RETOUR EN NOUVELLE-CALEDONIE (Robert GIBSON)
Traduction Pierre Sibille
Vers la fin de décembre 1990, j'ai eu le plaisir de passer une douzaine de jours de
vacances familiales à Vanuatu et en Nouvelle-Calédonie où j'ai consacré deux jours à
la recherche et l'observation de plantes carnivores.
Avant les vacances j'avais contacté Tanguy Jaffre, un botaniste de l'ORSTOM à
Nouméa. Il m'avait aimablement proposé des facilités techniques pour l'herbier et il
m'avait aussi conseillé de contacter Monsieur BOULET qui a la responsabilité des parcs
et réserves dans le sud de la Nouvelle-Calédonie, ce que je fis. Je me suis entretenu
aussi avec Peter Abell du Jardin botanique royal de Sydney qui m'a parlé d'une
remarquable station de Nepenthes vieillardii.
De mon précédent voyage en Nouvelle Calédonie, deux années auparavant (voir
Dionée 23 et 25), je connaissais trois sites de plantes carnivores. Cette fois-ci j'avais
mon propre appareil photographique avec objectif macro et un stock considérable de
pellicules acheté à l'aéroport de Mascot.
Pour le premier jour de "chasse" aux plantes carnivores (mardi 01.01.90),
nous avons utilisé une voiture de location que nous devions restituer dès 17 Heures.
Alors mon père et moi partons de bonne heure, ce matin-là, pour le Mt Koghi.
L'embranchement pour la route de 5km vers la station d'altitude et l'auberge est
maintenant bien signalé. C'est à la borne des 4km que le paysage en contrebas de la
route change, passant de la forêt humide luxuriante et des jardins à la végétation de
maquis ouvert qui couvre la majeure partie du massif ultramafique. Les plantes carnivores
sont un composant de ce maquis.
Nous passons à côté de nombreux Nepenthes vieillardii poussant sur le talus
bordant la route. Nous garons la voiture près d'un large ravin dans lequel, deux ans
auparavant, nous avons trouvé beaucoup de Nepenthes. Rien n'a changé et je peux voir de
nombreuses plantes adultes sur le sol du ravin. Ce fossé s'allonge sur 80m environ ; les
parois d'un à deux mètres, sont formés soit de latérite, soit d'éboulis de granules
de sol rougeâtre. Des fougères, de nombreux arbustes et quelques plants de Megastylis
gigas, une orchidée terrestre, sont les principaux végétaux poussant dans le ravin.
N. vieillardii est localement abondant.
Je monte la pente et rencontre le premier Nepenthes, un pied mâle dont les multiples
tiges grimpent sur les parois du ravin et sur la végétation adjacente. Les urnes
supérieures, vertes, avec un péristome rouge, atteignent 10cm de haut. Un spécimen
semblable pousse tout près. A peu de distance, un plant spectaculaire a des ascidies
inférieures toutes rouges, de 8 à 20cm de haut. Au début, j'avais l'intention de
décrire et photographier chaque Nepenthes que je trouverais, toutefois, après avoir
mieux observé la région et constaté l'abondance des Nepenthes, je compris que ce projet
n'était pas viable. Au lieu de cela, je pris note de cette variation et conclus que, pour
cette station au moins, les urnes inférieures sont plus grandes et plus spectaculairement
colorées que les urnes supérieures. Celles-ci tendent à être vertes et les spécimens
les plus attrayants ont des péristomes noirs. Un sujet exceptionnel a des ascidies
pubescentes, entièrement vertes, atteignant 20cm. Pour la majorité des plantes, la
floraison est terminée et les graines mûrissent, alors que les anciennes hampes florales
sont noires et dégarnies.
Je ne rencontre qu'un seul plant mâle en fleur ; le parfum est très faible
contrairement à d'autres espèces de Nepenthes.
Pendant mon exploration de la partie supérieure du ravin, je découvre une rosette
isolée de Drosera néo-caledonica ;elle mesure 3cm de diamètre et garde les
restes de la hampe florale. Elle pousse sur terrain nu formé d'un sol d'origine
latéritique légèrement humide, surfacée de cailloux friables. Ayant trouvé cette
plante, je soupçonne qu'il doit y en avoir d'autres. Je les découvre à 5m plus loin
dans un petit fossé avec N. vieillardii .
Plus loin dans la montée, je rencontre quelques pieds femelles de ce Nepenthes dont
les tiges grimpantes portent des capsules en cours de mûrissement. Les vestiges
d'anciennes capsules, ouvertes, se trouvent généralement sur la partie extérieure de la
plante, exposés aux éléments qui favorisent la dispersion des graines. Un plant
femelle, cependant retient mon attention : il se développe de façon prédominante, à la
surface du sol. Les nouvelles pousses ont porté plusieurs inflorescences. Sur le sol,
au-dessous des capsules, se trouvent beaucoup de graines couleur paille de 7mm de long sur
1mm de large. J'en ramasse avant de tourner mon regard vers l'origine probable de cette
manne. A mon grand plaisir, je constate que beaucoup de capsules contiennent encore des
graines. Quelques fruits ne se sont pas ouverts correctement, et d'autres, quoique bien
ouverts, recelant encore un peu de graines. Sur la même plante, je trouve une seconde
hampe florale qui porte des graines.
Plus loin sur la pente, la végétation devient plus dense et je ne vois plus de
Nepenthes ; toutefois, en redescendant de l'autre côté du ravin, j'observe des plants
avec des urnes inférieures brillamment colorées : de rouge à marron foncé,
quelques-unes presque noires. Tout près de là, je trouve un fossé peu profond dans
lequel poussent trois petits Nepenthes. Regardant plus attentivement, je vois quelques D.
neo-caledonica dont les rosettes, vertes, de 1 à 2cm de diamètre, sont plaquées au
sol. Cependant, quelques plantes au bord du fossé atteignant 3,5cm de diamètre avec des
tiges de 1 à 5cm. Un spécimen a une hampe florale de 14cm avec les restes de 7 capsules
qui, depuis longtemps, ont répandu leurs graines.
J'ai passé, jusqu'alors au moins une heure à regarder tout autour, aussi je quitte le
ravin et suis la route pour revoir un groupe de N. vieillardii que j'avais
découvert deux ans auparavant. Les plantes sont en très bon état et il y a maintenant
beaucoup de jeunes plants. Ceux-ci vont de rosettes d'un diamètre de 5cm à des
spécimens ayant des urnes inférieures rouges de 3 à 10cm de hauteur. Les ascidies
supérieures des plantes mères sont vertes, atteignant 10cm de haut. Les arbustes du
maquis voisin sont aussi couverts d'une masse épaisse de N. vieillardii et je ne
sais pas pourquoi je ne les avais pas vus lors de ma précédente visite.
Dans un ravin adjacent, poussent des plantes dune taille également impressionnante
avec une abondance d'inflorescences mâles et femelles. Sur la pente, les N.
vieillardii recouvrent densément les buissons du maquis. Les urnes supérieures
apparentes sont petites et vertes, avec une touche de rouge, et la caractéristique
prédominante est constituée par les fructifications déhiscentes dressées au-dessus de
la masse principale de végétation. Le terrain est trop accidenté pour que je puisse
approcher des plantes.
Je reviens vers la voiture par la bordure nord du ravin principal. A l'extérieur de
celui-ci on trouve très peu de Nepenthes. Cependant, certains poussent dans un profond et
très étroit fossé où je les avais vus il y a deux ans : de petits plants avec des
urnes intérieures rouge vif de 15cm de haut et une plante plus âgée, avec de minces
urnes supérieures vertes, qui allonge ses tiges hors de la ravine et dans le maquis
environnant.
Je jette un dernier coup d'oeil dans le grand ravin. Parmi les nombreux plants - jeunes
ou adultes - de Nepenthes, je rencontre un second pied femelle avec quelques capsules
complètement mûres. Je recueille des graines, prends des photos (de la "plante
2" comme je la désignerai plus tard) et me hâte vers la voiture. Nous gagnons le
point de vue pour admirer le fantastique panorama, puis nous nous engageons dans un des
nombreux chemins de la forêt humide. Je ne trouve ni N. vieillardii , ni neo-caiedonica
en cet endroit, malgré les conditions apparemment propices. Nous prenons un repas au
restaurant près du point de vue. Le Nepenthes mâle dans le jardin à l'entrée du
restaurant, remarqué lors de ma visite précédente, n'a pas très bon aspect parmi les
Impatiences. Au restaurant, on peut acheter pour 200 CFP une brochure qui donne des
renseignements sur les promenades des environs ainsi qu'une clé d'identification des
espèces qui sont désignées par un numéro sur un poteau près d'exemplaires typiques,
le long des sentiers.
Nous quittons le Mt Koghi juste après midi et nous dirigeons vers les pentes
orientales du Mt Dore, à 25km de là. Nous garons la voiture à Fontane du Plum et
marchons auprès de la route où l'eau suinte continuellement sur le talus, provenant de
nombreuses sources. Je passe une heure à cet endroit, photographiant et collectant des
spécimens d' Utricularia uliginosa et Drosera neo-caledonica.
U. uliginosa pousse à la base du talus humide. Les plantes se présentent en
groupes discrets parmi les herbes, l'eau étant présente ou non à la surface. Cette
espèce ne produit pas beaucoup de fleurs, chaque hampe n'ayant qu'une fleur épanouie à
la fois. Les feuilles d'un vert pomme, mesurent de 4 à 10mm, les plus longues se trouvant
aux endroits où l'eau est apparente.
Les fleurs sont typiques de l'espèce avec une strie blanche très marquée traversant
le milieu de la lèvre inférieure, par ailleurs pourpre (*), presque horizontale. La lèvre
supérieure, inclinée vers l'avant, cunéiforme avec une entaille centrale, dépasse à
peine la grande bractée derrière elle. L'éperon vertical est vert pâle. La
caractéristique dominante des hampes florales est constituée par les grandes bractées
vertes et pourpres*. Les hampes, vertes, hautes de 10cm portent d'une à cinq fleurs.
Très peu de celles-ci sont pollinisées pendant leur fugace floraison.
A mi-pente du talus, U. uliginosa pousse parmi des D. neo-caledonica,
ceux-ci s'étendant vers le haut du remblai, mais ne se prolongeant guère dans le maquis
au-delà du talus. Toutes ces plantes forment des rosettes de 3cm de diamètre, serrées
contre le sol, qui ne semblent pas très vigoureuses. L'une des plantes a fini de fleurir
et cinq fruits sont en cours de mûrissement. Les plantes poussent sur sol humide peu
profond, partiellement ombré par des fougères et de l'herbe. De l'autre côté de la
route, sur la pente, j'aperçois un marais herbeux qui accueille probablement ces deux
plantes carnivores, mais je n'ai pas le temps de l'explorer.
Nous reprenons la route vers le lac Yaté où nous connaissons quelques stations de
plantes carnivores au sud du lac. En cours de route, nous remarquons que le niveau du lac
est au moins à 5m en-dessous de la capacité maximale et que le pont traversant la baie
de Pointe Barre a été détruit par un cyclone. Maintenant deux ponts sont en
construction à l'origine de la baie.
Nous nous arrêtons là, près d'un marais dans un petit bassin à l'ouest de la crique
Pernod. Le niveau de l'eau dans le petit lac et le marécage adjacent est notablement
inférieur à la normale. Tout autour le maquis laisse place à la végétation herbacée
au bord du marais. Dans le sol fin et humide poussent des plantes carnivores tant
au-dessus qu'au-dessous du niveau de l'eau.
Des plants isolés et de petits groupes de D. neo-caledonica poussent parmi les
joncs pointus de la rive. A cet emplacement, toutes les plantes forment des tiges ; une
plante imposante présente dix pousses sur une tige atteignant 15cm de haut. Les rosettes
ont 4cm de diamètre. Les tiges, très importantes (jusqu'à 3cm de diamètre) comportent
une colonne centrale de tissu vasculaire, d'environ 5mm de diamètre qui alimente le point
de croissance. Autour de cette colonne, une masse de feuilles mortes est cimentée par la
boue (probablement déposée pendant les crues). Partant régulièrement du centre de la
tige, des racines noires à la coiffe blanche, d'1mm de diamètre descendent au travers de
la masse de boue et feuilles mortes jusqu'au substrat sous-jacent. Aucune de ces plantes
n'est en fleur mais certaines conservent les restes de hampes mortes (voir croquis).
Les D. neo-caledonica s'étendent sur une courte distance au-dessus du marais
parmi les rochers. Quelques plantes poussent aussi de l'autre côté de la crique sur des
terrains plats boueux normalement inondés. L'autre plante carnivore dans la région est Utricularia
uliginosa dont les fleurs présentent deux variétés de couleur. La plus commune a
une fleur d'un pourpre (*) pâle, très semblable à celle que j'ai vue auparavant au Mt
Dore. Cependant je trouve une hampe florale avec une fleur d'un pourpre (*) foncé.
L'espèce pousse sur sol humide, de chaque côté du ruisseau, et aussi sur le fond sous
15cm d'eau courante limpide. Dans cette dernière situation, les feuilles ont 1,5cm de
long sur 3mm de large (alors que celles de la rive ont 1,5cm de long sur 2mm de large).
Après avoir prélevé quelques spécimens pour l'herbier, nous mettons le cap à l'Est
pour tenter de trouver une station de N. vieillardii dont Peter Abell m'a parlé.
Malheureusement le temps nous manque et je ne trouve pas ce site. Nous rentrons à
Nouméa.
Le jour suivant arrivant à l'hôtel, dans l'après-midi, je découvre une lettre de
Monsieur Boulet. Je la fais traduire à la réception. M. Boulet demande à me rencontrer
le lendemain et à m'accompagner à la Plaine des Lacs pour m'aider à collecter des
spécimens botaniques. Je l'appelle pour arranger notre rencontre en dépit des
difficultés de langage.
Juste avant 8Heures du matin, le mercredi 3 janvier 1991, je rencontre M. Boulet dans
le hall de l'hôtel. Après un échange de salutations, il me fait monter dans son
véhicule tout-terrain et nous partons pour l'expédition. Un bref arrêt chez lui où son
fils Frédéric se joint à nous. Heureusement Frédéric sait mieux parler l'anglais que
moi le français si bien que nous pouvons communiquer.
Nous nous arrêtons d'abord à la Chute de la Madeleine, un endroit ravissant. La
cascade a environ 10m de large et 3m de hauteur. Le plan d'eau à la base est profond et
permanent. Monsieur Boulet me signale qu'il y pousse une utriculaire aquatique aux fleurs
jaunes, probablement Utricularia gibba . Cependant, nous ne voyons aucune plante.
Dans la zone proche de la cascade nous trouvons des plants de D. neo-caledonica
poussant parmi des galets d'oxyde de fer sur latérite. Les rosettes, de 1 à 2,5cm de
diamètre poussent dans des endroits très ensoleillés ou légèrement ombrés.
Quelques-unes forment de courtes tiges (d'un cm). Certaines ont de nouvelles hampes
émergeant parmi les feuilles. Comme dans les autres stations, cette espèce est entre
deux périodes de floraison. Les rosettes poussent en groupes de différentes densités
allant d'un à vingt plants par mètre carré. Parmi les droséras et même partout dans
le maquis pousse la grande orchidée terrestre Eraxis figida qui est en pleine
floraison. Les fleurs blanches et pourpres sont abondantes à cet endroit.
Nous reprenons la route en suivant la rivière dans le sens du contre-courant. Le
chemin devient peu praticable et je me félicite d'être dans un 4x4. Le terrain s'aplanit
et devient marécageux vers l'est. Après avoir traversé une petite rivière, nous allons
vers le nord-est. Moins de vingt minutes après, nous voyons le premier de nombreux petits
lacs. On serait très avide de l'explorer mais M. Boulet explique que l'accès en est
difficile. Nous stoppons brièvement un peu plus loin pour admirer une grande orchidée
terrestre - Megastylis gigas - en pleine fleur.
Le Lac en Huit apparait, suivi du Grand Lac, le plus grand des lacs naturels de l'île.
La route longe la rive sud de chacun de ces lacs. Sur le bord oriental du Grand Lac, la
route bifurque. Nous allons vers le Nord Est, passons devant de vieux bâtiments
construits pour les mines de nickel et nous engageons sur une piste d'atterrissage.
Ensuite un chemin nous conduit dans une intéressante végétation de maquis à l'est du
lac. Des D. neo-caledonica poussent au gué d'une rivière asséchée, au départ
de la route.
Peu avant midi, nous nous arrêtons près d'un petit lac. M. Boulet, avec enthousiasme,
saute de la voiture et se dirige vers la rive, me faisant signe de venir le rejoindre.
Là, je trouve une tache d' U. Uliginosa poussant en eau très peu profonde (2 à
10cm) parmi les joncs, sur le sol tourbeux meuble de la berge. Il n'y a pas de fleurs
ouvertes, mais beaucoup de hampes florales sont en formation. Les feuilles sont les plus
longues que j'ai vues dans les diverses stations de l'île ; elles atteignent 6cm. Je
prélève quelques spécimens et regagne la voiture. Monsieur Boulet me montre un Dendrobium
ngoensis fleuri, poussant en épiphyte sur un arbuste près de la route. Après
l'avoir photographié, nous repartons.
Un peu plus loin, nous observons un autre lac sans trouver d'autres plantes carnivores.
Nous persévérons dans notre recherche à travers différents types de végétation de
maquis. A un certain endroit, M. Boulet désigne une espèce endémique de Gardénia en
fleur. Puis la route traverse un canal qui relie le Grand Lac avec le Lac Yaté. Après un
court trajet, nous arrivons à un petit ruisseau qui se jette au sud-ouest dans le Grand
Lac. Une végétation marécageuse basse s'étend sur 50 à 80m de chaque côté du lit du
ruisseau et ouvre une voie dans le maquis environnant. C'est l'endroit extême atteint ce
jour-là car nous passons quarante minutes à explorer le marais et observer les D.
neo-caledonica et U. uliginosa qui poussent là. Je prends des photos, des
notes et quelques spécimens botaniques. Nous déjeunons grâce aux provisions
généreusement fournies par M. Boulet.
Ici, D. neo-caledonica pousse dans une variété d'habitats comprenant des sols
compacts, dérivés de roches ultramafiques (et même sur des morceaux de bois enfoncés
dans ces terrains) ; sur des sols humides, faiblement consolidés et sur des sols
détrempés dans le lit du ruisseau.
Dans cette dernière situation quelques plantes poussent même sous l'eau et elles ont
des rosettes vertes atteignant 8cm de diamètre. Dans toutes les situations, les plantes
sont solidement ancrées par leurs racines et sont donc capables de rester en place durant
les inondations. Aucune des plantes n'est en fleur mais l'une d'elles porte les restes
d'une hampe florale récemment fanée, et d'autres montrent les vestiges de longues hampes
ayant porté jusqu'à douze fleurs. Les plantes ont des tiges très peu développées.
U. uliginosa pousse dans des situations humides à détrempées. Les plantes
sont en fleur. Les fleurs sont d'un pourpre plus foncé que celles observées au Mt Dore.
Une forme particulière de cette espèce pousse dans une petite anse du lit d'un ruisseau.
La fleur est d'un vert pale et les lèvres supérieure et inférieure sont médiocrement
formées.
Près de cette forme à fleurs vertes d' U. uliginosa poussent deux touffes de D.
neo-caledonica sur le lit du ruisseau. Les plantes sont grandes et saines ; elles me
rappellent quelque peu les D. intermedia à courte tige. En aval, quelques plantes
poussent sous l'eau. Une observation rapprochée montre que la plupart de ces plantes se
sont formées à partir des racines exposées de plantes situées juste en amont ; c'est
un exemple de reproduction asexuée. Il est donc manifeste que cette espèce est
susceptible d'être propagée par boutures de racines.
Nous revenons sur nos pas vers la route principale sans aller à la chute de la
Madeleine. M. Boulet est évidemment déçu que nous n'ayons trouvé aucun N.
vieillardii pendant cette journée, en dépit de notre vigilance. Nous passons aux
bureaux du Parc territorial de Rivière bleue avant de pénétrer dans le parc. Après un
court trajet sur la route principale, nous nous engageons dans un chemin en impasse. Là,
M. Boulet et Frédéric sautent de la voiture et se dirigent vers le maquis.
Sur le chemin du retour, je remarque un quatrième N. vieillardii , un grand
plant mâle poussant à côté d'un fossé ; ses dimensions sont égales à celles de la
"Plante A". Il a des urnes supérieures de 10cm, à l'extrémité de courtes feuilles
sur des tiges de 1 à 3m de long. Les urnes sont bien plus colorées que celles
des plantes adjacentes ; à l'extérieur elles sont tachetées de rouge.
Il apparaît que même ce petit groupe de plantes est capable de produire une énorme
quantité de graines ; je soupçonne que la plupart d'entre elles sont entraînées dans
l'eau du fossé. A la Rivière Bleue, les plantes avaient de plus petites feuilles et
généralement des urnes plus réduites que celles observées au Mt Koghi mais elles
poussaient dans des conditions plus sévères.
Nous repartons vers Nouméa. En cours de route, M. Boulet nous dit que certaines formes
de N. vieillardii , dans quelques stations de montagne, ont des ascidies contenant
jusqu'à 1,5l de fluide.
De retour à l'hôtel, je remercie chaleureusement M. Boulet et Frédéric et rejoins
la famille pour raconter tout ce que j'ai vu. Malheureusement je ne peux aller à l'ORSTOM
(Institut français de Recherche Scientifique pour le développement en coopération) pour
rencontrer Tanguy Jaffre ou répondre à sa proposition de consulter l'herbier. Je le
regrette encore le lendemain en arrivant à Mascot, l'aéroport de Sydney.
Les graines et les échantillons à conserver en bocaux passent à la douane mais les
spécimens à mettre en herbier, considérés comme "trop verts" sont
confisqués.
Il y a encore beaucoup de choses à voir en Nouvelle-Calédonie. J'aimerais y retoumer
pour observer Utricularia novae-zelandiae a insi que d'autres espèces de plantes
carnivores, et noter leurs variétés. On a signalé récemment la découverte de Nepenthes
mirabilis (Philips et Lamb, 1988).
Ce séjour fut fantastique avec un bel amalgame de volcans actifs, roches
ultramafiques, couchers de soleil tropicaux et plantes carnivores.
Références :
Remerciements :
Ce voyage n'aurait pas été possible sans mon père qui s'intéresse activement à
tant de choses. J'adresse mes remerciements à Peter Abell, précédemment aux Royal
Botanic Gardens de Sydney ; à Tanquy Jaffre de l'ORSTOM et, tout particulièrement, à M.
Boulet et son fils Frédéric.
Je voudrais aussi remercier Ken Harper et Richard Tilbrooke pour leurs suggestions
concernant le texte.
Conseils pratiques
Une autorisation est nécessaire pour collecter des échantillons botaniques en
Nouvelle-Calédonie.
Pour l'obtenir, contacter :
Monsieur Boulet Pour consulter l'herbier de l'ORSTOM, contacter :
Monsieur Tanguy Jaffre
Remarque :
Les graines des quatre N. vieillardii ont été distribuées à plusieurs amateurs
d'Australie et Nouvelle-Zélande. Elles étaient encore viables et ont germé
aisément, les plantules ayant des feuilles étrangement larges en comparaison
d'autres espèces avec des bords grossièrement dentelés (A. Lowrie comm. pers. 1991).
Espérons que l'identité de la plante mère aura bien été conservée et que des plants
issus de ces graines seront disponibles pour d'autres amateurs.
*
Dans le texte, l'adjectif "pourpre" doit être pris avec beaucoup de
réserve. Le terme anglais "purple" pouvant signifier: violet, cramoisi,
pourpre ...
A quand un codage international (numérique ?) des couleurs ?
Le "flou artistique" de certains mots sied à la littérature, à la poésie, mais les
descriptions botaniques ne souffrent pas ces ambiguïtés.
DIONÉE 29 - 1993
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