DARLINGTONIA CALIFORNICA, Torrey.
DARLINGTONIE DE CALIFORNIE
Famille des Sarracéniacées.
EtymoIogie : dédicace de M. John Torrey au Dr William
Darlington, botaniste de West Chester (Pennsylvanie).
En l'an de grâce 1 842, un M. J.D. Brackenridge, botaniste de
I'expédition envoyée en exploration des montagnes rocheuses par
les Etats-Unis, sous la conduite du capitaine Wilkes, découvrit, dans
un marais près de Shasta Peak, l'une des plus curieuses plantes
qu'il lui eût encore été donné de voir. Ses formes insolites
éveillèrent au plus haut degré l'attention du voyageur qui recueillit
tous les spécimens secs qu'il put obtenir, la saison étant fort
avancée. Avec ces matériaux incomplets, on ne sut guère à quelle
plante on avait affaire.
Mais en 1850, le Dr W. Hulse, de la Nouvelle-Orléans,
traversant la même localité, retrouva l'espèce en pleine floraison,
et se hâta d'en envoyer des échantillons au Dr Torrey, le savant
botaniste américain. Celui-ci reconnut bien vite un genre nouveau,
qu'il dédia au Dr. Darlington, botaniste de ses amis, président du
West Chesterbank, Etat de Philadelphie.
Le nouveau genre, qui prenait place à côté des Sarracenia et
de l'Heliamphora' est basé sur d'excellents caractères. Il a été
accepté par tous les botanistes, et MM. Bentham et Hooker, fils,
l'ont placé dans leur Genera, Vol. I, p. 148. Il se rapproche des
Pyrolacées par le genre Moneses.
Les publications européennes se saisirent de la notice
américaine, à défaut de la plante vivante, et la Belgique horticole,
en 1855, la Flore des serres, en 1 859' enfin le Botanical Magazine,
en 1 871, en publièrent des figures et des descriptions.
Jusque là, on avait en vain tenté de l'introduire dans les
cultures. En 1 864, le professeur W.H. Brewer, agissant comme
botaniste du California geological Survey, en envoya des graines
bien mûres, cueillies sur place, et qui, après avoir germé, ne
fournirent que de faibles plantes qui moururent bientôt.
Un peu auparavant, M. Van Houtte en avait reçu qui n'eurent
guère meilleur sort en Europe.
Enfin, depuis l'ouverture du chemin de fer du Pacifique,
plusieurs envois sont arrivés à bon port sur divers points de
l'Union et même en Angleterre.
Notre ami M.W. Robinson, qui était dans les montagnes
rocheuses en octobre 1870, en recueillit une quantité assez
considérable que nous avons vus vivants chez lui et chez
MM.Veitch, à Chelsea, d'où ils commencent à se répandre dans un
certain nombre de serres du continent.
M.J. Linden en possède de beaux exemplaires qu'il cultive avec
les Drosera, Sarracenia et Leptopteris, dans une serre froide
humide et peu éclairée.
Au lieu d'offrir à nos lecteurs le maigre plat d'une longue
description botanique de cette curieuse plante, nous préférons leur
donner un extrait de la lettre écrite par M. Robinson et dont le Dr
Hooker a publié l'original dans le Botanical Magazine, auquel nous
avons emprunté la planche ci-après :
"Le Darlingtonia croît dans des marais spongieux de
sphagnums, au milieu des joncs et des DROSERA, dans la
Sierra-Nevada, de Californie,à 5000 pieds au- dessus du niveau de
la mer. Ses urnes ressemblent à des trochets de poires Jargonelle.
Ils atteignent de 1 0 à 22 pouces de hauteur, et entourent des
tiges hautes de trois pieds à trois pieds et demi, qui à la maturité
portent des capsules grosses comme des noix. Le sommet de l'urne
est recourbé en-dessous, formant un dôme qui, de même que toute
la partie supérieure de la feuille, rappelle la couleur jaune d'une
poire mûre. Ces feuilles-ascidies sont toutes contournées en
spirale, principalement au sommet, et leur fond est rempli, sur
une hauteur de deux à trois pouces, d'une couche d'insectes de
toutes sortes et de toutes dimensions, depuis les petits coléoptères
jusqu'aux grands papillons de nuit. On ne sait guère ce qui peut
attirer ces petits animaux, mais on voit fort bien comment ils ne
peuvent sortir de leur prison. Au sommet et à l'intérieur, la
surface de I'ascidie est lisse, puis apparaissent quelques poils qui
deviennent de plus en plus nombreux et garnissent toute la surface
d'une couronne dont les pointes transparentes et rigides sont
tournées vers le bas à angle aigu, et convergent au centre de
manière à fermer toute issue à l'insecte qui s'est frayé un passage
au travers.
"Dans leur jeune âge, ces feuilles sont comme quadrillées de
marques vert foncé très élégantes avec leurs appendices pendants
et purpurins". Ce que nous ne trouvons indiqué ni par M. Robinson
ni par les autres auteurs qui ont parlé du Darlingtonia, c'est la
ressemblance de la forme de ces ascidies avec le Dauphin de nos
mers (Delphinus globiceps, Risso) et surtout avec les sculptures et
images de cet animal que les artistes anciens et du moyen-âge
nous ont légués. Le dos voûté au-dessus de la tête, les nageoires
latérales représentées par les appendices divergents cités plus
haut, le corps effilé imité par le tube, tout rappelle l'aspect du
dauphin et contribue à classer cette bizarrerie végétale dans ces
plantes pseudomorphiques ou ménechmes dont les Anglais se sont
récemment préoccupés.
Le D. californica, maintenant dûment introduit, se verra
désormais dans tous les jardins botaniques, nous l'espérons, et il
n'y formera pas un objet de médiocre intérêt pour les curieux.
Article paru dans l'Illustration horticole en 1871 .
DIONÉE 31 - 1994
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