Heliamphora heterodoxa
Photo : Patrick Souben

LE GENRE HELIAMPHORA EN CULTURE.

(Patrick SOUBEN)


L'acquisition, en 1989, d'un magnifique plant d'Heliamphora minor, et les satisfactions qu'il me donna, m'incitèrent à poursuivre plus avant l'aventure de la culture d'autres espèces de ce genre en dépit des difficultés de culture affichées par la bibliographie, et surtout de la grande difficulté à se procurer alors d'autres espèces. Après 6 saisons de végétation, mon intérêt pour ce genre n'a fait que croître et m'incite à faire partager ci-après les quelques éléments d'information glanés ça et là dans la bibliographie et ma bien modeste expérience en la matière.


Origine géographique :

Les HELIAMPHORA sont originaires des hauts plateaux situés au sud du bassin fluvial de l'Orénoque au sud-est du Vénézuéla, aux confins de la Colombie, du Brésil et du Guyana .

Ces plateaux (mésas), essentiellement composés de grès précambrien, se sont progressivement retrouvés coupés du reste du monde à l'ère tertiaire, pense t-on, sous l'effet d'une érosion hydraulique. Ils présentent des parois abruptes de plusieurs centaines de mètres de haut bordées en contrebas par des résidus de l'érosion et des éboulis. Ces hauts plateaux, communément appelés tepuys à l'est et cerros à l'ouest, ont une altitude variant pour les plus importants d'entre eux de 1200 m à 3045 m pour le Cerro de la Neblina.


Historique - Taxonomie :

Le mont Roraima (2730 m) est le seul tepuy dont le sommet soit accessible à pied; c'est d'ailleurs sur ce tepuy que fut découvert par Hermann SCHOMBURG, en 1839, le premier HELIAMPHORA auquel Georges BENTHAM, du jardin botanique de Kew à Londres, donnera le nom d'Heliamphora nutans (1841). Les difficultés d'accès sont telles qu'il faudra attendre 1928 pour qu'une expédition menée par G. H. TATE sur le mont Duida découvre d'autres espèces décrites par H. A. GLEASON (H. tatei, macdonaldae et tyleri qui seront regroupées sous une même espèce). Par la suite, TATE collecta H. minor en 1937 sur l'Auyan tepuy, puis il fallut attendre 1951 pour que Julian STEYERMARK découvre H. heterodoxa sur le Ptari tepuy, puis Bassett MAGUIRE H. ionasii en 1952 sur l'Ilu tepuy et H. neblinae en 1953 sur le cerro de la Neblina (ces deux espèces n'étant décrites et nommées qu'en 1978 ! H. neblinae deviendra en 1984 une variété d'H. tatei). De nouvelles formes et variétés sont, aujourd'hui encore, ramenées d'expéditions lancées dans cette région par les Américains, les Vénézuéliens et les Allemands et attendent d'être décrites et nommées.


La taxonomie de ce genre a posé, et semble toujours poser des difficultés aux botanistes. Ces difficultés semblent liées à la variabilité importante rencontrée au sein de chaque espèce du fait de conditions écologiques sensiblement différentes. Ainsi est-il rapidement apparu que la taille et la forme des urnes étaient des caractères pouvant prêter à confusion dans la différentiation des espèces. Les caractères les plus fiables apparaissent dans la fleur et nécessitent parfois une observation très détaillée au microscope (absence ou présence de pubescence). De surcroît, il est quasiment impossible de différencier les espèces au stade juvénile.


La difficulté de reconnaissance peut être accrue par le fait que la répartition géographique de certaines espèces se recoupe sur quelques tepuys, et que les HELIAMPHORA, tout comme leurs cousines nord Américaines les Sarracenies, s'hybrident naturellement (phénomène observé sur la chaîne du Chimanta tepuy entre H. minor et heterodoxa, et sur le Tramen tepuy entre H. nutans et ionasii).


A cette date, le genre HELIAMPHORA regroupe donc 5 espèces distinctes, 4 variétés et au moins 6 formes:

  • H. nutans
  • H. minor
  • H. minor f. laevis
  • H. ionasii
  • H. heterodoxa var. heterodoxa
  • H. heterodoxa var. heterodoxa f. glabella
  • H. heterodoxa var. exapendiculata
  • H. heterodoxa var. exapendiculata f. glabella
  • H. tatei var. tatei
  • H. tatei var. tatei f. macdonaldae
  • H. tatei var. tatei f. tyleri
  • H. tatei var. neblinae
  • H. tatei var. neblinae f. parva


Le milieu naturel :

Le climat au sommet des tepuys est particulièrement rude : pluies et vents violents, très forte nébulosité pouvant alterner avec une violente luminosité, amplitude thermique journalière importante; les précipitations annuelles y sont de l'ordre de 2500 mm, et la température journalière, à peu près stable sur l'année, varie de 1° à 26°C environ, ces derniers chiffres variant avec l'altitude (de légères gelées ont été observées sur les plus hauts tepuys). La nébulosité y est excessivement élevée, ne permettant que de rares moments de soleil au petit matin avant que les nuages orageux montant de la forêt Amazonienne ne viennent noyer les sommets dans un halo de brouillard suivi de fortes pluies. Il arrive toutefois que de courtes périodes sans pluies surviennent (la saison "sèche" s'échelonne de novembre à mars avec un pic en janvier-février), dégageant le sommet des tepuys de leur habituel manteau nuageux. La luminosité y est alors d'une très grande intensité sous l'effet combiné de l'altitude et de la proximité de l'équateur.


Le sommet qui peut être relativement plat ou présenter des inégalités en fonction des tépuys, est partagé entre des zones de roches nues plus ou moins chaotiques, des savanes marécageuses plus ou moins arborées et des zones de tourbières acides (Ph de 3 à 5) dans les dépressions. Le sol existant se compose de matières organiques plus ou moins décomposées et de sable rose issu de l'altération du grès. En dehors des cuvettes, la capacité de rétention en eau d'un tel sol est très faible (milieu très drainant). La plupart du temps donc, l'alimentation en eau ne peut être assurée que par les pluies quotidiennes.


Ces conditions écologiques particulières et l'absence de relations avec la forêt amazonienne ou les savanes situées au pied des tepuys ont conduit les espèces s'y étant maintenues à une adaptation poussée aboutissant à un endémisme (estimé à 75% des espèces végétales) que l'on peut qualifier d'insulaire. Le genre HELIAMPHORA en fait partie.


En milieu naturel, une même espèce d'HELIAMPHORA peut atteindre une taille allant du simple au quadruple en fonction du milieu où elle se trouve; ainsi, un pied poussant sur un sol suffisamment profond, bien alimenté en eau et abrité du vent et du soleil sera beaucoup plus développé qu'un pied exposé aux intempéries, sur un sol plus superficiel et séchant mais qui sera en revanche beaucoup plus coloré. En tout état de cause, la croissance des HELIAMPHORA en milieu naturel reste très lente (3 à 4 feuilles par an).


Description :

Les HELIAMPHORA sont des plantes vivaces herbacées terrestres. Elles possèdent un rhizome souterrain d'où partent des feuilles en forme d'urne primitive ayant encore tous les caractères d'une feuille enroulée et soudée. L'urne est légèrement étranglée aux 2/3 de sa hauteur avant de s'évaser plus ou moins dans le 1/3 supérieur. La nervure principale de la feuille primitive se prolonge par une cuillère à nectar de couleur rouge sur sa face interne, comportant des glandes nectarifères, et retombant plus ou moins vers le bas pour protéger ses sécrétions des pluies diluviennes des tepuys. La face ventrale de l'urne porte deux ailes, correspondant aux bords de la feuille primitive, qui partent de sa base jusqu'à l'échancrure ouvrant sur le péristome qui permet l'écoulement de l'eau de pluie excédentaire chez certaines espèces. Chez H. tatei et heterodoxa, les ascidies sont munies d'un petit orifice situé entre les deux ailes au niveau de l'étranglement qui permet de maintenir un niveau d'eau constant dans l'urne et évite que les proies soient enlevées par l'écoulement de l'eau excédentaire. L'urne est striée de nervures qui prennent une belle coloration rouge-violacé lorsque la luminosité est suffisante, l'urne pouvant elle-même se pigmenter de rouge sous une forte intensité lumineuse. En ambiance peu lumineuse, l'extérieur de l'urne reste vert et son intérieur vert-velouté (lié à la présence d'une pubescence blanchâtre). L'intérieur de l'urne comprend 4 parties : au sommet, la cuillère à nectar attire les insectes par sa couleur rouge sur sa face interne et ses glandes à nectar. La partie supérieure de l'ascidie comporte de minuscules poils blanchâtres dirigés vers le bas. Cette partie reflète les rayons U.V. auxquels sont sensibles les insectes, contrairement à l'extérieur de l'urne qui les absorbe, balisant en quelque sorte une piste d'atterrissage pour insectes. Les poils s'allongent au fur et à mesure que l'on s'approche de l'étranglement qui marque la limite avec la zone suivante où se maintient l'eau. Sa partie supérieure est cireuse et dépourvue de poils, tandis que sa partie inférieure est munie de longs poils hérissés vers le bas. HELIAMPHORA est dépourvue de glandes digestives. La digestion des proies se fait donc par le biais de bactéries rendant les éléments nutritifs des proies assimilables par la plante, à l'instar de sa cousine nord-américaine Darlingtonia californica.


Signalons ici le cas particulier d'H. tatei qui dispose de tiges dendroïdes (tiges rigides ressemblant à des troncs) au sommet desquelles se développent les urnes, lui permettant de la sorte d'aller chercher les insectes au-dessus des plantes environnantes en atteignant des hauteurs de 1,50 à 4m.


Selon les espèces, la taille des urnes adultes varie de 5 à 50 cm, les plus petites étant H. minor et nutans (5/30cm), les plus grandes H. ionasii et tatei (12/50cm) en passant par H. heterodoxa (12/42cm).


Les longues hampes florales prennent naissance à la base des urnes et peuvent porter de 2 à 7 fleurs en forme de tulipe renversée. Une longue bractée, prenant parfois la forme d'une urne, engaine à sa base le pédoncule floral. Le périanthe est composé de 4 à 6 tépales de couleur blanche, rose ou verdâtre suivant les espèces. Chez certaines espèces, la couleur des tépales évolue du blanc au blanc-rosé ou au rose en vieillissant. L'ovaire est pubescent, prolongé par un style et stigmate glabre. Il est entouré de 7 à 20 étamines dont le nombre et la taille de leurs anthères entrent en compte dans la détermination des espèces. L'autofécondation est peu fréquente chez les HELIAMPHORA, les étamines arrivant à maturité après le pistil qui n'est alors plus réceptif.


Don Schnell vient d'apporter récemment un nouvel éclairage sur le mode de reproduction et la capacité des Héliamphoras à capturer des proies ("Pollinisation of Heliamphora" et "Heliamphora : the nature of its nurture", (1995) CPN 24 pp23/24 & 40/42).Il s'appuie sur des études réalisées en milieu naturel par Renner sur le Cerro de la Neblina (1985) et quatre botanistes vénézuéliens (Jaffre, et al. 1992) qui ont passé 9 ans à étudier les 5 espèces d'Heliamphora sur 11 tépuys différents. Ces études ont été complétées par des examens de laboratoire qui ont permis de mettre en évidence la production d'enzymes par H. tatei dans certaines conditions de stations. Les 4 autres espèces en sont semble t-il dénuées. Les éléments assimilables par la plante sont alors les produits de la décomposition bactérienne (comme chez Darlingtonia californica et Sarracenia purpurea) et les résidus de la faune et flore commensales habitant les urnes de nombreux plants. La quantité et le type de proies capturées semble varier sensiblement en fonction des conditions écologiques rencontrées sur les divers tépuys, certains d'entre eux n'accueillant qu'une flore éparse et basse, pauvre en insectes (Roraima, Kukenan), tandis que d'autres hébergent une végétation dense d'arbustes et buissons de plusieurs mètres de haut et une vie animale plus active. Les cuillères à nectar y jouent alors pleinement leur rôle et permettent ainsi d'attraper abeilles, moustiques et autres diptères (H. tatei), fourmis, voire occasionnellement des scarabées et scorpions pour les espèces les plus basses. Les abeilles et bourdons semblent jouer un rôle important ans la pollinisation d'H. tatei sur le Cerro de la Neblina.


Culture des HELIAMPHORA :

Je recommande à ceux qui veulent se lancer dans la culture des HELIAMPHORA de commencer par H. heterodoxa, nutans et/ou minor de culture relativement aisée si l'on respecte les quelques recommandations qui suivent (pour donner un exemple de la vigueur avec laquelle H. heterodoxa peut se développer en culture : parti d'un plant disposant de 3 urnes adultes en avril 1992, j'aipu obtenir ce printemps, lors de sa division, 14 rosettes de 3 à 6 urnes chacune qui vont toutes à merveille). Ces espèces sont disponibles sur le marché français ou européen à des prix raisonnables comparativement aux autres espèces (les HELIAMPHORA restent malgré tout des espèces assez chères à l'achat).

Les HELIAMPHORA développent de longues racines et aiment avoir de la place. Des pots de 20 cm de diamètre sont donc tout à fait indiqués pour des plants adultes.

Le compost :
Le compost utilisé pour HELIAMPHORA doit avant tout être drainant. A partir de là, il existe de nombreuses recettes qui semblent donner satisfaction :

Il existe actuellement un débat sur l'utilisation de la sphaigne. Celle-ci est recommandée par certains auteurs (la majorité) qui la préconisent pure, ou en mélange avec de la tourbe (1/2-1/2), ou de la perlite (1/2-1/2). Un rempotage annuel est alors nécessaire. D'autres auteurs la proscrivent totalement; ils recommandent alors les mélanges suivants :

  • tourbe, sable et humus de feuilles (1/3-1/3-1/3).
  • tourbe et perlite (4/5-1/5).
  • tourbe blonde (70%), vermiculite (10%), perlite (10%) et polystyrène (10%).
  • tourbe et billes de polystyrène (1/2-1/2).
  • tourbe, billes de polystyrène et argile expansée à granulométrie fine (1/2-1/4-1/4).
  • débris de liège (2cm), écorce de pin (2cm), billes de polystyrène, grains de charbon de bois (5mm), et tourbe (3/8-1/4-1/4-1/16-1/16).

La sphaigne a l'avantage d'être parfaitement drainante et de maintenir une bonne hygrométrie ambiante. Les auteurs qui l'utilisent obtiennent de très bons résultats dans son emploi, ce que je peux confirmer par mon expérience personnelle. Elle présente toutefois aussi quelques inconvénients qu'il importe de connaître pour bien les maîtriser. Il est important de la changer annuellement; il lui arrive en effet de pourrir par le dessous sans que l'on puisse s'en apercevoir, la surface restant parfaitement verte. J'en ai fait l'amère expérience en perdant de la sorte un pied de DARLINGTONIA de 7 ans que je n'avais pas cru utile de rempoter depuis 3 ans, estimant qu'il avait assez d'espace pour se développer. Lorsque la pourriture a attaqué le rhizome, il était alors trop tard. De plus, lorsque la sphaigne vieillit, elle présente une allure brunâtre et perd ses qualités drainantes, pouvant entraîner une pourriture des racines. Le troisième inconvénient réside dans la vitesse de croissance de la Sphaigne; celle-ci tend à recouvrir les jeunes plants qui ne peuvent rivaliser de vitesse, ou recouvre complètement le bas des plants adultes, limitant le développement des jeunes urnes. Cela peut être corrigé par une taille régulière.

Le rempotage reste une opération délicate pour les HELIAMPHORA. Celles-ci sont en effet très cassantes, tant au niveau des urnes que des racines, ces dernières l'étant d'autant plus qu'elles sont longues. Les racines seront débarrassées de leur ancien substrat par un bain et replacées délicatement dans leur nouveau pot en tassant le nouveau substrat légèrement au fur et à mesure. La plante sera ensuite bassinée pour permettre au nouveau substrat de bien se mettre en place.


L'humidité :
Comme pour la majeure partie des plantes carnivores, il est nécessaire d'utiliser de l'eau déminéralisée ou de l'eau de pluie de bonne qualité (se méfier de l'eau de pluie récoltée après une période de temps sec ou stockée dans des réservoirs en ciment ou métalliques). De nombreux auteurs déconseillent de maintenir les pots dans l'eau stagnante et recommandent des bassinages journaliers, en arrosant la plante par le dessus et en veillant à ce que les urnes contiennent toujours de l'eau. D'autres auteurs et moi-même laissons les pots continuellement dans 1 à 2 cm d'eau, tout en maintenant une brumisation journalière, voire un bassinage de temps à autre. Je draine toujours le fond des pots de 1 à 2 cm de gravillons de quartzite. L'hygrométrie ambiante est aussi très importante; pour ce faire, il est nécessaire de cultiver les HELIAMPHORA en serre ou en terrarium. Pour permettre une bonne hygrométrie en terrarium, il suffit de déposer sur le fond un lit de gravier de quartzite ou tout autre matériau neutre ou roche acide, et d'y ajouter de l'eau affleurant la surface de ce lit, les pots reposant directement sur ce gravier. D'autres utilisent le système à NEPENTHES en installant une grille au-dessus de l'eau de telle sorte que le fond des pots ne soit pas en contact avec l'eau. J'ai cultivé H. minor (plant adulte) pendant deux ans en appartement sur une simple soucoupe l'hiver et en extérieur à la belle saison. La croissance était normale, mais j'obtenais des urnes déformées très évasées dans le haut et très étroites à la base sans cuillère à nectar.


Les températures :
C'est là que réside une des clés de la réussite. Comme on a pu le voir plus haut, les températures journalières oscillent entre 1° et 26°C. Sauf équipement particulier, cette amplitude est quasiment impossible à obtenir en culture. Le point important est la fraîcheur, la majeure partie des HELIAMPHORA poussant autour de 2000 m d'altitude. Pour les serres, il convient donc de les ombrer lorsque les températures avoisinent les 28°C et de brumiser plus fréquemment les plants. La serre pourra utilement être ouverte la nuit si cela peut procurer un peu de fraîcheur en permettant de la sorte de recréer cette alternance de température jour-nuit. En hiver, il est tout de même déconseillé de descendre au-dessous de 4°C, même si un plant adulte bien établi peut résister sans trop de dommages à de légères gelées. Les plants résisteront d'autant mieux aux basses températures nocturnes que les températures diurnes seront élevées. En ce qui concerne la culture en terrarium, l'alternance de température peut être facilement acquise en le plaçant dans une pièce non chauffée et en évitant que le soleil ne donne directement dessus, la température intérieure s'élevant alors très vite. La température diurne plus élevée est entretenue par la chaleur dégagée par les néons, qui s'éteignant la nuit la font retomber, le tout couplé avec la variation thermique extérieure qui influe indirectement sur toute pièce non chauffée. Pour l'hiver, un petit chauffage d'appoint de type résistance pour vivarium (penser à adapter la puissance avec la taille du terrarium) peut s'avérer utile en phase diurne pour maintenir ces températures à un niveau plus élevé. J'ai ainsi placé mon terrarium dans mon garage attenant à la maison. Contrairement aux autres plantes carnivores, c'est l'été qui constitue la période critique, les températures oscillant entre 20 et 28°C au maximum entre jour et nuit. D'après certains auteurs, une température stable sur l'année oscillant de 12 à 24°C serait parfaite.


La lumière :
Contrairement à ce que l'on pourrait penser en se référant aux conditions du milieu naturel baigné par les nuages, les HELIAMPHORA requièrent une forte luminosité pour donner de beaux plants bien colorés. L'idéal reste l'exposition au soleil, mais cela est bien difficile sous nos latitudes sans faire augmenter dangereusement la température régnant dans la serre ou le terrarium. La chose n'est guère possible qu'à certaines heures matinales ou vespérales de la journée, ou en hiver lorsque le soleil se fait rasant. Il est donc conseillé dans tous les autres cas de recourir à un éclairage d'appoint conséquent. J'utilise à cette fin quatre tubes grow-lux placés entre 15 et 25 cm des plants suivant la taille de ces derniers, après avoir fonctionné pendant 2 ans avec 2 tubes uniquement qui suffisent à leur développement mais ne permettent qu'une légère pigmentation rouge des cuillères à nectar et de la nervure principale y menant. La photopériode conseillée s'échelonne de 14 à 16 heures par jour, en l'absence d'apport extérieur de lumière naturelle (auquel cas la durée de photopériode pourra être abaissée). Attention à la durée de vie des tubes grow-lux : leur spectre lumineux s'altère sensiblement après 2500 à 3000 heures de fonctionnement.


La dormance :
Les HELIAMPHORA n'ont pas d'époque de dormance véritable. La croissance est ralentie toutefois en hiver et il est déconseillé de laisser les hampes florales apparaissant à cette époque se développer, celles-ci pouvant épuiser la plante.


La fertilisation :
Les HELIAMPHORA vivent sur des substrats très pauvres et n'attrapent que très peu d'insectes tant en milieu naturel qu'en serre semble-t-il, ce qui a d'ailleurs fait douter un temps de leurs capacités carnivores : ni HOOKER (compréhensive review of the carnivores-1875), ni CURTIS (botanical magazine-1890) ne mentionnent le genre comme carnivore, bien que découvert depuis 1839 et introduit avec succès en culture en 1881 par David BURKE pour le compte de la célèbre pépinière anglaise VEITCH. Il fallut attendre la publication du Dr J. M. MACFARLANE pour que le genre soit effectivement associé aux plantes carnivores à urnes (Observation on pitchered insectivorous plants-1889 & 1893). Plus récemment, C. CLAYTON va même jusqu'à se demander si le genre ne serait pas plutôt consommateur des poussières riches en minéraux précipitées par les pluies équatoriales en se basant sur l'observation des boues trouvées au fond des urnes d'HELIAMPHORA. Il étaye sa démonstration en rappelant qu'une urne d'H. ionasii filtre au bas mot 200 litres d'eau de pluie pendant sa vie. Toutefois, certains auteurs recommandent l'usage d'engrais foliaires du type de ceux utilisés pour les NEPENTHES. Ils permettent d'obtenir une croissance plus soutenue et des urnes mieux formées.


Les maladies :
Les seuls parasites connus sur HELIAMPHORA sont les pucerons, les cochenilles et le botrytis. Ce dernier peut être évité en maintenant une aération suffisante sur la culture et en prélevant systématiquement les parties mortes. J'ai combattu très efficacement le puceron avec un insecticide à base de Deltaméthrine. Les cochenilles peuvent être combattues avec des produits à base de Malathion. Il est absolument déconseillé d'utiliser des insecticides ou fongicides à base de cuivre.


La multiplication d'HELIAMPHORA :

Le semis : La multiplication par semis semble une opération délicate tant au niveau de la fécondation que de la croissance des plantules parmi lesquelles le taux de mortalité est souvent élevé. Comme indiqué plus haut, il est nécessaire de pratiquer la pollinisation croisée pour obtenir quelques chances de succès. Le stigmate arrive à maturité dès l'ouverture de la fleur et ne le reste que peu de jours, suite à quoi il n'est plus réceptif au pollen de la fleur qui arrive à son tour à maturité. Il importe donc de collecter du pollen sur une autre fleur et de le transférer sur le stigmate d'une fleur venant juste de s'ouvrir. Certains auteurs ont ainsi pu aboutir à la création d'hybrides horticoles entre H. minor, heterodoxa, nutans et même pour l'un d'entre eux avec H. ionasii. Les semis sont réalisés sur tourbe ou sphagnum haché, ce dernier milieu ayant l'inconvénient de recouvrir rapidement les jeunes plantules qu'il convient alors de repiquer. Celles-ci sont maintenues à plus de 20°C en lumière tamisée et lèvent sous 6 semaines environ. Il est même rapporté que des graines continuaient de germer 9 mois après leur semis. Les plantules sont extrêmement délicates et le repiquage doit être très méticuleux. Il arrive malgré tout que la mortalité soit importante, la croissance des plantules restant de toute manière très lente.


Le bouturage : Le bouturage reste encore aujourd'hui la méthode la plus sûre de multiplier les HELIAMPHORA, abstraction faite de la micro propagation in vitro que certains auteurs commencent à bien maîtriser, mais qui reste l'apanage d'une "élite".

Cette opération peut se pratiquer dès que les signes d'une reprise de végétation soient apparus au printemps. La plante à diviser doit être suffisamment développée pour ne pas l'affaiblir. Elle est délicatement sortie de son pot, à l'occasion du rempotage par exemple, et sa partie souterraine lavée dans l'eau. Le rhizome sera sectionné de manière nette par un outil coupant et devra comporter au moins 3 à 5 urnes. COTTER mentionne le bouturage d'un fragment de rhizome dénué de feuilles; celui-ci reprit au bout de 6 mois. La bouture de feuille est également possible mais apparaît plus aléatoire en fonction des espèces. Elle donne de bons résultats avec H. heterodoxa et minor au moins. Lors du rempotage de printemps, l'urne doit être délicatement prélevée du rhizome en s'assurant qu'elle s'enlève bien au ras du rhizome. Elle est ensuite conduite à plus de 20°C en lumière tamisée avec une forte hygrométrie dans un milieu drainant de type Sphaigne. Le Dr DEGREEF mentionne également une tentative de bouturage d'une bractée ayant les caractères d'une feuille.


Espèces disponibles sur le marché :

Heliamphora minor, heterodoxa et nutans sont disponibles sur le marché français ainsi que quelques hybrides horticoles. H. ionasii est disponible chez un pépiniériste anglais à un prix élevé et en très petite taille (2 cm environ). Wistuba semble contester son identification et pense qu'il s'agirait d'une espèce nouvelle non identifiée provenant également de l'Ilu tepuy. H. tatei var. tatei est disponible depuis cette année en Allemagne à un prix élevé sous forme de plant juvénile de 2 à 3 cm. Un hybride naturel entre H. ionasii et nutans provenant du Tramen tepuy est également disponible en Allemagne.

A titre indicatif, les prix s'échelonnent de 100 à 620FF pour les espèces disponibles à la vente chez ces différents pépiniéristes. Souvenez-vous toutefois qu'un plant adulte, même s'il est plus cher à l'achat, donne plus de satisfactions et offre plus de garanties.

Signalons la mise sur le marché par A. Wistuba d'H. ionasii (qu'il considère comme étant la forme authentique) pour 700Frs environ (jeune plant issu d'In Vitro)


Pour les "acharnés" des tépuys, l'allemand Joachim Nerz propose un voyage-découverte de 13 jours sur 4 d'entre eux pour 4100$ (du 8 au 20 janvier 1996)


Références bibliographiques consultées :

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Cet inventaire serait incomplet sans citer les deux films documentaires sur les tépuys Vénézuéliens qui ont fait rêver les membres de l'association présents à l'A.G. de 1993 : "Le crépuscule des dieux" et "Les îles de la forêt" de Gottfried KIRCHNER.



DIONÉE 33 - 1995