Un drôle de voyage : Pinguicula hirtiflora (Stéphane JOLY)
Le biotope de P. hirtiflora en Grèce est sûrement très semblable
au biotope Italien (voir article de Mickaël Legrand dans Dionée n°39).
J'ai trouvé en Grèce 2 formes différentes de cette plante, au
cours d'un voyage de 12 jours pendant la période de Pâques...
La recherche ne fut d'ailleurs pas très facile car la littérature
fournit peu d'informations sur l'aspect de ces plantes et sur leur
localisations. Les trouver ne fut donc pas aisé, les zones répertoriées
sur le Casper représentant souvent sur le terrain des centaines de
kilomètres carrés à parcourir en seulement un ou deux jours. (Quelles
jambes ! )... Il fallait donc un peu de chance pour pouvoir en observer
en milieu naturel, pendant une période aussi courte...
Dans la littérature (CASPER), plusieurs formes étaient décrites en
fonction de leur localisation :
Maintenant, cette plante semble être sous le nom de P. crystallina
var hirtiflora. Qu'en est-il de la nomenclature pour les différentes
formes de cette plante ?
La première forme fut trouvée dans le mont Mégaspiléon (Péloponèse),
sur la route entre Diakopton et Kalavryta, sur la gauche, quelques virages
avant le monastère de Mégaspiléo, après une journée épique à essayer de
retrouver son chemin sur des chemins de terre boueux avec la voiture
de location. (Angoisses garanties !).
Le biotope est une cascade à pic sur roches calcaires, et ce qui
frappe le plus par rapport aux biotopes de nos régions est la densité
de plantes au cm2... Malgré le soleil, la température de l'eau reste
fraîche. (16°)
C'est une jolie grassette d'environ 8 cm de diamètre, d'un vert
clair pour les plantes les moins exposées, mais tirant sur le bordeaux
pour les plantes en pleine luminosité, ce qui donne un aspect un peu
cramoisi à la plante. La fleur est assez jolie avec un palais orange
vif, une gorge blanche et des pétales rose-pâle, qui rappelle P.
primuliflora. Les feuilles sont un peu plus allongées que l'autre
forme, un peu en pointe, et légèrement gondolées...
La seconde forme est ma préférée et a été trouvée plus au nord
13 Km avant Grévena, en venant de Kalambaka, au lieu-dit Vénétikos
River. Le biotope est toujours une cascade calcaire dans une faille,
et ce qui choque est l'aspect désolé et poussiéreux de l'endroit.
Tout à l'air sec, sauf là où il y a de l'eau. La densité des plantes
est encore plus élevée, surtout en bas car la roche est très friable.
Il y a un amas de jeunes plantules au pied de la cascade.
La taille de la rosette est un peu plus petite. Le diamètre maximum
est de 6,5 cm, et sa couleur est d'un vert plus clair se rapprochant de
la couleur de P. vulgaris. La teinte ne change pas selon l'exposition. La
fleur présente aussi des différences nettes par rapport à l'autre forme ;
elle est plus petite, mais la couleur est la même. Par contre, les lobes
sont plus étroits et bilobés.
Les feuilles sont aussi plus rondes et le bord est retroussé uniformément.
En culture sous serre froide.
(Non chauffée, les plantes sont avec les SARRACENIA)
Le mélange que j'utilise est composé d'un tiers de perlite, d'un
tiers de sable et d'un tiers de roche calcaire broyée, une partie
grossièrement, et une partie fine.
Les plantes aiment le soleil direct mais une certaine fraîcheur
au niveau des racines. Pour ce faire, j'utilise un aquarium de 120
litres avec au fond des briques pour conserver la fraîcheur, et des
gros morceaux de marne immergés...
Un système de pompe (type Gardena) remonte l'eau au niveau des
plantes les arrosant régulièrement avec de l'eau fraîche. Dans ce
bac, je cultive aussi 3 formes de P. vallisneriifolia, dont les
exigences sont identiques.
P. hirtiflora a déjà supporté des gelées de -10° sans problème,
lors d'un hiver très rigoureux ; elle est donc capable d'une certaine
rusticité. Je maintiens cette plante depuis environ 3 ans, et il est
difficile de dire si cette plante est bi ou trisannuelle, cela dépend
peut-être des conditions de culture.
Pour la multiplication :
Les gousses sont très petites un peu comme P. lusitanica et ne
produisent des graines qu'après fécondation au pinceau. Peu de graines
sont ainsi produites, mais la germination, est facile. La plante étant
homophylle, elle ne produit pas d'hibernex, et donc de bulbilles ; la
multiplication végétative n'est donc pas facilitée, et je n'ai jamais
tenté de boutures...
Je n'ai personnellement pas tenté d'hybridation, ni avec d'autres
espèces, ni entre les 2 formes, car j'ai toujours peur de finir par
les confondre au bout de plusieurs année de culture...
Les 2 formes portent toujours simultanément 2 à 3 hampes florales,
ce qui fait qu'on peut la qualifier de florifère, de plus elle fleurit
longtemps en serre (d'avril à octobre pour un même pied). Étonnant pour
une grassette européenne...
DIONÉE 42 - 1999 |