AVENTURES AU CAP : Observations d'une sélection de plantes carnivores du Sud de l'Afrique
(1ère partie)
Robert Gibson
(Traduction libre réalisée par Pascale Courbe)
En Juillet 1997, j'ai eu le privilège d'entreprendre des recherches sur
le terrain et dans les herbiers, au Cap, en Afrique du Sud. Ce qui suit est
le résumé de mes observations sur 17 espèces de Drosera, Utricularia
bisquamata et, pour l'intérêt Roridula dentata et Roridula gorgonias.
Tous mes remerciements à Eric Green, Dr. John Rourke et Dr. Neville
Marchant, grâce à qui cette étude a été un succès.
Les statuts taxonomiques de beaucoup de Drosera d'Afrique du Sud, ne
sont pas clairs, d'une part à cause des variations à l'intérieur des
espèces, la similarité entre beaucoup de plantes décrites et le peu de
connaissance de ces espèces en dehors de l'Afrique du Sud. Quelques
hypothèses sont exposées ci-dessous, basées sur mes observations, mais plus
de recherches seraient nécessaires dans cette région, en particulier sur les
détails de la structure de la fleur.
Les DROSERA semblent répertoriées dans trois groupes selon le type de
croissance des feuilles et des tiges florales, la saison de pousse et
d'autres critères. Le groupe de Drosera cistiflora, à pousse hivernale, à
floraison printanière et à dormance estivale est limité à la pointe Sud
Ouest de l'Afrique, autour du Cap, mais s'étend vers l'Est jusqu'à Port
Elizabeth et au Nord vers Klawer.
Depuis la rosette de base aux feuilles linéaires émerge une tige
verticale qui peut porter des feuilles linéaires et quelques inflorescences
sur lesquelles les bourgeons sont pliés à 180 °, contrastant avec la hampe
florale se déroulant chez beaucoup de DROSERA. Les fleurs de ce groupe
incluent les plus grandes et parmi les plus attractives dans le genre. Ce
groupe non officiel est constitué de Drosera alba, D. cistiflora, D.
pauciflora, D. trinervia, et D. zeyheri.
La majorité des DROSERA observés ont une rosette restant verte durant
leur saison de repos, prostrée ou formant une tige, avec des stipules bien
développés et des tiges florales enroulées. Les espèces observées dans ce
groupe sont Drosera admirabilis, D. aliciae, D. capensis, D. cuneifolia, D.
curviscapa, D. curviscapa var. esterhuysenae, D. glabripes, D. hilaris, D.
ramentacea, D. slackii et D. sp. "Floating".
Le dernier groupe est constitué de D. regia, à dormance hivernale, chez
qui les feuilles, contrairement à la tige florale, poussent en se déroulant.
Toutes les espèces présentent une couverture de poils ou de petites
glandes, sessiles ou avec un court pédoncule, parfois les deux, sur la face
inférieure de la feuille et au moins sur une partie de la tige florale, et
la possibilité de redémarrer annuellement ou périodiquement depuis un réseau
de racines peu nombreuses mais charnues.
Les espèces observées en milieu naturel sont décrites ci-dessous et les
localisations mentionnées figurent sur le plan page précédente.
Drosera admirabilis
Les rosettes de Drosera admirabilis poussent dans des sites ombrés,
humides, en sol pauvre tourbeux, dans un ruisseau situé à Silvermine.
Les carex et les arbustes de respectivement 50 cm. à 2 m. de hauteur,
qui poussent dans le ruisseau, sont périodiquement brûlés, exposant
occasionnellement les
DROSERA à des taux d'ensoleillement plus élevés, périodes durant lesquelles
ils fleurissent et sont plus visibles. Les rosettes à feuilles persistantes
poussent jusqu'à 8 cm de diamètre et ont des feuilles en forme de
spatule avec une couverture complète de glandes pédonculées sur la face
supérieure de la feuille et une couverture complète de longs poils blancs,
non ramifiés sur la face inférieure de la feuille. Ces derniers sont bien
visibles sur les feuilles immatures encore enroulées et sur les bords des
feuilles matures. Les stipules incolores, triangulaires ont 3 lobes. Ce
taxon pousse dans des conditions plus ombragées que celles de D. aliciae et
aussi D. cuneifolia qui poussent à proximité.
Drosera alba
Sur le haut du plateau, à Gifberg et Cedarberg, au Nord du Cap, des
colonies de Drosera alba ont été vues. Ces plantes poussent en général en
situation claire, ensoleillée, sur des sols sablonneux à argileux, autour
d'affleurements de quartzite et sur les rives de ruisseaux. La végétation
basse se compose ici de carex, succulentes, bulbes et des émergeants
Leucodendrons. Le degré d'humidité du sol ici est très fluctuant allant de
la saturation l'hiver, à la sécheresse en été. D. alba est une plante à
pousse hivernale, ne subsistant en été que grâce à ses racines succulentes.
Elle forme une rosette de feuilles linéaires rouges, de 3 cm de diamètre
d'où émerge à la fin de l'hiver des feuilles semi-érigées de 7 cm. de long
puis une tige florale solitaire de 1 à 5 fleurs blanches de 1,5 cm. de
diamètre. Elle pousse seule ou avec D. trinervia et près de D. cistiflora
et Roridula dentata.
Drosera aliciae
Les rosettes rougeâtres à feuilles persistantes des Drosera aliciae ont
été trouvées vues dans diverses situations dont des lézardes dans des
falaises en quartz, desquelles l'eau coulait continuellement, ou du sable
tourbeux sur les rives de petits ruisseaux. Ce taxon a été vu sur la
Montagne du Cap, à Silvermine, dans des marais à Hermanus et sur des
falaises de quartz humide à Bainskloof, dans des endroits variablement
ensoleillés. Les plantes poussent jusqu'à 5 cm. de diamètre et sont, d'une
certaine façon, identiques par la forme des feuilles et des stipules à
Drosera admirabilis qui semble synonyme. Elles poussent souvent en compagnie
des D. capensis, D. cuneifolia, D. slackii, Roridula dentata et Utricularia
bisquamata. De par la variation dans le feuillage et la pilosité, entre
autres caractéristiques, une étude taxonomique de ce taxon est nécessaire.
A flanc de coteau à Hermanus, poussent deux DROSERA à rosettes qui
semblent être des hybrides naturels entre D. aliciae et D.glabripes. Elles
poussent sur sol humide pauvre, en compagnies de D. aliciae et attirent
l'attention par leur couleur vert pâle et des feuilles plus étroites.
L'observation de ces plantes en fleur et le dénombrement chromosomique peut
aider pour confirmer l'apparenté de ces variétés rares.
Drosera capensis
Quelle sensation que voir Drosera. capensis à l'état sauvage, vraiment !
Cette espèce répandue a été vue à Constantiaberg, Hermanus, Bainskloof et
Gifberg, poussant dans des conditions similaires à D. aliciae en sable de
quartz humide, dans un sol tourbeux saturé, et aussi, en deux endroits au
moins, sur des tapis de mousse de Sphagnum. Le nombre de plantes varie
énormément en fonction des sites, de plante unique à des centaines. Les
feuilles atteignent 15 cm. de long. Bien que généralement à feuilles
persistantes un nombre de plantes à Bainkloof émergeaient de dormance
hivernale. A l'inverse, quelques plantes à Gifberg étaient fleuries. Ce
DROSERA a été vu en compagnie de D. aliciae, D. slackii, D. trinervia et
Utricularia bisquamata. D'après mes observations des plantes à l'état
sauvage et des spécimens d'herbiers, la forme "narrow leaf" ("feuille
étroite") est la plus courante en milieu naturel. Pour la couleur, les
plantes sont généralement d'un vert brillant, excepté les plantes les plus
rouges à Gifberg. La forme rare "wide leaf" ("feuille large") a été
observée dans quelques populations près de Hermanus.
Drosera cistiflora
Le répandu et variable D. cistiflora a été vu dans de nombreux sites
dont Cedarberg, Darling, Simonstown, Tulbagh, Hermanus et Bainskloof.
Cette plante à pousse hivernale, dort en été et pousse sur sols sablonneux
à argilo-sableux, saisonnièrement humides et rarement saturés. En général,
cette espèce a une rosette de base à feuilles linéaires, de laquelle
émerge une tige unique, typiquement de 10 à 30 cm. de haut, portant des
feuilles linéaires, qui se termine par une inflorescence de 1 à 4 fleurs
à pétales roses ou blancs au centre noir. Cependant, presque toutes les
caractéristiques, la taille des feuilles, le rapport/longueur/largeur, la
longueur de la tige, le développement et l'attache des feuilles, la
stature de la plante, la taille et la couleur des pétales, la longueur et
le développement des glandes pédonculées sur la face inférieure des
feuilles et sur la tige, varient.
De séduisantes plantes à pétales rouges sont observées du côté de
Darling, des plantes à pétales rose foncé sont observées localement entre
le Cap et Tulbagh. Les feuilles de la dernière forme sont faiblement fixées
sur la plante, se cassant facilement et souvent forment de nouvelles
plantes durant l'hiver.
Aux environs de Simonstown et d'Hermanus poussent des plantes avec
des fleurs d'un blanc pur, sans le centre noir, qui ont aussi de
remarquablement longs tentacules sur la face inférieure de la feuille et
sur la tige et des feuilles avec un rapport relativement élevé entre
largeur et longueur. De minuscules plantes ont été observées dans certains
endroits au Nord Est du Cap alors que des plantes robustes, avec des
feuilles semi-érigées de 5 cm. de long par 1 cm. de large, avec peu ou
pas de feuilles sur la tige, et des pétales blancs à bordure rose poussent
à Cedarberg. Celles-ci sont informellement connues comme D. cistiflora var.
Eitz (E. Green, pers. comm. 1997). L'étude systématique de la variation de
ce taxon aiderait à définir les populations cohérentes ou les écotypes.
D. cistiflora pousse souvent en compagnie de D. pauciflora, D. trinervia
et D. zeyheri, et rarement en compagnie de D. curviscapa, D. curviscapa
var. esterhuysenae et D. glabripes.
Drosera cuneifolia
Endémiques sur la "Table Mountain" et dans les hautes régions de la "Cap
Range", sont les séduisantes rosettes de Drosera cuneifolia. Elles poussent
sur sable tourbeux humide, ou sur tourbe, à côté de ruisseaux et sur des
zones où l'eau suinte, souvent enveloppées de nuages.
Typiquement cette espèce apparaît au milieu d'une végétation basse,
sous forte lumière. Les rosettes poussent jusqu'à 8 cm. de diamètre et
sont en forme de coin ou cunéiformes; d'où son nom spécifique. La face
supérieure des feuilles est entièrement couverte de glandes pédonculées.
La face inférieure est presque complètement couverte de poils blancs.
Elle pousse souvent avec Drosera aliciae et près de Drosera trinervia.
DIONÉE 38 - 1997
|