Les plantes carnivores en philatélie (P. Souben)
Lorsque qu'une vieille passion pour les timbres-poste croise une
passion non moins dévorante pour les plantes carnivores, il est fatal
qu'elles finissent un jour par s'unir sous la forme d'une collection
thématique de timbres sur les plantes carnivores.
La carence en informations sur le sujet est quasiment totale, si je m'en
réfère à la bibliographie existante sur le sujet. A ma connaissance, un seul
article sérieux, bien que lacunaire, a été écrit sur ce thème par W. Diester
(Das Taublatt, n°92-1). Les autres références se contentent d'informer de la
parution d'un timbre illustrant une de nos chères plantes. Le présent
article, qui ne prétend en aucune manière à l'exhaustivité, constituera
donc un complément utile à ceux que le sujet intéresse ou qui souhaitent se
lancer dans une telle collection.
Au premier abord, j'ai été surpris par le faible nombre de timbres se
rapportant à ce thème de par le monde, et l'absence de timbres anciens.
J'ai pu recenser à ce jour (septembre 1996) 49 timbres différents, dont
seuls 32 présentent une illustration différente. Le plus ancien a été émis
par la France en 1962 pour notre territoire de St Pierre et Miquelon, ce
qui est très tardif. Pour mémoire, le premier timbre paru dans le monde a
été émis par la Grande Bretagne le 1er mai 1840 (1er janv. 1849 pour la
France), et le 1er timbre dont le sujet principal soit une plante a été émis
en 1897.
Le nombre total est également très faible comparativement à d'autres
collections thématiques telles que les orchidées (des milliers) ou les roses
pour ne citer que des sujets ayant trait à la flore.
La liste des administrations postales émettrices (18) ne surprend pas,
chacun de ces pays abritant des plantes carnivores, ou les défendant dans
le cas des Nations Unies. Il est en effet fréquent, en philatélie, de voir
des pays illustrer des sujets leur étant totalement étrangers. Le cas s'est
d'ailleurs présenté pour certains timbres de plantes carnivores, comme le
Sierra Leone dans un feuillet à la gloire du jardin botanique de Münich,
comprenant Sarracenia flava et Nepenthes X Mixta ou Madagascar
illustrant fort maladroitement 2 de ses timbres de Nepenthes pervillei au
lieu de N. madagascariensis ou N. masoalensis que la grande île abrite, et
le Laos avec une série complète dédiée aux plantes insectivores (sic)
illustrant la Dionée, deux Sarracénies et des Nepenthes de Malaisie et
d'Indonésie. Certains pays dénotent toutefois par leur absence (à ma
connaissance) : les Etats-Unis, l'Afrique du sud, l'Australie, l'Indonésie,
le Brésil et le Vénézuela, pour ne citer que des pays bien connus pour la
richesse de leur flore carnivore.
Avant d'aborder les espèces illustrées sur timbres, évoquons le
caractère particulier de la collection thématique : que collectionner ?
La philatélie, et sa proche parente, la marcophilie (collection des
marques postales), regroupe une filiation nombreuse. Je n'aborderai ici
que les branches explorées par les P.C.
Son représentant le plus connu est le timbre-poste, qui se collectionne
généralement seul. A l'exception des timbres irlandais émis en 1995 en
carnet, tous les timbres répertoriés sont dentelés sur leurs 4 côtés. Les
administrations postales cherchent de plus en plus à diversifier leur
présentation à des fins commerciales. Sont ainsi apparus les blocs
feuillets, très esthétiques et généralement à tirage plus limité. Le timbre
se retrouve seul au sein d'une petite feuille sur laquelle l'illustration
déborde (bloc du Laos), ou avec d'autres timbres (blocs des Seychelles).
Certaines administrations émettent des présentations hybrides à mi-chemin
entre la feuille de timbres, difficile à collectionner pour des raisons de
présentation et de coût, et le bloc feuillet; c'est ainsi que sont apparus
les mini-feuillets regroupant de manière soignée plusieurs timbres
différents se tenant et comportant des informations ou illustrations
imprimées dans les marges (mini-feuillets des Nations-Unies ou du Sierra
Leone comportant 16 timbres différents pour ce dernier). Le carnet
constitue une autre forme de présentation du timbre-poste. Celui émis par
l'Irlande en 1995 tient tant du carnet par son côté relié, que du
bloc-feuillet par la mise en page et les illustrations marginales; il est
vraiment superbe.
Le timbre peut également se trouver directement imprimé sur
l'enveloppe ou la carte postale. Il s'agit alors d'un "entier postal". Cette
présentation essentiellement utilitaire est aussi vieille que le timbre. F.
Zunino m'en a signalé 2 émis par le Canada en 1973 et illustrés de
Sarracenia purpurea. Un 15 cents sur aérogramme (entier destiné
principalement à la poste aérienne sur papier fin) et un 8 cents sur
domestogramme (ce sont les "domestic mail" américains utilisés surtout
pour le trafic intérieur). Les entiers postaux sont très difficiles à
repérer pour une collection thématique. Ils n'apparaissent en effet que
dans les fins de catalogues spécialisés sur un pays ou un petit groupe de
pays. Il reste sur ce sujet encore beaucoup de découvertes à faire. Etant
peu collectionnés, ils apparaissent rarement chez les négociants lorsqu'il
s'agit de timbres étrangers. La meilleure solution passe par les
correspondants étrangers, qui ont parfois eux-mêmes bien du mal à se les
procurer dans leur propre pays !
Les timbres surchargés augmentent le nombre de timbres à
collectionner, sans augmenter la variété des illustrations. Une impression
est faite dans un second temps sur un timbre pour en modifier la valeur,
l'emploi ou faire part d'un évènement particulier (timbres du Guyana
transformés en poste aérienne, timbre de service, timbre annonce
d'évènement particulier et différentes valeurs complémentaires). Les
timbres utilisés pour de tels usages sont souvent des timbres à faible
valeur faciale ou provenant d'un stock important d'invendus qui peuvent
ainsi resservir à moindre coût.
Les timbres de service sont réservés à l'usage d'administrations
bénéficiant de la franchise postale ou de tarifs préférentiels (Guyana
surchargés "OPS").
Dernière catégorie de timbres à illustrer des plantes carnivores : les
postes aériennes (timbres de St Pierre & Miquelon, 1er timbre du Laos et
celui du Guyana surchargé "air"). Elles n'ont en fait d'aérienne que le nom
et la valeur faciale, généralement élevée et sensée correspondre à cet
usage. Ils servent en fait tout aussi bien sur le courrier courant, mais
sont toutefois catalogués dans une rubrique à part dans les catalogues
généraux.
Une véritable collection thématique n'est jamais vraiment complète
sans la marcophilie.
Celle-ci peut se résumer aux enveloppes du 1er jour d'émission des
timbres qui comportent de belles illustrations. Le cachet les oblitérant est
en général en rapport avec le sujet du timbre.
Le fin du fin est évidemment de trouver des oblitérations plus usuelles,
annonçant en général une manifestation quelconque, illustrées d'une plante
carnivore. Inutile de préciser que ce type de document est très difficile à
repérer et à se procurer, sauf lorsque l'on prend les devants lors de
manifestations annoncées. J'ai ainsi pu m'adresser une enveloppe de
Panazol (87) oblitérée d'une flamme (oblitération rectangulaire à caractère
informatif) des 6èmes floralies de cette ville, illustrée d'une feuille de
Droséra.
Enfin, certaines administrations postales éditent des documents para
philatéliques apportant un complément d'information sur les sujets illustrés.
Ils comprennent en général le timbre oblitéré du cachet du 1er jour
d'émission, voire même pour certains, des impressions directes du timbre
dans une autre couleur (document philatélique officiel de la poste française
par exemple).
Venons-en maintenant aux sujets traités.
Seuls 10 des 17 genres reconnus carnivores sont représentés. Encore,
cette liste vient-elle de s'augmenter de 3 genres dans les 6 derniers mois.
Le grand absent est bien sûr le genre Utricularia, qui avec plus de 300
espèces, ne bénéficie pas même d'un timbre pour l'illustrer. On retrouve
ainsi, par ordre décroissant de représentations différentes, les genres
Nepenthes (16), Sarracenia (6), Pinguicula (3), Drosera (1), Heliamphora
(1), Triphyophyllum (1), Dionaea (1), Aldrovanda (1), Cephalotus (1) et
Darlingtonia (1).
Les Nepenthes et Sarracenies sont évidemment des plantes plus
"esthétiques" sur un petit bout de papier pour un profane, ce qui peut
expliquer leur cote d'amour auprès des administrations émettrices.
Les deux plus gros pays émetteurs de timbres illustrés de plantes
carnivores, se détachant assez nettement des autres, sont le Guyana
(ancienne Guyane britannique) avec 16 timbres, et le Laos avec 7 timbres.
Les Seychelles sont également bien placées avec 5 timbres (en y incluant
les Zil Eloigné Sesel) eu égard à leur superficie et au faible nombre
d'émissions de ce petit pays, ainsi que la Malaisie (4 timbres).
Le cas du Guyana mérite une petite explication. Il s'agit en fait du
même timbre, le 1 cent de 1971 illustrant Heliamphora nutans, surchargé
15 fois par l'administration postale de ce pays entre 1982 et 1986. Cette
pratique a été utilisée couramment par certains pays connaissant une
inflation galopante, mais le Guyana n'a même pas cette excuse. Il faut
savoir que ce pays est régulièrement classé parmi les pays émettant le plus
de timbres dans le monde en dépit d'un trafic postal faible (il s'est même
souvent classé 1er allant jusqu'à près de 400 émissions par an; en
comparaison, la France émet de 50 à 60 timbres annuellement). Ceux-ci
sont essentiellement destinés aux collectionneurs. Ce pays a trouvé plus
économique de faire du neuf avec ses vieux invendus. C'est ainsi qu'en
l'espace de 5 années, ce timbre a été surchargé de 10 tarifs différents pour
15 types de surcharges ! Ces timbres n'en constituent pas moins des
émissions officielles.
La fidélité de reproduction des plantes illustrées est globalement bonne
et plus ou moins précise en fonction du type d'impression retenu. Si
certains timbres nous laissent admiratifs dans la qualité de la reproduction
(Irlande, Nations-Unies, Nouvelle Calédonie, ...), d'autres nous laissent
perplexes devant le sujet illustré qu'il serait bien difficile de reconnaître
sans une inscription marginale. Qui reconnaîtrait Nepenthes pervillei dans
les timbres de Madagascar, Heliamphora nutans dans celui du Guyana ou
Aldrovanda dans celui de Roumanie ? D'autres sont affublés de quelques
curiosités morphologiques comme la Dionée du Timbre du Laos qui
présente très distinctement au moins 17 poils sensitifs dans un seul piège,
ou les Nepenthes villosa et gracilis de la même série (imprimée à Cuba!)
où l'on a du mal à s'imaginer à quoi les urnes sont attachées, en passant
par la curieuse fleur de Darlingtonia californica sur le timbre des
Nations-Unies (bureau de Genève, celui de New-York illustrant le
Cephalotus. Nul n'est prophète en son pays).
En définitive, comment se procurer ces timbres et à quel prix ?
Avant de commander un timbre, il importe de bien l'identifier. C'est le
travail des catalogues de timbres. Le problème, c'est qu'il y a pratiquement
autant de numérotations qu'il y a de catalogues ! Disons qu'en matière de
philatélie mondiale, certaines grandes marques ont su s'imposer : Scott en
Amérique du nord (prix en $ US), Michel en Allemagne (prix en DM), et
Yvert & Tellier en France. Les catalogues thématiques existants font
référence, en plus de leur numérotation propre, à celle de ces grands
catalogues. Le 2ème rôle des catalogues est d'indiquer la cotation des
timbres qu'ils répertorient, et c'est là que les choses se compliquent. La
cotation est basée sur la valeur moyenne des transactions, comme en
bourse. Si cela ne pose pas trop de problème pour les pays et les thèmes
très collectionnés où le nombre des transactions est suffisamment
important pour s'en faire une bonne idée, c'est une toute autre histoire dans
les autres cas de figure, c'est à dire dans une majorité de cas ! De surcroît,
les cotations des catalogues sont relativement figées dans la mesure où
les éditions pour les pays peu collectionnés dans le monde occidental, et
l'absence de véritable marché ailleurs, font que les mises à jour sont
pluriannuelles voire même décennales pour certains catalogues
thématiques. Si l'on ajoute à cela les fluctuations existantes d'un négociant
à un autre (promotion, négociant souhaitant se débarrasser d'une fin de
stock ou d'un article difficilement vendable, etc.), il est possible d'avoir
des variations importantes pour un même timbre. Il convient donc de faire jouer
la concurrence, dans la mesure où elle est possible, certains timbres étant
parfois difficiles à trouver. Autre point influant sur le prix d'achat, les
timbres illustrés de plantes carnivores ont été très majoritairement émis au
sein de séries sur la flore que les négociants refusent de séparer (comme les
administrations postales d'ailleurs). Il vous faut donc très souvent acheter
la série complète, à moins que par chance elle ne soit déjà dépareillée. Ce
n'est pas trop gênant lorsqu'il n'y a que 2 à 3 timbres dans la série; cela le
devient plus lorsqu'il y en a 16 ou que le timbre occupe la plus petite
valeur de la série. A chacun de chasser les bonnes occasions !
Le tableau récapitulatif ci-après indique des prix de transactions
passées de 1994 à 96 pour l'essentiel et devrait vous guider un peu sur le
prix à mettre pour une série. Ces prix ne sont donnés qu'à titre purement
indicatif et n'ont aucune valeur contractuelle. Sauf indication contraire,
le prix concerne celui de la série complète où se trouve le timbre.
Concernant le choix des négociants, je vous invite à faire jouer la
concurrence dans la mesure du possible, comme expliqué plus haut. Les
revues philatéliques mensuelles, disponibles chez tous les bons
marchands de journaux, sont également une source intéressante de
bonnes adresses par le biais des publicités plus ou moins promotionnelles
qu'elles comportent. Ces mêmes journaux sont un bon moyen de se tenir
informé des principales émissions de timbres de par le monde, des
cachets illustrés à sortir et un vecteur non négligeable de relations utiles à
travers les petites annonces.
Les catalogues mentionnés dans le tableau sont respectivement : Yvert
& Tellier (France), Michel (Allemagne), Scott (Etats-Unis),
Domfil-Flores (Espagne).
Conclusion :
Cette manière originale de collectionner nos chères plantes carnivores
a au moins l'avantage de requérir peu de place et d'entretien : un bon
album de timbres et une pince suffisent. Comme indiqué en préambule,
l'inventaire dressé ci-dessus est probablement incomplet. Je continue mes
recherches sur le thème et ne manquerai pas de vous en faire part si le
sujet vous intéresse. Je profite aussi du présent article pour lancer un appel
: n'hésitez pas à me faire part de vos trouvailles en la matière, que ce soit
en timbres non répertoriés ou en oblitérations illustrées.
Par ailleurs, le timbre-poste n'est pas la seule valeur fiduciaire à avoir
utilisé les plantes carnivores en illustration. F. Zunino me signale une pièce
de monnaie de un cent illustrée de Sarracenia purpurea à Terre Neuve
(Newfoundland) utilisée entre 1938 et 1947, et il existe également un billet
de banque de $20 malais illustré avec Nepenthes rafflesiana sur un côté
(CPN vol.14 pp.34/35).
Bibliographie :
Remerciements :
Je remercie Fabien Zunino pour son aide dans la recherche de la
bibliographie et les éléments d'information apportés, Guy Chantepie pour
ses recherches et informations complémentaires ainsi que Gérard Lecointe
et Joël Guerrero qui ont accepté de prendre en charge l'illustration de cet
article.
DIONÉE 36 - 1996
|