CHAMPIGNONS CARNIVORES - VUE D'ENSEMBLE DES ESPECES
(Christoph SCHERBER)
Article précédemment paru dans la revue allemande Das Taublatt
Les végétaux carnivores ne se sont pas seulement développés
chez les plantes supérieures, mais aussi chez les champignons. Les
environ 80 espèces ne sont cependant pas toutes terrestres. Certaines
espèces de la famille des ARNAUDOVIA et BLASTOCLADIELLA sont
aquatiques. D'après les connaissances actuelles, elles ne colonisent
que l'eau douce mais ne sont pas nécessairement tributaires de l'eau
dans leur façon de vivre.
Les champignons carnivores ne se sont pas seulement spécialisés
dans les Nématodes (vers à filaments). Il s'agit en fait de proies plus
communes vivant autour de l'eau ou bien de micro-organismes vivant
dans le sol comme des Rotifères (vers vivant dans les berges d'eau
douce), des Amibes (vivent aussi bien dans le sol que dans l'eau),
des algues du célèbre genre des EUGLENA (vit en eau douce) ou
bien des nématodes ci-avant nommés. De plus, la caractéristique
commune à toutes les espèces de champignons carnivores est qu'ils
sont capables, comme les plantes supérieures, de vivre totalement
sans la capture de leur proie. Dans ce cas, ils vivent de manière
purement saprophyte. Il semble aussi que le caractère carnivore rende
possible la colonisation de milieux inhospitaliers en compensant le
manque d'éléments nutritifs ce qui rend par la même possible une
certaine avance par rapport aux champignons normaux et aux plantes
supérieures.
LES ESPECES
Les différentes espèces de champignons carnivores possèdent
comme mode de capture de proie d'innombrables possibilités comme
toutes les plantes dites supérieures également carnivores. On trouve
ainsi des pièges collants, des pièges à trappe et même des piège à
lassos.
Polyphagus euglanae (Oomycetes; Rhizidiacées) parvient par
exemple, à l'aide de son appendice à capturer en même temps
jusqu'à 50 EUGLENAE (algues rondes) et à en aspirer le contenu.
Pour ceci, il est cependant nécessaire qu'il y ait un contact provenant
de la proie. L'espèce possède aussi une petite vésicule à la surface du
substrat ainsi que des "bras attrapeurs", qui servent à la capture de la
proie. La vésicule envoie à chaque fois plusieurs de ces appendices.
D'autres espèces de Rhizidiacées attrapent aussi d'autres algues
plancton ou bien des parasites et même des grains de pollen.
C'est à la même famille qu'appartiennent les espèces du genre
ARNAUDOVIA qui attrapent des unicellulaires à la surface de l'eau à
l'aide de 6 cils longs et fins. Ici aussi, le thalle du champignon est
constitué par la vésicule qui envoie les organes de capture et qui
maintient la plante à la surface de l'eau.
Un autre genre intéressant est celui des Zoopagacées de la famille
des Zygomycetes. Toutes les espèces apparentées vivent de la
capture de petites amibes ou nématodes. Beaucoup d'entre elles,
comme par exemple Z. thamnospira ou Z. insidians ont constitué des
pièges collants. Les filaments du mycelium sont donc ici recouverts
d'un mucus collant. La proie est finalement décomposée par de
nouveaux filaments (qui peuvent s'introduire dans les cellules
étrangères - cf symbiose des champignons et des algues chez les
lichens) qui se développent dans le corps de l'animal mort et le
champignon peut ainsi utiliser les éléments nutritifs.
Le genre des ARTHROBOTRYS utilise de semblables mécanismes
de capture. Il appartient à la famille des Hyphomycetes et capture les
proies à l'aide de sacs complexes, parfois collants ou bien de
ramifications recouvertes de mucus.
Arthrobotrys oligospora a développé un piège complexe. Il est
constitué à partir du mycelium de lacets captureurs qui se rétractent
soudainement dès qu'un animal veut ramper au travers et qui étouffent
la victime (la plupart du temps des nématodes). Ce sont très
probablement des raisons chimiques qui font que le champignon
n'apparaît que là où les nématodes vivent. Il semble quasiment sentir
la présence des parasites. A. oligospora a constitué un sac en 3
dimensions, dans lequel les ramifications des filaments poussent
continuellement sur le filament principal et se subdivisent plusieurs
fois. Pour se rétracter, les cils n'ont besoin que d'un très léger contact
de l'animal. Plus le micro-organisme frappe fort, plus le cil se rétracte
vivement. Ensuite, le champignon forme un tube pour transpercer la
proie. Environ une demi heure après, il s'est introduit à l'intérieur du
micro-organisme et forme ainsi une poche, une sorte de tête de pont,
de laquelle sortent des filaments mangeurs qui se déplacent en
rampant. Le champignon secrète alors une substance collante qui, si
l'on se met à la place du micro-organisme, a des conséquences
horribles. Le corps du micro-organisme est bientôt vidé et remplit par
le champignon.
Chez le genre proche des DACTYLIUM, qui secrètent des boucles
immobiles ou se refermant brusquement (voir l'article de Carsten
Muller dans le Das Taublatt N°20) et dans laquelle encore une fois les
ramifications du mycelium se développent à partir du mycelium
principal, il apparaît que les mouvements du mycelium proviennent de
la croissance des cellules des filaments extérieurs.
DACTYLIUM est fréquemment confondu avec DACTYELLA
appartenant à la même famille (Zoopagaceae). Celle-ci forme
cependant des sortes d'excroissances sur l'entrelacs de filaments, et
qui font office de pièges collants.
Nous voyons donc que le groupe des champignons carnivores est
digne de considération et qu'il peut par sa diversité se mesurer sans
conteste avec les Droseraceae ou les Lentibulariacées. Ils sont
malheureusement microscopiques et toujours difficiles à déterminer.
On trouve peu de littérature les concernant (voir bibliographie). Il est
bien entendu que mon article ne peut donner qu'une petite vue
d'ensemble sur les champignons "dévoreurs" et ne peut prétendre être
exhaustif.
En ce qui concerne la culture, Carsten Muller a déjà écrit quelque
peu ce sujet, de telle sorte que j'ai pu me concentrer sur la description
de quelques espèces choisies.
Littérature sur les champignons carnivores.
- H.M. FITZPATRICK : The lower Fungi (Phycomycetes), LONDON
1930, (Réinpression 1966)
- J. KARLING : Chytridiomycetarum Iconographica, Lehre 1977 (étude
de 1977)
- Fr. K. SPARROW : Aquatic Phygomycetes, 2. Auflage ANN ARBOR
1960 (2ème édition)
- A. DOWE : Ruberische Pilze, Ziemsen 1987
- E. STRABURGER : Lehrbuch der Botanik fur Hochschulen <dt>, 32.
Auflage, Fischer 1983 (Manuel de botanique pour
grandes écoles, 32ème edition, 1983, chez Fischer)
- A. SLACK : Karnivoren <dt>, Ulmer 1985
DIONÉE 33 - 1995
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