive de jeunes pieds de cette espèce dans un mélange basique (identique à celui des grassettes mexicaines) composé de perlite, vermiculite, terre argilo-calcaire. Il ne semble pas avoir de difficultés particulières pour réussir à la cultiver mais elle ne semble pas apprécier un milieu trop acide à base de tourbe (échec). Elle doit pouvoir pousser sur de la mousse (mais pas dans de la sphaigne trop acide), mais l'inconvénient de la mousse est sa vitesse de croissance qui recouvre facilement de jeunes plants. Elle pousse comme la plupart de mes grassettes tempérées : un grand bac rempli du mélange préconisé, en plein air toute l'année. L'exposition est également classique : soleil quelques heures en fin de journée (1 à 2 heures). Comme la plupart des grassettes, elle peut être victime des attaques nocturnes de limaces...



DIONÉE 44 - 2000