LA CULTURE DE DROSERA EN APPARTEMENT (Laurent LEGENDRE)
De tous les endroits où poussent nos plantes, c'est certainement en
appartement que l'on aimerait le plus les voir. Or, c'est justement à
cet endroit que leur culture est la plus déconseillée. La sécheresse de
l'air, souvent exagérée en hiver dans des appartements modernes surchauffés,
déshydrate très souvent les feuilles causant la mort des plantes. Mais à
bien y regarder, ce type de culture est-il vraiment impossible ?
J'ai alors expérimenté sur 4 espèces de plantes carnivores faciles de
culture : Drosera aliciae, Drosera binata, Drosera capensis et Drosera
spatulata. Des petits pots plastiques de 5cm de côté contenant un mélange
tourbe/sable (2:1) hébergeant au moins 4 jeunes pieds des espèces citées
ci-dessus furent mis dans des soucoupes devant une fenêtre orientée plein
sud. Même en maintenant les soucoupes toujours pleines d'eau (eau de
Vittel) les plantes montrèrent vite des signes de mauvaise santé.
Deux semaines après le début de l'expérience, les feuilles de Drosera
binata se mirent à sécher, de l'extrémité vers le centre. Plus de
nouvelles feuilles ne furent alors produites. Cette espèce ne peut donc
être cultivée dans ces conditions. Encore deux semaines de plus et ce
furent les feuilles de Drosera capensis qui commencèrent à s'enrouler
sur elles-même. Un peu plus tard, le centre des rosettes de Drosera
spatulata brûnirent et se desséchèrent. Finalement, un mois plus tard,
soit deux mois après le début de l'expérience, les rosettes de Drosera
aliciae se couvrirent des même symptômes que celles de Drosera spatulata.
A ce stade, les feuilles de ces trois dernières espèces étaient
dépigmentées, produisant des feuilles d'un vert peu soutenu, un peu
jaune.
A part pour Drosera binata qui doit vivre dans une atmosphère plus humide,
aucune des trois autres espèces n'est vouée à une mort certaine. Leurs
symptômes indiquent simplement une teneur en sels trop élevée dans leur
substrat comme défini lors de la culture in-vitro de ces plantes (voir
"La culture in-vitro au service de l'étude de l'influence de la teneur
en sels et du pH sur la croissance de Drosera" dans ce numéro). Encore
en parallèle avec des observations faites lors de leur culture in-vitro,
Drosera capensis semble plus sensible aux sels que Drosera spatulata. En
fait, d'après les observations faites ci-dessus, Drosera aliciae semblerait
être l'espèce la moins sensible aux sels, mais est-ce aussi vrai en culture
in-vitro ?
La plus grande sensibilité des plantes carnivores à de fortes teneurs en
sels lors de leur culture en appartement est facile à expliquer. L'air
étant plus sec en appartement que lors de cultures traditionnelles,
l'évaporation est plus importante, et les arrosages plus fréquents. Or,
l'arrosage par une soucoupe ne permet pas une élimination des sels, mais
au contraire leur accumulation arrosage après arrosage. Au 10ème arrosage,
la teneur en sels dans le compost est 10 fois plus importante qu'après le
premier !
La solution à notre problème est donc toute simple : il faut réduire la
teneur en sels du milieu. Cependant, plutôt que d'opter pour l'usage
classique d'une eau à faible teneur en sels, telle l'eau de pluie (si
difficile à obtenir !), j'ai préféré passer mes pots tous les matins
sous le robinet. J'arrose généreusement en mouillant le feuillage. Je
laisse l'eau s'écouler au travers des pots, mais sans excès pour ne pas
délaver le sol. Finalement je remets chaque pot sur une soucoupe vide.
Même si l'eau du robinet contient beaucoup de sels (surtout ici en région
parisienne), ceux-ci ne peuvent s'accumuler et donc devenir toxiques. Pas
de crainte non plus pour les moisissures puisque l'air ambiant est très
sec. Le résultat, ce sont des plantes robustes, aux vives couleurs, et
aux glandes bien pleines de mucilage, surtout les matins avant l'arrosage.
Toutes ont maintenant abondamment fleuri : un vrai plaisir.
DIONÉE 31 - 1994
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