COMPARAISON DE DIVERS MODES DE REPRODUCTION DE DIONAEA MUSCIPULA (Laurent LEGENDRE)
Le bouturage et le semis font partie des grands plaisirs du jardinage.
Leur côté magique et simple doublé de la joie de voir se multiplier les espèces que
l'on aime a toujours attiré ma curiosité et mon intérêt. Comme déjà largement
documenté, nos plantes sont une source intarissable d'expériences fascinantes dans ce
domaine, avec parfois des modes de reproduction très originaux, tels les gemmae des
Droseras pygmes ou les bulbilles de nos grassettes. Mais pour goûter à de tels plaisirs,
il n'est pas besoin de se tourner vers des plantes exotiques, rares, et difficiles de
culture. Notre très commune et très généreuse Dionée (Dionaea muscipula) recèle en
elle-même un abîme de possibilités.
La Dionée peut être multipliée de multiples manières. Celles-ci
sont classiquement partagées entre des modes sexués (par graines) et végétatifs, ces
derniers étant assez variés. On y trouve en effet des boutures de feuilles ou
d'écailles, des séparations de touffes, des détachements d'anciens ou de nouveaux
bulbes, et, le plus rarement décrite reproduction végétative apomixis. Cette dernière
n'est rien d'autre que la production de nouveaux pieds sur des tiges florales à l'endroit
où celles-ci s'effilochent, donnant ainsi lieu à plusieurs brins dont chacun porte une
fleur unique. Après avoir tenté d'observer et de comparer ces divers modes de
reproduction sur mes Dionées, je me propose de vous présenter quelques-uns des
résultats que j'ai pu obtenir.
De tous les modes de reproduction nommés ci-dessus, la reproduction
apomixis fut la seule que je fus incapable d'observer. Ce phénomène qui est maintenant
connu depuis plus de cent ans serait induit, selon D.E. Schnell, par des fluctuations
importantes de température entre le jour et la nuit lors de la formation des boutons
floraux. Dans le sens où mes plantes ont toujours poussé à température constante et
n'ont jamais produit de tels rejetons, sa théorie est peut-être vraie. Je ne puis hélas
plus la soutenir. Quelqu'un a-t-il plus d'expérience dans ce domaine ?
Parmi les autres modes de reproduction, le mode sexué, ou par graines,
fut de loin celui qui mit le plus de temps à fournir des pieds adultes (5 ans minimum en
accord avec A Slack).
A l'opposé, la séparation de touffes généra immédiatement des
pieds adultes. Hélas, les têtes de Dionée ne se multiplièrent que rarement (une fois
tous les deux à cinq ans en moyenne), rendant ce mode de reproduction plus anecdotique
que pratique.
Les autres modes de multiplication végétative furent donc plus à
même d'obtenir rapidement quelques pieds supplémentaires de Dionée. Ceux-ci peuvent
être divisés en trois grandes catégories.
La première fait usage de petits bulbes qui se forment spontanément
au printemps autour du pied mère. Il faut les en séparer avant l'été sous peine de les
voir se faire étouffer, et ce, bien qu'à ce stade ils ne soient pas tout à fait mûrs,
et que leur reprise sera donc lente et difficile (voir photo).
La deuxième catégorie contient toutes les boutures de feuilles
traditionnelles. Les feuilles de Dionée sont faites d'un piège qui est attaché à une
partie feuillue plate, verte, et pourvue d'une épaisse nervure centrale et qui est
elle-même rattachée au centre du pied par une petite écaille blanche. Ces écailles se
situent sous terre et restent en vie, même quand la partie aérienne de la feuille est
morte. Des ouvrages traditionnels sur les plantes carnivores recommandent de couper les
feuilles à la base de leurs écailles et ce, qu'elles aient une partie aérienne ou non.
Même si cette pratique permet en effet de mieux réussir ses boutures, je ne l'aime
guère car elle oblige à déplanter momentanément un pied-mère en pleine santé. Je
préfère donc couper les feuilles au ras du sol, donc au-dessus de leurs écailles. Cela
laisse le pied-mère intact, et chaque feuille ainsi coupée généra de trois à cinq
pieds en trois semaines (voir photo), après avoir été posée sur un substrat neuf et
humide. Ces nouveaux pieds deviennent adultes deux ans plus tard. Je préfère effectuer
ces boutures au printemps sur des feuilles d'hiver. Je soustrais souvent le piège qui
n'est nullement nécessaire pour l'opération et dont la présence ou l'activité peut
gêner le bon contact entre la base de la feuille et le substrat.
Finalement, la troisième et dernière catégorie fait appel aux
divisions de bulbes. Les écailles des feuilles de l'année précédente se tiennent en
"queue leu leu" derrière l'oeil principal de la plante. Elles se détachent
d'un seul bloc avec les mains, au printemps lors d'un rempotage. Il est alors possible de
replanter ces boules d'écailles sans verdure et d'un peu moins d'un centimètre de
diamètre. Elles produisent d'ici à trois semaines de trois à dix pieds (voir photo) qui
atteindront leur taille adulte quelques mois plus tard. Ce dernier mode de reproduction
fut donc le plus aisé et le plus prolifique.
Au fait, le milieu de culture que j'utilisais pour mes boutures, mes
semis et mes pieds-mères était le mélange traditionnel de 2/3 de tourbe (sphagnum Peat
Nosi) et 1/3 sable (sable pour aquarium de 2mm de diamètre). Les pots étaient posés sur
des soucoupes toujours pleines d'eau distillée. L'éclairage était un éclairage
artificiel de quatre tubes de 40Watts placés à 25cm des plantes avec une photo période
de 16 heures par jour. La température restait invariée à 21 *C.
LITTERATURE SUR LE SUJET :
DIONÉE 29 - 1993
|