PINGUICULAS RUPICOLES : (Eric PARTRAT)
Quel amateur n'a jamais rêvé de reconstituer chez lui une
partie du biotope de ses chères carnivores ?
Que ce soit pour des Droséras, Sarracenias, Utriculaires, des
Népenthes ou des Pinguiculas..., elles sont tellement mieux mises en
valeur dans un décor se rapprochant de celui qui sert de toile de fond
aux photos que l'on prend sur site.
Malheureusement, ce n'est pas facile de " ramener " un
morceau de jungle, une falaise Mexicaine ou une tourbière Vosgienne
chez soi, (même si ni envie et ni motivation ne manquent).
On est donc bien obligé de tricher surtout lorsque l'on n'a pas
eu la chance d'aller sur place et que l'on ne dispose que de quelques
photos ou informations sur ces biotopes.
C'est après des tentatives fructueuses de culture de grassettes
Mexicaines, puis la réussite de quelques grassettes Européennes
communes (P. grandiflora, P. vulgaris), grâce aux conseils avisés de
Laurent Legendre grand spécialiste des grassettes Européennes et la
lecture passionnée de l'article de Serge Lavayssière autre grand
passionné, sur les grassettes Espagnoles que l'envie d'essayer de les
cultiver m'est venu (voir DIONEE n° 30 et n°31).
J'ai essayé avec plus ou moins de succès la méthode
proposée dans un précédant DIONEE alliant pompe d'aquarium et
ruissellement d'eau sur une planche de polystyrène, la planche
soutenant les pots contenant les grassettes. Les quelques très jeunes
grassettes que je cultivais de cette façon ont connu un début
prometteur avant que l'hiver 96 trop rigoureux (et mal préparé) ne
vienne mettre un terme à leur croissance.
Mais cette méthode est aussi efficace qu'elle est peu esthétique
à mon goût.
Ce retour à zéro m'a permis d'envisager d'aller encore plus
loin dans le réalisme en imaginant réaliser une falaise artificielle à
partir d'un bloc de polystyrène travaillé :
L'idée était d'utiliser un bloc épais de polystyrène que l'on
modelait à l'aide de chaleur (à faire en extérieur, le polystyrène étant
facilement inflammable et libère des substances toxiques). On pouvait
alors modeler des crevasses, des niches, des aplombs... et installer
dans ces creux, le substrat préconisé pour les grassettes rupicoles.
Cette falaise artificielle était encore loin d'un aspect naturel.
On pouvait s'inspirer alors de la méthode pour réaliser des
décors "naturels" d'aquarium en polystyrène (voir la revue Aquarium
Magazine).
Il s'agit en fait de recouvrir le décor d'une résine et d'un
sablage qui rendra alors un effet plus naturel à notre falaise artificielle.
Je ne suis pas sur que la résine soit totalement neutre pour nos chères
plantes.
Toutes les fantaisies peuvent être permises en utilisant toutes
sortes de granulats fins. On peut même aller jusqu'à incruster des
petites roches pour augmenter l'aspect naturel.
Il ne resterait plus qu'à faire ruisseler l'eau sur cette falaise en
utilisant une pompe pour aquarium de la même façon qu'indiqué dans
DIONEE.
Malheureusement pour moi, je ne suis pas très doué en
travaux manuels et les résultats peu soignés auraient gâché l'effet final
voulu.
J'ai donc envisagé d'aller encore plus loin dans le réalisme en
réalisant une falaise artificielle à partir de roche naturelle dont voici la
méthode :
1 - Le matériel:
2 - La réalisation de la falaise :
Le terrarium est installé sur un support plat avec une
planchette de polystyrène intermédiaire afin de rattraper les
irrégularités du support. Cette méthode vivement conseillée pour toute
installation d'un aquarium plein d'eau est impérative; en effet, un grain
quelconque, mal placé et c'est la catastrophe.
Il devra être disposé avec une bonne exposition lumineuse
mais loin des rayons du soleil ( risque de surchauffe et brûlures très
préjudiciables à nos Pinguiculas qui apprécient un milieu très frais et
non un sauna). Un excès de chaleur pourra se traduire par la formation
précoce d'un hibernacle.
Réaliser la falaise est facile, il suffit d 'empiler les roches les
unes sur les autres en s'assurant qu'elles soient bien calées (une seule
chute peut suffire à briser la base ou les cotés du terrarium).
Une petite place sur un des cotés du terrarium sera laissée
libre pour pouvoir installer la pompe.
La disposition des roches dépendra du coté artistique de
chacun.
Le plus difficile dans la disposition des roches est qu'elle doit
permettre un bon ruissellement de l'eau sous les grassettes et surtout
pas dessus. On peut simuler le futur ruissellement en utilisant un verre
rempli d'eau que l'on verse au sommet de la falaise afin de corriger un
éventuel défaut d'implantation. Il faut en effet que l'eau puisse alimenter
toutes les niches à grassettes avant de couler dans le fond du
terrarium.
On peut être amené à recommencer plusieurs fois cet
aménagement jusqu'à obtenir le résultat souhaité. Cette première
partie n'est pas à négliger car il faut impérativement que chaque
grassette reçoive de l'eau dans son anfractuosité.
Une fois cet aménagement terminé, on peut considérer que l'on
a fait le plus dur du travail.
3 - Le ruissellement
La pompe est installée dans le coin laissé libre du terrarium.
La pompe que j'ai utilisé a un débit de 20 litres par heure mais ce n'est
pas restrictif. Pour un prix pas trop cher, on peut avoir des pompes à
débit réglable ce qui permet d'avoir un débit que l'on règle en fonction
du nombre de goutteurs installés (magasins d'aquariophilie).
Afin d'empêcher les particules de substrat de venir colmater
cette pompe ou de l'user précocement, on peut la recouvrir de
graviers. Certains modèles ont une crépine en mousse qui peut
avantageusement remplacer les graviers. La solution de l'éboulis de
gravier permet de camoufler de façon naturelle la pompe mais il est
important pour ça de prendre des graviers dans les mêmes tons que
pour les roches de notre falaise.
L'inconvénient est que le jour ou la pompe ne marchera plus, il
faudra tout retirer.
On dispose alors au sommet du terrarium notre tuyau (tuyau à
air pour aquarium) qui est suspendu grâce à des ventouses
transparentes (disponibles en magasin vendant des accessoires
d'aquarium) et se terminant par un bouchon solide (il vaut mieux éviter
d'avoir subitement un jet puissant qui décape et détruit tout à cause
d'un mauvais bouchon) .
Ce tuyau sera coupé en de nombreux tronçons, chacun étant
relié avec le suivant par les tés. Au bout de chaque té et d'une petite
longueur de tuyau, on dispose un goutteur.
La petite longueur de tuyau permettra d'ajuster le goutte à
goutte au mieux par rapport aux grassettes.
On pourrait aussi utiliser un tuyau percé de nombreux trous
mais le débit risque d'être trop important et d'emporter substrat et
plantes (ce qui n'est pas apprécié de nos plantes!!)
On remplit alors le fond du terrarium d'eau jusqu'à obtenir un
niveau supérieur à la pompe.
On relie alors notre réseau de distribution et tuyauterie
d'alimentation de la pompe. La pompe pourra être branchée pour
admirer le résultat (Attention, électricité et eau n'ont jamais fait bon
ménage ; il est préférable de demander conseil en cas de doute).
4 - Mise en place du substrat
Nos grassettes rupicoles ne se contentent bien sûr pas du
même substrat mais il semblerait qu'un mélange de calcaire
concassé, de terreau, de sable et de perlite leur convient assez bien.
Mais toutes sortes de sols peuvent être essayés.
Ce mélange très drainant évitera l'accumulation d'eau dans le
substrat des plantes qui sera humide mais ne sera pas détrempé.
Régulièrement, on remplace toute l'eau du terrarium pour
éviter d'avoir trop d'eau stagnante.
Une fois le mélange du substrat réalisé, on dispose celui-ci
dans les anfractuosités, les petites failles entre deux roches (placer un
peu de fibre de coco en bas de la faille pour retenir le substrat...
Il y aura au début un peu de perte de matériau lors des
ruissellements mais une fois que le substrat excédentaire sera parti
dans le fond du terrarium (la pompe appréciera à ce moment sa
crépine) cela ne bougera plus.
Le mieux est de laisser tourner l'ensemble quelques jours afin
de rajouter éventuellement d'autres goutteurs pour parfaire le
ruissellement sur le décor.
5 - L'arrosage
La pompe peut être couplée à une horloge, (prise électrique
marche/arrêt en fonction du temps) ce qui permet de laisser
fonctionner ce terrarium sans assistance. Je suis parti sur la base de
1/4 d'heure de fonctionnement par heure entière.
On peut éventuellement mettre en service une seconde pompe
(éventuellement extérieure au terrarium) pour mettre en marche
1/2 heure en fin de nuit (vers 6h) deux brumisateurs (voir dans
la gamme du fournisseur de goutteurs précité) mais c'est un luxe dont
les plantes peuvent se passer compte-tenu que l'on peut très bien le
faire soi-même de temps en temps.
L'eau que j'utilise est un mélange d'eau de pluie et d'eau
osmosée.
6 - Mise en place des plantes
Les Pinguiculas qui apprécient ce genre de disposition sont :
et moins communs dans nos collections :
On peut bien sur essayer de nombreuses Pinguiculas du
Mexique mais il ne faut pas oublier de les retirer à l'approche de
l'hiver, ce terrarium étant fait pour rester dehors (question de place).
Il va de soi qu'en hiver, il faut purger l'ensemble des
tuyauteries et l'eau du fond du terrarium. L'eau en gelant possédant une
force impressionnante.
Les plantes étant alors installées dans leurs niches. Il ne faut
pas oublier de les répertorier discrètement.
Normalement, si l'on réalise ce terrarium en début de la saison
de croissance des plantes, les racines ont largement le temps de
s'ancrer dans le substrat et dans la roche support.
Mon terrarium contient toutes les Pinguiculas espagnoles et en
fin de saison, j'ai déjà été gratifié de nombreux stolons (pas encore de
floraison mais il n'y a pas de raison).
7 - L'entretien
Il n'y a qu'un petit souci, c'est l'apparition d'algues qui finissent
par bloquer les goutteurs ou le tuyau. Il faut donc de façon préventive,
régulièrement démonter les goutteurs et les nettoyer (opération très
facile).
Le reste de l'installation ne nécessite aucun autre entretien
particulier hormis de veiller à ses plantes.
Si l'on a de la chance, des larves de moucherons apparaîtront
dans l'eau du terrarium ce qui donnera à nos plantes pleins de proies
à capturer.
J'espère que cette tentative donnera des idées d'installation à
d'autres amateurs et qu'ils y apporteront des améliorations pour le
bien-être de nos chères plantes.
DIONÉE 40 - 1998
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