Sarracenia minor "Okefenokee Giant"

Photo : Alexandre Antoine

AU PAYS DES SARRACENIAS

(AIexandre Antoine)




Lors d'un voyage aux Etats-Unis dans I'état de GEORGIE en Novembre 1992, j'ai eu la chance de visiter le célèbre SWAMP PARK OKEFENOKEE à bord d'un petit hydrogIisseur. Ce marais, Localisé dans l'extrême sud de la GEORGIE, s'étend sur plus de 20 000 hectares et est l'endroit de prédilection d'une faune et d'une flore tout à fait spectaculaires.

Sitôt l'entrée du parc franchie, je fus tout de suite frappé par de longs tubes vert clair émergeant d'une végétation rase sur la rive opposée à celle où je me trouvais. II s'agissait, sans aucun doute, de Sarracenia flava et mon sang ne fit qu'un tour. Certes, beaucoup de collectionneurs possèdent cette espèce de sarracenia, mais les voir en milieu naturel est beaucoup plus exaltant que de les voir dans un pot. Malheureusement, je dus vite renoncer à les approcher de trop prés, car les longues formes reptiliennes et menaçantes d'alligators semblaient garder jalousement l'endroit et malgré l'eau peu profonde, je préférai m'abstenir de jouer avec ces gros lézards.

Le peuplement regroupait une cinquantaine d'urnes environ et certainement de gros pieds car certaines mesuraient au moins 1,20m.

Après cette plaisante découverte et regrettant de n'avoir pu pousser mes investigations et faire de plus amples observations en raison de l'éloignement des plantes, je m'embarquai avec un guide sur l'un de ces hydroglisseurs dont dispose le service de protection des espaces marécageux de GEORGIE et de FLORIDE. Nous progressâmes une heure durant, à travers I'inextricable forêt aquatique, évoluant dans un véritable dédale de cours d'eau, envahis par une impressionnante végétation. De temps à autre, çà et là, des alligators somnolaient paresseusement, inertes, mais l'oeil aux aguets, tandis que de grosses tortues (communément appelées tortues de Floride) devant bien mesurer une soixantaine de centimètres, se repaissaient goulûment de grosses fleurs de nénuphars. C'est là, au détour d'un méandre, que la "chose" m'apparut dans toute sa splendeur : il y avait là tout un peuplement de Sarracenia minor de la forme "Okefenokee Giant" (endémique de ce marais) de part et d'autre du cours d'eau. Les plantes étaient pourvues de pièges énormes de presque 50cm de long sur 7 ou 8cm de diamètre à la tête.

Quelque chose me frappa alors : les plantes poussaient dans I'eau. Oui, dans 40cm d'eau, ce qui augmentait donc la taille des plantes et la faisait passer de 50cm à presque 1m de haut.


Ce SARRACENIA, analogue par la forme et la couleur au S. minor que tout le monde connaît, quoique beaucoup plus grand et un peu moins coloré de rouge et un peu plus terne, poussait donc continuellement dans 40cm d'eau. Parfois même, m'expliqua le guide, en période de fortes pluies, il arrivait que le niveau de I'eau aille affleurer l'ouverture des pièges. Les graines produites par cette variété extraordinaire de S. minor sont donc, sans aucun doute, disséminées par l'eau car à chaque fois, à une dizaine de mètres d'intervalle et sur 2km de long, on retrouvait de petits peuplements de plantes.

Malheureusement pour moi, tous les fruits étaient arrivés à maturité et les graines qu'ils avaient contenues s'étaient déjà répandues, entraînées par l'élément liquide. De plus, il m'était impossible de prélever, ne serait-ce qu'un rhizome, à cause de la loi de protection des végétaux en vigueur aux Etats-Unis. Il ne me restait donc plus, en lot de consolation, qu'à "mitrailler" cette manne carnivore avec mon appareil photographique.

Ce furent les seules plantes carnivores que je rencontrai au cours de ma visite, car bien que m'ayant promis de me montrer S. leucophylla, mon guide fut incapable de retrouver l'endroit où ils poussaient.

Cette visite du marais fut un moment inoubliable et, de retour chez moi, je trouvai bien misérables mes propres pieds de SARRACENIA, pourtant bien vigoureux. En effet, une chose est sûre, c'est que la beauté de la plus belle des collections de plantes carnivores (et des autres plantes en général) n'est rien comparée à la magnificence des plantes poussant dans leur milieu naturel.


DIONÉE 31 - 1994