ATLANTA, USA : (Patrick Henriquel)
La première conférence internationale sur les plantes carnivores s'est
tenue à Atlanta (Géorgie, USA) du 16 au 20 mai 1997. Elle était organisée
par le jardin botanique d'Atlanta (Ron Determann, Ron Gagliardo) et
l'association internationale "International Carnivorous Plant Society".
Cette conférence méritait bien le nom d'internationale puisque en dehors
d'une majorité d'américains, étaient présents des allemands, anglais,
japonais, australiens et malais. La représentation française était assurée
par 4 membres de Dionée Sud-Ouest. Venus des quatre coins du monde,
scientifiques, amateurs et producteurs se sont rassemblés pour la première
fois le jeudi 15 au soir pour un buffet d'ouverture, occasion de rencontrer
pour la première fois nos hôtes.
L'ouverture fut assurée le vendredi matin par Ron Determann (ABG) et
Rick Walker (président de l'ICPS qui assura tout au long de la conférence
le rôle de "chairman"). Après des remerciements à Mr Donald Schnell, un des
fondateurs de l'ICPS, pour l'ensemble de ses activités consacrées aux
plantes carnivores commencèrent trois jours de présentations orales. Les
résumés présentés ci-dessous sont issus des notes prises pendant la
conférence. Ils reflètent quelques idées saisies au cours des différents
discours des auteurs et pas l'intégralité de ce qui été dit. Le barrage de
la langue s'est souvent fait ressentir et j'espère être resté fidèle à
l'esprit de la plupart des conférenciers.
Le programme de conservation des plantes carnivores au jardin botanique d'Atlanta
Deux des points clés du programme de conservation sont la propagation de
plantes rares et la restauration de sites. La propagation est faite par
semis et/ou par des techniques de culture in-vitro et a pour but d'augmenter
des populations en place ou la restauration d'une population en danger.
Après identification des sites en danger, leur restauration implique d'abord
une compréhension globale passant par des études d'hydrologie, de la
matière organique...Plusieurs techniques parfois utilisées en combinaison
peuvent être mises en pratique parmi lesquelles l'augmentation du niveau
d'eau par la création de barrages et le nettoyage par le feu. D'autres
techniques pour se débarrasser des plantes indésirables ont été testées
comme par exemple des herbicides mais les conséquences étaient néfastes
pour la faune locale (poissons, alligators). Les programmes présentés
concernaient essentiellement les Sarracénias.
Mme Nora Murdock et Cary Norquist,
Le processus d'extinction des espèces naturelles végétales ou animales
bien que naturel s'est considérablement accru au cours des dernières années.
Au cours de la période glaciaire du Pleistocène, soit environ 3000 ans, 90
espèces animales ou végétales avaient disparu d'Amérique du Nord ; plus de
500 ont disparu depuis 1620 !
L'organisme "U.S. Fish and Wildlife" s'occupe de déterminer les espèces
végétales ou animales menacées ou en danger et de les protéger. Il prend en
compte de nombreux paramètres tels que : la destruction des habitats,
l'utilisation commerciale, les maladies et les prédations, les facteurs
humains ou naturels... Les différentes agences ont différentes listes
d'espèces en dangers. Elles s'occupent du suivi des sites où sont notés
pour les plantes, leur nombre, leur distribution, les conditions du
biotope...; cela permettant de définir qui a besoin de protection, et les
outils spécifiques à utiliser, d'estimer le coût de la restauration de
l'espèce et le planning de restauration.
Espèces en danger signifie souvent écosystèmes en danger. Le processus
de restauration passe par une première phase de compréhension des dangers
menaçants l'espèce (cela peut être un problème naturel comme la disparition
des castors qui modifiaient le paysage en créant des marécages, la
disparition des incendies, la modification de la couverture végétale. Le
but est de restaurer suffisamment pour que la protection de la plante ne
soit plus nécessaire.
Des techniques comme l'utilisation du feu ou la modification de
l'hydrologie du site (toujours difficile) sont utilisées.
Un des moyens légaux à disposition pour préserver ses espèces et leurs
habitats pour les générations futures est le "Federal Endangered Species
Act" datant de 1973. Les plantes sur cette liste sont protégées. Il est
illégal d'en faire du commerce avec l'étranger et même entre états au USA.
Un permis est nécessaire pour enlever un pied. La peine maximale encourue
en cas de non respect de cette loi peut aller jusqu'à 50000 $ ou 1 an
d'amendes.
S. oreophila en 1979 et S. Rubra ssp alabamensis en 1989 ont été ajoutées
à la liste des espèces en danger.
L'office de Caroline du Nord et du Sud surveille environ 600 espèces
dont la Dionée et différentes populations de Sarracénias parmi lesquelles
11 populations de S. rubra ssp jonesii. Les causes de la disparition de ce
Sarracenia sont liées à l'altération des milieux humides où elle vivait
(drainage, cultures...)
S. oreophila est limité au nord de l'Alabama, à la Géorgie et à la Nord
Caroline. Il reste à l'état naturel 35 populations dont plusieurs ont moins
de 50 plans individuels. Quelques unes des causes de sa rareté sont le
développement de l'agriculture (drainage, utilisation d'engrais néfaste),
le développement d'arbustes et la suppression des incendies qui limitaient
leur croissance, la collecte pour le commerce et les amateurs...
Mr Leo Song, ICPS ,Californie, USA
L'arboretum de Fullerton (Californie) s'occupe beaucoup d'éducation et
possède une collection importante de plantes carnivores. Le problème d'une
collection est qu'elle est souvent inaccessible au plus grand nombre. Un
palliatif à ce problème a été de mettre la collection "online" ; ce n'est
pas vraiment une substitution pour les plantes vivantes mais cela rend la
collection plus largement accessible. Pour transformer cette collection en
un outil d'éducation, ils sont en train de créer une base de données avec
des infos sur l'écologie, la taxonomie....
Mr Joe Mazrimas, Californie, USA
La présentation de J. Mazrimas fut axée sur Darlingtonia californica et
les sites sur lesquels elle se trouve aux USA.
S'appuyant sur des photos magnifiques. toutes les étapes de croissance
de Darlingtonia (jeunes feuilles, fleurs, graines ...) furent passées en
revue. Son habitat est assez large , allant du niveau de la mer à 9000 ft
(2740 m environ) et la plage de température que la plante subit va du gel à
plus de 40°C. La plupart des marécages sont situés sur les zones en pente.
La diversité des sites est grande. Certains sont très ombragés, alors que
sur d'autres, de nombreuses plantes font face au Sud ce qui est très chaud.
Darlingtonia est sensible à la température de l'eau et la limite tolérée
pour la température de l'eau est de 65-70°F(18 à 21°C). Il termina par sa
méthode de culture. Les plantes sont cultivées dans des pots en plastique,
avec des soucoupes avec 5 cm d'eau, dans du sphagnum vivant.
Mr Cliff Dodd, Floride, USA
La première partie de cet exposé fut consacré à une présentation de la
serre. Le côté exposé au soleil est peint et donc très ombragé voire
pratiquement opaque. Deux ventilateurs donnent une bonne circulation de
l'air. Il est nécessaire de trouver un équilibre entre humidification et
circulation de l'air. Un ensemble de problèmes rencontrés fut abordé ;
développement de fougères, de champignons, de mites. Les Nepenthes
d'altitude sont mis à l'ombre et ceux de plaine plus au soleil. L'exposé
fut accompagné de belles photos de Nepenthes truncata, ampullaria, pilosa,
veitchii, lowii... dont la plupart sont issus de culture in vitro.
Mr Peter D'Amato, California Carnivores, Californie, USA
L'exposé de P. D'Amato fut assez général avec surtout deux grands axes
développés ; sa serre, et ses méthodes de culture, et les problèmes généraux
liés aux plantes carnivores et à leur commerce. Il commença par une
présentation de sa serre où quelques 500 variétés sont exposées au public
et des conditions de culture. En Californie, les conditions climatiques
sont favorables à la culture des plantes carnivores. Il est obligé de
chauffer en hiver et de refroidir en été pour maintenir la température en
dessous de 90°F (32°C).
Un autre thème abordé fut la mise en valeur des plantes carnivores,
montrées comme des plantes ornementales. Beaucoup de travail est fait au
niveau de la présentation ; plantes installées dans des géodes de lave par
exemple ou dans des pots normalement utilisés pour les compositions florales
japonaises, dans des coquillages...
La suite fut consacrée à des problèmes plus globaux concernant leur
commerce. Il évoqua le problème de la prolifération des vendeurs et de la
nécessité d'éduquer les revendeurs. Un acheteur perdant une plante risque
de ne jamais réessayer. Cela implique de donner de bonnes informations
simultanément à la vente. Un autre point important est de ne pas inonder
le marché avec n'importe quoi.
Gestion de l'habitat et protection in situ et ex situ des plantes carnivores en voie de disparition au Japon
Après quelques généralités sur les plantes carnivores au Japon, le
professeur Kondo présenta un historique d'Aldrovanda au Japon puis
développa quelques idées sur la protection des plantes carnivores.
Généralités
21 espèces de plantes carnivores sont présentes au Japon. Trois sont
rares et endémiques (Pinguicula ramosa Miyoshi, Utricularia dimorphantha
Makino et Utricularia nippponica Makino), 3 en danger (Aldrovanda
vesiculosa L., Drosera anglica H. et Drosera indica L.) et 5 menacées
(Drosera peltata T., Utricularia gibba L. subsp. exoleta, Utricularia
ochroleuca R. Hatman et Utricularia uliginosa V).
Diverses sociétés existent maintenant au Japon (Insectivorous plant
society, Nagoya CP Plant association, Hiroshima CP association, Nansou Cp
association) ainsi que plusieurs producteurs.
Aldrovanda vesiculosa, un cas de réintroduction réussi.
En 1890, des populations d'Aldrovanda furent découvertes en différents
endroits (Youda, Edo River, Tokyo) par T. Makino. En 1934, le mécanisme du
piège est décrit par G. Ashida de l'Université de Kyoto. En 1966, le
marécage Hozouji (Préfecture de Saitama, Mitagaya Chiku) est déclaré
monument national et l'Ètat en achète 3 hectares. En 1967, Aldrovanda a
disparu des milieux naturels où elle vivait mais subsiste en culture
ex-situ.
Des plantes multipliées artificiellement sont réintroduites plusieurs
fois en milieu naturel pour restaurer les populations. A partir de 1975
commence le suivi des sites par le "Saïtama Prefectural Board of Education".
De 1979 à 1983, le suivi de la protection et de la propagation d'Aldrovanda
est fait par "Hanyu City Board of Education" et financé par "Cultural
Agency, Japanese Ministry of Education, Sciences, Sports and Culture".
Les plantes envoyées par le Japon de nos jours sont des clones issus du
marécage Hozouji.
D'après la littérature, Aldrovanda est supposée largement répartie dans
le monde. Toutefois elle est en danger ou menacée dans de nombreux endroits.
Le laboratoire du Prof. Kondo a réussi la culture et la micropropagation
d'Aldrovanda in-vitro (multiple shoots and tissue culture shoot primordia).
Protection in-situ
Les japonais ont une loi spécifique concernant la protection de la flore
sauvage et incluant les plantes carnivores. Les habitats où se trouvent
Aldrovanda vesiculosa et Pinguicula ramosa sont protégés. Plusieurs
marécages sont protégés au niveau local ou gouvernemental.
Protection ex-situ, Micropropagation par des techniques de culture de
tissus.
La majorité des plantes carnivores ont des systèmes de micropropagation
communs en culture artificielle de tissus in-vitro. La méthode de culture
(tissue culture shoot primordium method) utilisée permet de produire 2.03 X
10 31 individus par an avec une probabilité de mutation de 1/100 000e.
Transplantation
La plupart des plantes carnivores ont des habitats présentant des
caractéristiques communes à travers le monde, généralement des écosystèmes
fermés.Elles peuvent donc être aisément transplantées en des différents
endroits présentant des caractéristiques identiques. Des espèces étrangères
ont été introduites dans certains marécages parmi lesquelles Dionaea
muscipula, Drosera adelae, Sarracenia leucophylla, Utricularia dichotoma,
Utricularia purpurea.....
Conclusion
La protection des plantes carnivores au Japon passe par :
Mr Ron Gagliardo, Jardin Botanique d'Atlanta, Georgie, USA
Comme il est impossible de tout cultiver in-vitro, le programme du
jardin botanique d'Atlanta se concentre surtout sur les Nepenthes, la
Dionée. Les graines donnent de bons résultats, surtout avec les Nepenthes
mais la technique peut être pratiquée avec différentes parties de la plante
avec toutefois un risque de contamination plus important. Les rhizomes de
Sarracénias sont souvent contaminés par des champignons.
La culture in-vitro permet d'obtenir rapidement des plantes vigoureuses
et de multiplier des plantes difficilement propageables par d'autres
méthodes. Nepenthes rajah fournit l'exemple d'une plante rare maintenant
facilement disponible. D'autres plantes comme Heliamphora tatei, Genlisea
violacea, Sarracenia leucophylla Tarnok. ...sont maintenant multipliées par
cette technique qui permet d'accéder à une commercialisation rapide.
Avec cette technique, il est possible d'envisager la réintroduction dans
la nature de certaines espèces avec toutefois le problème de la diversité
génétique ; en effet s'il existe une forte sélection au départ, les plantes
sont par la suite génétiquement identiques.
Dr Thomas Gibson, Université du Wisconsin-Madison, USA.
Le Dr Gibson présenta quelques généralités sur les plantes carnivores et
la nécessité de les protéger puis un processus d'évolution en plusieurs
étapes de collectionneur en protecteur.
L'homme détruit de nombreux marécages et en augmentant la distance entre
eux limite les possibilités de migration pour les plantes. Bien que de
nombreux marécages aient vu leur population de Sarracénias disparaître, il
existe encore des raisons d'espérer car de nombreux sont activement protégés.
Les collectionneurs ont la possibilité d'évoluer en protecteurs sérieux
("conservationists") qui peuvent aider à la protection de populations
sauvages d'espèces rares.
La question qui se pose est : quel est le processus pour transformer un
collectionneur en protecteur ?
Tout d'abord un individu apprend l'existence d'une espèce végétale ;
découverte personnelle ou provoquée par quelqu'un d'autre, devient fasciné
par un ou plusieurs aspects de cette espèce végétale, puis acquiert des
informations pour apprendre tout ce qui la concerne. Ce processus
d'apprentissage le conduit à une compréhension plus profonde et une
meilleure appréciation. A ce stade, le collectionneur à la possibilité de
s'orienter plus vers la protection. Dans certains cas, il désirera voir des
populations dans la nature plutôt que d'y prendre des spécimens et/ou en
apprendre plus sur ces populations sauvages. Il pourra en constater la
destruction vouloir l'empêcher.
Une des possibilités est de devenir un membre actif des organismes de
protection.
Dr Larry Mellichamp, UNCC, Caroline du Nord, USA.
Le début de l'exposé fût consacré aux Sarracénias dans la nature et aux
nombreux hybrides ou variations (les Sarracénias montrent de nombreuses
variations peut être issues d'anciennes hybridations) qui s'y forment et le
reste à différent tests de culture.
Ces tests portaient sur :
Mrs Sharon Hermann, Tall Timbers Inc, Floride, USA.
Dans le cadre d'études d'écologie et de contrôle de populations de
Sarracénias sont menées des expériences d'apport et de privation de
nourriture. Les plantes nourries ont quelques feuilles qui ouvrent plus
tôt alors que les plantes affamées ouvrent plus tard. Après la deuxième
saison, apparaissent des différences de taille, et après la troisième des
différences dans la floraison. Un apport de nourriture provoque une
augmentation du nombre de feuilles. Par contre le rôle réel du rhizome
reste une des questions importante du projet. D'autres études portent sur
les facteurs contrôlant l'évolution des biotopes.
Parmi ces facteurs importants se trouvent l'hydrologie et le feu. Le feu
est un facteur naturel de ces habitats bien qu'il ait été longtemps
considéré comme un ennemi. Ils a pu être constaté des différences entre
des zones brûlées deux années auparavant et d'autre restées sans feu ; le
point le plus étonnant est que le nombre d'espèces au mètre carré d'une
zone non brûlée est inférieur à celui d'une zone brûlée. D'autres
variations portent sur la hauteur des urnes. Il y a aussi une interaction
avec les larves de mites ; pas de larve dans les zones brûlées alors
qu'elles sont présentes dans les zones non brûlées. Pour Sarracénia alata ,
le feuillage augmente après le feu.
Le feu détruit les arbres, réduit la biomasse totale de plantes, élimine
les espèces envahisseurs, favorise la floraison. Mais une des inconnues
majeure est la connaissance du régime des feux ; fréquence, saisons,
intensité sont des paramètres à contrôler. Certaines plantes peuvent
disparaître si elles sont trop jeunes. Faut il brûler et selon quelles
procédures (Période ; Printemps, hiver ou automne / Période de dormance
versus période de croissance / Fréquence ; conséquence d'un feu
annuel ??? / Intensité ; peu à pas d'informations dans la littérature) ??
Il s'avère un outil difficile à manipuler.
Mr Mike Rinck, Agristarts, Floride, USA.
Quelques-unes des techniques utilisées dans leur laboratoire furent
montrées ; nettoyage du méristème, stérilisation. La procédure dure environ
1 an avant la commercialisation. Attention au détail ; De nombreuses choses
peuvent arriver dans un pot ; bactéries, champignons sont des problèmes
courants et il faut essayer de réduire les variables. La capacité de
production est de l'ordre de 250000 Dionées par année.
Mrs Madeleine Groves, Jardin botanique royal de Kew, Angleterre.
Après une présentation générale du jardin botanique de Kew et
"Carnivorous Plant Specialist Group" furent abordés différents points liés
à la protection des plantes carnivores parmi lesquels :
D'impressionnantes photos de "cueillettes" de feuilles Sarracenia
leucophylla lorsqu'elle fût élue plante de l'année furent montrées.
Le problème majeur concernant les plantes carnivores reste la
destruction des habitats.
Diversité au sein du genre Utricularia.
Le Dr M. Cheek fût là pour nous rappeler que la carnivorité existait en
dehors des Sarracénias et Nepenthes et que les utriculaires constituaient
aussi un genre fascinant. Les principales sections du genre Utricularia
(Oligicista, Utricularia, Pleiochasia, Phyllaria, Calpidisca, Aranella,
Orchidioides, Psyllosperma, Iperua..) avec des clés pour les différencier
(forme du piège, de la fleur..) furent montrées. Chaque chapitre était
suivi de magnifiques diapositives.
Mrs Mimi Repin, Parc du Sabah, Sabah.
Il y aurait eu un manque certain si personne n'avait parlé de cette
montagne fantastique qu'est le Mont Kinabalu. Les représentants du parc du
Sabah montrèrent de belles photos de Nepenthes tentaculata, reinwardtiana,
burbidgeae, lowii, rajah, kinabaluensis, villosa, Rafflesia du bouton à la
fleur (pas carnivore mais superbe), abordèrent les activités du jardin
botanique (culture in vitro...) et nous rappelèrent que le Mt Kinabalu est
aussi renommé pour ses rhododendrons et ses orchidées.
Mr Rob Naczi, Université du Kentucky du Nord, USA.
Les urnes constituent un piège très efficace et peuvent représenter un
microécosystème assez stable (température, humidité). Les restes de proies
sont abondants et s'y décomposent lentement. Les larves de mouches se
nourrissent des restes. Six espèces ont été étudiées (Sarcaphaga
sarraceniae ...). Certaines mites se nourrissent aussi de restes. Les
Sarracénias possèdent des mites ; les Nepenthes en ont aussi mais
différentes. Ces mites appartiennent au genre Sarraceniopus. Ce sont des
hôtes spécifiques. Au printemps les mites quittent les vieux pièges et vont
vers ceux qui vont s'ouvrir.
Mr Phil Sheridan.
Certaines formes de Sarracénias sont rouges, d'autres vertes. l'objectif
de cette étude était donc de déterminer les bases biochimiques des couleurs
rouges et vertes. Un mutant vert n'est obtenu que lorsque l'on croise vert
avec vert (si l'on croise différentes espèces de mutants verts on obtient
un mutant vert). L'étude de la couleur a été menée par la génétique. Il
existe un précurseur dans les mutants verts qui peut être modifié pour
atteindre la couleur rouge. La couleur verte dans toutes les espèces est
causée par une mutation affectant un gène structurel.
Mr Michael Szeeze, Maryland, USA.
Les professeurs considèrent que ce qui concerne les plantes est souvent
difficile à enseigner, la botanique est considérée comme ennuyeuse et les
plantes carnivores sont souvent omises dans l'éducation. Mr Michael Szeeze
a développé une stratégie spéciale avec les enfants. Les séquences
diapositives ne donnent pas de bons résultats. Les enfants ont une
intelligence multiple et ont besoin d'être impliqués tactilement avec les
plantes. Il faut donc apporter les plantes dans la classe (surtout des
Dionées), s'arranger pour que l'enfant découvre par lui-même le
fonctionnement (touche les poils intérieurs de la Dionée sans savoir ce
qui va se passer). Un fois qu'un enfant a réalisé qu'une dionée vient des
milieux humides il apprécie mieux la nécessité de protéger ce type
d'habitat. Il est nécessaire aussi d'éduquer les professeurs. Les sujets
que l'on peut aborder à travers les plantes carnivores adaptation et
variation, sélection naturelle, évolution, protection.
Les questions principales sont ;
Parmi le matériel utilisé se trouvent des dessins à colorier (fait à
partir de photos), des stéréogrammes,des photos rapprochées où il faut
deviner de quelle plante il s'agit, une espèce de Monopoly / Trivial
Pursuit, des plantes (ils perturbent le cycle des dionées pour en avoir
toute l'année scolaire de disponibles ; environ 200 Dionées pour une classe
de 30 enfants). Des travaux pratiques sont faits en classe ; multiplication,
semis, mesure de la vitesse de fermeture...
Les plantes carnivores sont une voie créative pour enseigner aux enfants.
Rick Walker, Président de l'ICPS.
L'exposé de R. Walker porta sur l'association internationale en général
(le présent mais aussi son futur) et aussi sur la nécessité d'élargir le
débat ; la compréhension des plantes carnivores passe par une approche
globale incluant d'autres spécialités.
Thomas Carow, Nudlingen, Allemagne.
Cerise sur le gâteau, ce film vidéo permettait de voir des images
remarquables de plantes carnivores dans différents biotopes (Afrique du Sud ...)
Parallèlement à ces exposés se tenait une session poster / vente assez
peu développée ; peu de vendeurs présents, quelques posters ; un sur
Meadowview et leurs activités (protection et restauration de rares plantes
de marécages dans la plaine côtière du Maryland et de la Virginie), un sur
US Wildlife, un sur la culture hydroponique et les posters de "Dionée Sud
Ouest" sur la flore carnivore du Sud Ouest.
Le jardin botanique d'Atlanta
Tous les soirs, à l'issue des présentations orales étaient organisées
des visites guidées des serres du jardin botanique. A l'extérieur, des
jardinières remplies de la Dionée rouge "Akay Ryu" (création locale)
accueillaient le visiteur et laissaient présager des merveilles qui
attendaient derrière les portes vitrées. Dès l'entrée, Orchidées et
Nepenthes servaient d'hôtesses d'accueil. La visite commençait par les
serres de "travail" du jardin où sont cultivées de nombreuses espèces de
Nepenthes (ampullaria, bicalcarata, reinwardtiana,...) ainsi que diverses
plantes tropicales ou désertiques. Plus loin se trouvaient le lieu de
multiplication des Sarracénias (avec la nouvelle forme qui sera
commercialisée cette année) et de la dionée rouge à côté desquelles on
pouvait observer quelques autres variétés de plantes carnivores
(Brocchinia ...). La visite se poursuivait par les serres ouvertes au
public avec tout d'abord la serre tropicale, puis la serre désertique avec
cactées, euphorbes et plantes grasses. Avant de sortir, des terrariums
permettaient d'observer Heliamphora et les fameuses grenouilles venimeuses.
A l'extérieur, une tourbière recréée permettait de rêver à ce qui nous
attendait les jours suivants lors de l'excursion.
Après ces trois jours de présentations, débats et discussions, l'heure
est venue de tirer les premières conclusions de cette conférence. Tout
d'abord avant de parler "idées", il nous faut remercier tous les
organisateurs de cette première conférence et les féliciter du
professionnalisme dont ils ont fait preuve que ce soit au niveau d'une
logistique parfaite, du respect des horaires tout au long des exposés et
de la qualité de ces exposés. Il est à noter aussi la patience des
organisateurs envers un "french group" pas toujours au point au niveau
de la langue anglaise. L' équilibre était parfait entre des présentations
scientifiques, techniques et d'autres à vocation plus naturaliste.
Scientifiques, amateurs et commerciaux se sont côtoyés pendant quelques
jours sans séparation notable entre le monde académique et les autres.
La barre a été placé haut lors de cette conférence et il reste à souhaiter
que les conférences suivantes maintiennent un telle qualité. La seule
suggestion qu'il est possible de faire serait de rajouter un livret avec
un résumé de toutes les présentations et posters et une liste des
participants avec adresses, téléphones et e-mail.
S'il fallait dégager des mot-clés de l'ensemble de cette conférence, ce
serait les mots :
PROTECTION / PRESERVATION
La culture in vitro permet de diminuer le stress sur certaines espèces,
voire de conserver des plantes en danger hors de leur milieu naturel mais
la protection ex situ n'est qu'un substitut temporaire. Il y a donc
nécessité de protéger les espèces in situ et cela passe par une
compréhension plus générale de la place des plantes carnivores dans les
écosystèmes. Protéger les plantes carnivores passe par la préservation des
sites où elles vivent et cela nécessite une approche plus globale, et
l'intervention d'autres spécialistes dans d'autres disciplines (comme par
exemple l'hydrologie, ou l'étude des relations avec les insectes). Il est
donc important d'élargir le débat. De nombreuses techniques d'entretien ou
de restauration de sites ont été présentées comme l'utilisation du feu ou
des modifications de l'hydrologie. Une question à se poser est où s'arrête
la préservation des sites et où commence la manipulation de phénomènes
naturels avec un recul à l'échelle humaine qui ne permet peut être mal de
juger de l'impact réel de ces actions. Jouer sur l'équilibre naturel en
recréant artificiellement des processus naturels que l'homme a fait
disparaître (crues, feu) est bien mais il faut aussi prendre en compte que
de tout temps ces milieux ont eu une tendance à disparaître (à une échelle
de temps quelquefois supérieure à l'échelle humaine). La technique par le
feu en est un exemple ; pour ou contre ; le feu était un élément naturel,
l'homme l'a fait disparaître mais doit on le réintroduire et comment
mesurer ses effets passés, ce qui serait nécessaire avant d'entreprendre
quoi que ce soit. Doit on réaménager des tourbières au stade terminal ou
au contraire les laisser disparaître et voir si les plantes ont une capacité
à se réadapter à quelque chose de nouveau, de voyager, sous réserve que
l'être humain, en détruisant les marécages, n'ait pas trop augmenté la
distance de sorte que les plantes puissent encore se déplacer. Il faut
prendre en compte que le paradoxe des milieux humides est que l'activité
humaine à tendance à les faire disparaître mais que livré à eux mêmes le
processus de disparition existe aussi, et que la biodiversité existe mais
la disparition naturelle de certaines espèces aussi (Cf US Wildlife). En
admettant que l'homme ait détruit les possibilités de migration des plantes,
une solution envisageable pourrait être le déplacement artificiel de
plantes dans des biotopes identiques . Poussé à l'extrême, cela rejoint
les expériences présentées au Japon.Ce que font les japonais peut paraître
critiquable mais il n'y a pas forcément plus de risque qu'avec les plantes
de nos jardins ou alors nous devrions cultiver des plantes asexuées et
incapables des se reproduire. Il y a là une polémique à débattre ; beaucoup
de "scientifiques sont contre" mais ne peut on imaginer un marécage servant
de banque de protection pour des espèces qui vivent sur des milieux en voie
de disparition à la façon d'un zoo. En comparant avec un zoo, cela
permettrait de faire des expériences et d'arriver à une meilleure
compréhension des plantes carnivores. N'oublions pas que les continents
n'ont pas toujours été séparés et que les possibilités de migration
naturelles ont été supérieures à celles existant aujourd'hui. Et histoire
de jeter un peu d'huile sur le feu, beaucoup des personnes étaient contre
cette idée lors de la conférence mais ,quelques jours plus tard, ont trouvé
la tourbière de Bob Hanrahan superbe (voir excursion) et n'ont pas fait le
moindre commentaires concernant l'introduction de nouvelles plantes
allochtones. Encore une fois la vérité n'est pas simple et ce n'est pas le
botaniste seul dans son coin qui la détient ; sa connaissance des choses
n'est que parcellaire.
Une autre question à se poser est le coût de la protection ou du suivi
d'un site, du maintien de collections d'espèces en voie de disparition ; où
est l'argent ?? Un petit appel au monde scientifique ; ne serait il pas
intéressant de former des amateurs et d'utiliser leurs compétences pour
faire ce que les scientifiques n'ont pas le temps (ni les moyens
financiers ?) de faire.
Cette attitude n'existe pas en France mais nous avons eu l'occasion de
constater aux USA qu'il existait des ponts entre les mondes scientifiques,
amateurs et mêmes les professionnels du commerce.
Une seule chose est sûre ; il est nécessaire de protéger les populations
sauvages de plantes carnivores.
Excursion sur le terrain
(Alain Chauchoy, Patrick Henriquel)
Après trois jours de "théorie", arriva enfin le grand moment du départ
de l'excursion pour un voyage à l'échelle des Etats Unis (c'est à dire long)
qui nous a permis au cours de ces deux jours de parcourir la Géorgie, la
Floride et l'Alabama à la découverte des marécages américains. Le temps
était idéal, très chaud et très humide. Dans cette ambiance moite, nous
avons découvert une végétation différente, des forêts de pins, des chênes
de Virginie où pendaient de longues tresses de Tillandsia usneoïdes, des
cyprès chauves, des mares où flottaient des jacinthes d'eau mais pas de
crocodiles !.
Départ pour le Sud, tôt le matin afin d'éviter les embouteillages à la
sortie d'Atlanta, et direction la Floride et "l'Apalachicola Wildlife
Management Area" avec deux mini-bus et une série de voiture. Sur le coup
de midi, alors que la fin commençait à se faire sentir se produisit le
premier arrêt ; à priori rien de sensationnel ; une petite dépression en
bord de route et des bas-côtés très humides (1à cm d'eau par endroit). Le
temps de descendre et là, surprise, ce fut notre premier contact avec un
parterre de Sarracenia leucophylla et de Dionées en fleurs, accompagnées
de Drosera filiformis, Utricularia subulata et gibba et Sarracenia
psittacina. De nombreux parterres de Dionées se trouvaient au pied des
arbres dans des emplacements qui semblaient assez ombragés. Quelques
plantes avaient été fauchées sur le bord de la route lors de l'entretien
des bordures.
Après un bref repas, le groupe repris la route. Plus habitué cette fois
tout le monde repérait de ci de là des plantes sur le côté de la route et
à la lisière du bois (Sarracenia flava par sa taille spectaculaire était la
plus souvent observée). Le deuxième arrêt eut lieu encore une fois en bord
de route mais sur un site moins humide (l'eau était plus concentrée dans
des petits canaux). L'espèce dominante était Sarracenia purpurea avec
quelques uns de ses hybrides et Sarracenia flava. Le sol sur lequel elles
vivent est constitué de sable (constituant dominant = quartz) quasiment pur
alors que l'on s'attendrait à trouver un mélange sable / végétaux décomposés;
les pluies provoquent sans doute une concentration de la matière organique
plus profond dans le sol et ce que nous observons n'est peut être que
l'horizon lessivé. Cela mériterait une réflexion plus approfondie mais
nous n'avons ni le temps ni le matériel pour faire un trou assez profond
pour y vérifier mais le rhizome lui se trouve dans une zone entièrement
sableuse. Rapidement l'attention est attirée par une série de petits points
roses à rouges à fleurs d'eau dans certains petits "canaux" très peu
profonds ; il s'agit de Utricularia purpurea en fleur.
Le groupe repartit jusqu'au site suivant où nous eûmes le loisir
d'observer le nettoyage par le feu. les urnes présentent une belle teinte
roussie mais les graines sont toujours en place et les rhizomes présentent
déjà des signes de reprise. Les Pinguiculas ne semblent pas plus affectés
par le feu et il est possible de voir Pinguicula caerulea et P. planifolia.
Les groupes de Sarracenia flava se trouvent en lisière de la forêt et sont
réellement spectaculaires et font oublier les autres espèces qui les
entourent carnivores (S. psittacina, S. purpurea..) ou non (Spiranthes...).
Les sites visités sont de plus en plus spectaculaires et cela était plutôt
de bonne augure pour le site qui devait clôturer la journée. Le dernier
emplacement nous permit d'observer les plus beaux rassemblements de
Sarracenia flava et S. flava var atropurpurea ; des centaines de pieds avec
des urnes approchant le mètre de quoi faire oublier définitivement les
heures passées dans le minibus.Georges Mischler nous fait remarquer que le
sol présente une couverture argileuse plus importante.
Mais malheureusement il fallait reprendre la route, le trajet était long
jusqu'à l'hôtel que nous atteignîmes à la nuit. La soirée se termina
réunissant le petit groupe français et le Dr M. Cheek pour une discussion
animée sur les mérites du Chardonnay américain mais aussi sur les
Utriculaires (occasion pour nous de voir des photos rares de ces plantes
magnifiques avec entre autres Utricularia quelchii poussant dans un
Brocchinia).
La journée suivante fut consacrée à un seul site et au voyage de retour.
Il s'agissait d'une propriété privée d'environ 16 hectares appartenant à
Bob Hanrahan (World Insectivorous Plants) achetées il y a quelques années
pour 24000 US$. La première vue est celle d'un champ immense de Sarracenia
leucophylla en fleurs mais lorsque l'on s'approche il est possible de
découvrir un grande diversité ; la plupart des Sarracénias sont présentes
(nous n'avons pas observé S. oreophila mais nous n'avons pas non plus
visité tous les recoins) souvent dissimulées dans les hautes herbes et il
faut faire attention à ne pas en écraser, mais aussi des Dionées, des
Droséras (filiformis, intermedia) et des Utriculaires (subulata, juncea..).
Chaque pas permet de découvrir de nouvelles sources d'étonnement. La
concentration de différentes espèces en un lieu assez restreint permet à
la "nature" de créer de nombreux hybrides (avec ou sans aide humaine). Le
plus bel hybride est un mélange de S. flava et de S. leucophylla qui, s'il
est commercialisé dans les années à venir connaîtra un grand succès public.
A l'origine, ce terrain possédait un bon nombre d'espèces autochtones dont
S. psittacina, S. leucophylla et S. purpurea ; par la suite des semis de
ces espèces ont été faits sur place, des jeunes plants repiqués (par le
jardin botanique d'Atlanta) et des espèces allochtones introduites ce qui
aboutit aujourd'hui à un espace privé où la biodiversité est très grande et
où le nombre de plans est phénoménal.
Un tel lieu pourrait servir à engager une réflexion sur la protection
in-situ et l'introduction d'espèces ;
Cette visite clôturait en beauté notre voyage aux USA avec l'envie d'y
retourner un jour pour revoir toutes ces merveilles.
DIONÉE 39 - 1998 |