Pinguicula alpina sur le Mont Joly

(Photo : Éric Partrat)


Pinguicula vulgaris "Le Grattague"

(Photo : S. Lavayssière)

Les Pinguicula de la région de St GERVAIS LES BAINS

(Eric PARTRAT, Bérénice BERNARD, Juillet 98 )


Puisque qu'en cette période météorologique bouleversée, il faut passer la Loire pour espérer trouver du soleil, nous sommes allés passer quelques jours dans la Haute-Savoie à Saint Gervais les Bains. Nous espérions aussi retrouver la forme particulière de Pinguicula vulgaris qui avait été découverte par hasard par Laurent LEGENDRE et dont la plupart des plantes des deux sites présenteraient en effet une particularité qui mérite le détour : plusieurs fleurs par hampe florale !. Il avait, il y a une dizaine d'année prélevé une de ces grassettes. Le clone qu'il maintenait en culture avait malheureusement été victime d'un cambriolage, non pour la plante en elle-même mais utilisée pour casser la vitre. Le plus dramatique est que ce site n'existerait plus, les fossés étant drainés et les sources captées. Il restait peut-être une chance que quelques graines aient pu germer quelques années plus tard à l'arrêt de l'exploitation agricole et redonner naissance à une nouvelle colonie mais qu'en est-il du phénotype ? A-t-il été conservé ? C'est pour répondre à ces questions mais aussi pour voir d'autres grassettes que nous nous sommes dirigés vers cette superbe région de la Haute-Savoie.


« Le Grattague »:

Les deux sites à retrouver se situaient dans les chemins d'exploitation forestière autour de ce village. Le premier site était tellement discret que ce n'est qu'au retour que nous avons vu des grassettes. Il faut dire que la période de floraison était passée et que la végétation les recouvraient en partie. Ce site est situé sur un flanc de falaise (schistes) près d'un torrent. Il y a quelques grassettes de petite taille, au maximum une dizaine. Les hampes florales en forme de poire ne laisse aucun doute sur l'identification de Pinguicula vulgaris mais aucun phénotype étrange. Suite à une conversation téléphonique avec Laurent presque in situ (vive les portables qui marchent pour une fois quand il faut), nous avons appris que lors de sa visite il y a de nombreuses années, seules quelques grassettes présentaient le phénotype. Nous sommes revenus le lendemain et avons explorés à nouveau tous les pieds du site avec minutie pour ne réellement pas découvrir un seul phénotype.


Le deuxième site est en fait un nouveau qui n'a pas été découvert à l'époque. Il est situé toujours sur ce chemin, au dessus d'un fossé d'écoulement et le long d'une ligne de source. Les pieds sont aussi des pieds de Pinguicula vulgaris (capsule en poire). Quelques pieds ont une taille très impressionnante c'est à dire une petite quinzaine de centimètres avec l'extrémité des feuilles arrondie. Sans remarquer les capsules, on pourrait croire que l'on est en présence de Pinguicula grandiflora tant la forme des feuilles est surprenante. J'ai déjà vu à Grenoble des pieds similaires de Pinguicula vulgaris et dont les fleurs avaient sur la tache blanche un trait violet. Il s'agit peut-être d'une même population ?. En tout cas, ces plantes à trait violet sont déjà signalées par le Dr Jürg STEIGER dans un de ces textes sous le nom de Pinguicula vulgaris. Le site est abondant et les grassettes très confortablement humectées par l'eau fraîche de la ligne de source. En tout cas, toujours pas le phénotype tant recherché.


Le troisième site qui ne devait contenir que des phénotypes était normalement situé au débouché d'une source. Cette source a été captée par l'homme ce qui a entraîné la disparition des plantes par sécheresse du milieu car il n'y avait aucune trace de grassettes. Quelque déception ! cette recherche confirme qu'un nouveau site a disparu irrémédiablement de la surface de la terre pour permettre à quelques vaches d'avoir de l'eau fraîche en permanence


« Mont Joly » :

Un lieu très réputé par ceux qui veulent admirer le Mont Blanc à condition que l'âne ne soit pas présent ! (âne : appellation locale pour un nuage annulaire qui cache le sommet du Mont Blanc). On arrive sur ce Mont Joly en prenant soit la télécabine à St Gervais (puis les pieds !) soit pour les plus courageux le petit chemin sinueux qui monte depuis la vallée. Une fois sur le Mont, dans les conditions habituelles de rencontre, des grassettes (P. alpina) se rencontrent dans la mousse, parfois la tête en bas. Il est vrai qu'il faut tomber dessus mais une fois que l'on en a trouvé une, les autres apparaissent plus facilement. Il y a donc de nombreuses Pinguicula alpina dont les couleurs vont du vert au rouge carmin en passant par toutes les couleurs intermédiaires suivant l'influence du soleil. La période de floraison était malheureusement passée mais des capsules de graines étaient déjà en maturation. Deux plantes ont en particulier attirés notre attention, c'étaient deux plantes mitoyennes exposées au soleil dont l'une restait verte alors que sa voisine distante de 1 cm était rouge carmin !. L'observation ultérieure des hibernacles confirme qu'il existe bien une différence car s'il s'agit bien de deux P. alpina dont un des hibernacles est aussi vert que l'autre est rouge (comme les clones que l'on trouve chez Nature et Paysage). A. Lowrie commercialise des graines de P. alpina 'verte' qui doivent être identiques. Il y a sur ce site en réalité de nombreuses plantes soit rouges, soit vertes soit intermédiaires. C'est pour ça que j'aime les grassettes, elles nous surprennent toujours ! Après avoir immortalisé cette rencontre, nous sommes allés prendre un repos bien mérité pour attaquer le retour sur l'Ile de France le lendemain mais avant de reprendre la route, dernière petite halte dans un autre endroit sympathique :


« Gorges de la Gruvaz » :

Au sein de cette gorge coule le torrent de Miage. La gorge, autant que le grand pâturage qu'elle draine, sont un paradis pour grassettes. La gorge est assez encaissée et seul un petit sentier mène au point de vue sur la cascade. On ne peut pas manquer ce site. Le lieu est protégé du soleil et le torrent rafraîchit toute la gorge. Il y fait même assez froid. Autant sur le début du parcours on peut avancer relativement vite, autant sur la suite, l'allure est très ralentie pour des amateurs de plantes carnivores bien sur ! En effet, une importante population de Pinguicula vulgaris type s'est appropriée tout le bord du sentier. Quelques gousses de graines déjà matures nous ont permis en plus d'envoyer des graines fraîches à la bourse Dionée. Certains pieds sont même inaccessibles pour l'homme sans matériel approprié et encore ! Ce site sauvage est si bien protégé et hormis si l'on décide la construction d'un barrage, la population de grassettes ne peut que continuer à proliférer pendant encore de très nombreuses années.


DIONÉE 40 - 1998