Une nourriture d'appoint pour nos protégées.

( Eric PARTRAT)




Lorsque l'on cultive des plantes carnivores en appartement ou en terrarium, il se pose parfois le problème de la rareté des captures. Il y a bien sûr, quelques insectes en vol mais jamais assez pour assouvir l'appétit vorace d'une culture importante. Nos plantes doivent déjà s'adapter à un environnement souvent très éloigné (et malgré nos efforts !) de celui d'origine et la question de l'alimentation ne doit pas être négligée. Ce problème peut être résolu en ayant recours par exemple à un élevage artificiel de proies. Un des insectes (car il n'est pas question d'élever des souris) qui peut s'élever relativement facilement est la mouche du vinaigre: la Drosophile (Drosophila melanogaster).


Brève description

Ces mouches servent fréquemment en laboratoire comme matériel vivant pour les études génétiques. On cherche dans ce cas à conserver des souches pures avec des caractéristiques morphologiques particulières et non à assurer une bonne productivité, ce qui pour nous sera l' objectif principal. La Drosophile est un insecte diptère de petite taille, de bonne qualité nutritive et en plus assez prolifique. Pourquoi ne sont-elles pas élevées plus fréquemment ? Parce que leur élevage est fastidieux (à condition de ne pas suivre la bonne méthode).

Ce qui nous intéresse d'abord est d'avoir un grand nombre d'individus disponibles suivant nos besoins et surtout avec un minimum de contraintes. Il existe bien une variété sans ailes de ces mouches (ce qui pourrait résoudre le problème de la capture) si ce n'est qu'elles ne sont pas prolifiques (quel dommage !). La solution abordable qui nous est offerte pour amorcer un élevage est de partir de mouches sauvages qui se trouvent en liberté un peu partout (même en appartement).


Le support

Après avoir essayé divers supports d'élevage avec plus ou moins de succès ( épluchures de légumes, bouillies imprégnées de vinaigre ou vin, purées, flocons d'avoine...), en voici un facile à utiliser et qui donne entière satisfaction pour cet élevage. Il s'agit d'écraser certains fruits en épaisse bouillie (bananes, poires, pêches, ou d'autres fruits à noyaux). Afin d'offrir un milieu propice pour les asticots, on laisse fermenter ce substrat pendant trois à quatre jours en s'aidant pour cela d'un petit pois de levure délayée dans de l'eau. On mélange alors à notre support ce jus. Certains auteurs conseillent pour améliorer ce substrat, d'ajouter à cette bouillie, un peu de tourbe et de son.


Démarrage de l'élevage

On installe quelques centimètres de ce mélange au fond d'un bocal (l'idéal est un récipient de 1,5 l ) mais surtout, il est important de le choisir transparent afin de suivre facilement l'évolution de l'élevage. Il n'y a pas besoin de stériliser les récipients. On dispose alors dessus une boule de papier froissé qui servira de support pour la transformation des asticots en adultes volants. Il reste alors à attirer les reproducteurs en laissant pour cela le pot ouvert. Il est immanquable que des drosophiles attirées par l'odeur ne viennent pas y pondre. Dès que les premiers asticots se manifestent, on ferme le bocal par un couvercle (ou mieux, un morceau de bas tenu par un gros élastique ce qui laissera la culture respirer). La vitesse d'implantation de la souche est d'autant plus rapide que les mouches sont fréquentes dans l'environnement, ce qui, hormis en plein hiver arrive toujours. La température idéale d'élevage se situe entre 20°C et 25°C mais les asticots se contenteront des températures de nos appartements.


Pérennité de l'élevage

Lorsque le mélange sent un peu l'ammoniac, est moisi ou que les asticots ne restent plus dans le substrat, c'est qu'il est devenu invivable ou trop consommé. Il doit être renouvelé; mais pas de panique il ne s'agit pas de recommencer les précédentes opérations, on refait du substrat dans un pot propre et on le réensemence avec quelques asticots du précédent. On place donc dans un bouchon d'eau minérale un peu de l'ancien support avec des asticots sur le nouveau substrat. Il suffit de jeter le bouchon lorsque des adultes volent depuis quelques jours car ils ont déjà dû assurer la pérennité de leur espèce.


Les prélèvements

Les prélèvements des insectes ne nécessitent pas d'être un virtuose du filet à papillons. On procède avec un autre bocal du même diamètre que celui de l'élevage et d'une plaque de carton. On doit travailler en lumière tamisée en s'aidant d'une lampe de poche. On éclaire le fond de la culture pour détourner les mouches de l'ouverture du bocal. Après avoir retiré le morceau de filet, on pose tête en bas le second flacon. Entre les deux récipients, on insère la plaque de carton tout en ménageant une ouverture, on éclaire le sommet du flacon supérieur et toutes les mouches vont s'y concentrer. On replace hermétiquement le carton et on remet droit le bocal tout en maintenant le carton. On peut alors refermer le bocal de culture qui contient assez d'asticots pour assurer la relève. Pour attraper les mouches et pouvoir enfin les distribuer à nos protégées, il y a une méthode simple (mais qui pourra paraître cruelle aux yeux des défenseurs des animaux) qui consiste à ajouter un fond d'eau dans le bocal de capture et à secouer vivement. Les mouches, les ailes mouillées ne peuvent plus voler pour un petit moment ce qui permettra de les manipuler facilement.


Si, pendant toutes ces manipulations, quelques mouches parviennent à s'échapper, pas de panique, on ne sera pas envahi du sol au plafond d'asticots et de mouches. Il y en a de toute façon en liberté dans nos appartements depuis longtemps.



DIONÉE 35 - 1996