PLANTES CARNIVORES DANS LES ENVIRONS DE SAO PAULO (BRESIL)

(F. Rivadavia - Traduction de P. Sibille)



La cité de Sào Paulo, capitale de l'état de Sào Paulo et la plus grande ville d'Amérique du Sud, fut fondée il y a 438 ans sur un plateau d'environ 800m d'altitude de la chaîne de montagnes proche de la côte sud-est du Brésil. Au cours des dernières décennies, la ville subit une importante industrialisation qui catapulta la population à 15 millions d'habitants.


La flore originelle de Sào Paulo était une sorte particulière de forêt humide appelée "forêt humide atlantique" qui couvrait une grande partie de la côte brésilienne, mais qui, de nos jours, est réduite à 5% de son ancienne étendue (à la différence de la forét amazonienne encore intacte à plus de 80 %). Il y a encore beaucoup de forêts humides autour de la ville et l'on n'a pas à aller loin pour en voir et s'y promener. La banlieue de Sao Paulo, près de ces forêts humides, est un excellent endroit pour la colonisation par les plantes carnivores indigènes, car les arbres ont été abattus mais le "progrès" n'a pas encore complètement occupé le terrain. Toutefois les plantes carnivores ont besoin de temps pour s'installer et prospérer, et ne se trouvent qu'aux endroits défrichés depuis plusieurs décennies. J'ai découvert trois principales catégories d'habitats, examinées ci-après:


LE PREMIER TYPE D'HABITAT consiste en un talus bordant des routes ou des voies ferrées coupant des collines. Mais les plantes carnivores ne peuvent bien pousser sur n'importe quel versant car notre sol rougeâtre se dessèche sans un continuel apport d'eau. L'habitat favorable ne se trouve que près des sommets de la chaine côtière (où ceux-ci se raccordent au plateau sur lequel se situe Sào Paulo) en raison du fait que les vents humides venant de l'océan s'y heurtent et y répandent l'essentiel de leurs pluies. Aussi, cette région est-elle plus humide que le plateau. Quand les pluies sont moins abondantes, généralement en hiver et au printemps, le seul apport d'eau provient de l'épais brouillard qui se forme presque chaque nuit. J'ai marché le long de deux sections de voies ferrées, près de la ville de Parelheiros, où Drosera communis s'est révélé plus que commun sur les talus près des rails, poussant parmi les herbes. Les feuilles rougeâtres sont soit prostrées (semblables à D. spatulata), soit demi-érigées (comme D. intermedia) et atteignent 2,5cm de long. La hampe florale, mince et fragile, atteint 20cm et généralement porte jusqu'à quatre fleurs lilas ou lilas pâle, presque blanches. Pour quelque raison, D. villosa est loin d'être aussi abondant que D. communis et une recherche plus minutieuse est nécessaire pour découvrir ses rosettes compactes, d'un rouge intense, mesurant environ 4cm de diamètre


D. villosa varie beaucoup d'un site à l'autre aux environs de Sào Paulo, mais I'inflorescence est la même; une hampe de 20 à 30cm portant de nombreuses fleurs roses.


D. communis est plus uniforme dans les stations que je connais. Alors que D. villosa fleurit de septembre à janvier, D. communis fleurit pendant presque toute l'année, quoique surtout en décembre et janvier.


Paranapiacaba est une autre ville près des sommets de montagnes côtières, fondée il y a environ cent ans par des anglais qui construisaient un chemin de fer descendant vers le port de Santos pour l'exportation de notre café. J'ai trouvé les deux mémes droseras (poussant parmi une végétation un peu plus dense qu'à Parelheiros) le long de la voie ferrée traversant Paranapiacaba et près de quelques routes voisines. D. communis est moins commun, n'ayant été trouvé que dans une zone mi-ombragée près d'une route avec des rosettes prostrées, vertes, atteignant 3cm de diamètre. D. villosa n'est que légèrement rougeâtre, généralement entre 3 et 6cm de diamètre mais pouvant atteindre 9,5cm. Cette sorte d'habitat est généralement trop sec pour les utriculaires, mais Utricularia subulata peut être vu dans des sites plus humides aux environs de Paranapiacaba. L'espéce aquatique U. foliosa a été trouvee dans deux mares artificielles prés de Paranapiacaba où la surface de l'eau est couverte de ses fleurs jaunes en automne. Un joli spectacle !


Le dernier versant de colline que j'ai vu est un peu plus éloigné de Sào Paulo. Un chemin de terre fut créé entre la ville portuaire de Caraguatatuba et la cité de Salesopolis (au sommet de la chaine côtière) pour la maintenance d'un oléoduc qui va jusqu'à Sào Paulo. La route traverse une belle forêt humide, bien préservée qui pour elle-même mérite le voyage. Mais un autre motif pour y aller est de voir le géant D. villosa poussant sur quelques rares talus proches de la route, quelque part entre 600 et 700m d'altitude. Je ne suis allé là qu'une seule fois, en hiver, parce que les pluies d'été rendent le voyage sur cette route dangereux ou même impossible. Les feuilles rougeâtres du Drosera sont disposées en rosette lâche entre 7 et 10cm, mais pouvant atteindre 13cm de diamètre (un ami prétend en avoir vu mesurant 15cm, peu d'années auparavant).


Utricularia reniformis pousse parmi les mousses aux endroits où suinte l'eau sur les flancs de la montagne; c'est là aussi que se trouvent les plus grands D. villosa.


LE SECOND TYPE D'HABITAT est représenté par un seul marais que j'ai trouvé dans la ceinture verte de Sào Paulo où l'eau s'accumale entre les collines, au milieu de petites fermes. J'ai vu de tels sites marécageux en quelques endroits lors de mes voyages au travers du Brésil, mais j'ai seulement eu la chance d'en explorer un, près de Sào Paulo où j'ai trouvé une foule de D. communis rougeâtres sur le bord du marais. A l'ombre dense des herbes en certains endroits, D. communis peut être verdâtre et complètement prostré.

Un peu plus près du centre du marécage, U. praelonga, aux fleurs jaune d'or pousse en s'entremêlant avec de hautes herbes, les feuilles et les hampes florales pouvant atteindre 90cm !


LE TROISIEME TYPE D'HABITAT se trouve le long d'une route construite il y a quelques années, appelée Caminho do Mar, qui descend de Sào Paulo vers Santos, traversant le lac d'un barrage hydroélectrique. Comme dans le premier site décrit, les plantes carnivores ont été trouvées seulement dans la région proche des sommets de la chaîne côtière, où le lac forme des bras à côté de la route. Cet endroit est vaste et offre plus à explorer que je ne demande. C'est le plus grand et le plus riche site de plantes carnivores que j'aie vu à proximité de Sào Paulo. Les plantes y sont très communes, poussant sur terrain argilo-sableux, gris clair, près de la route, généralement où l'eau suinte du sol. J'ai trouvé U. hispida, V. nana, U. nervosa, U. reniformis, U. subulata, U. tricolor, et D. villosa (tout comme une "mauvaise herbe"). Lors d'une récente promenade en cet endroit, à la mi-janvier 1992, je découvris les deux plus grandes colonies de D. villosa que j'aie vues, avec des plantes aux hampes florales de 46cm. Les D. villosa à Caminho do Mar sont d'une vive couleur rouge pourpre, avec des feuilles étroites formant une rosette ayant en général 5 à 8cm mais pouvant atteindre 12cm. Les jeunes feuilles de cette espèce sont habituellement semi-érigées, mais à C. Do Mar, cette particularité est plus accentuée et certaines plantes ressemblent à des demi-sphères de feuilles "tentaculées". Utricularia nana, U. nervosa, U. subulata et U. tricolor sont les plus répandus dans les zones plus humides. Tout prés, U. reniformis avec ses épais stolons blancs peut être trouvé, poussant dans le sphagnum. U. hispida croît dans des endroits plus secs parmi les herbes. La plupart d'entre vous ne connaissent que trop bien U. subulata avec ses jolies fleurs jaunes qui devient vite "casse-pieds", envahissant chaque pot de votre collection.


U. nana a de minuscules fleurs jaones sur des pédoncules d'environ 2cm et des feuilles ressemblant à celles d'U. subulata, mais plus larges. U. nervosa a des fleurs jaune vif sur des hampes de 35cm et des feuilles légérement plus longues que celles d'U. subulata. U. tricolor, aux fleurs de pourpre à lilas sur hampes atteignant 30cm, a des feuilles arrondies de 4cm de longueur et 2cm de large.


Autrement que sur sphagnum, U. reniformis pousse en situations ouvertes et ensoleillées qui semblent être trop sèches pour d'autres plantes carnivores et, assez étrangement, aussi à l'ombre d'arbustes avec des broméliacées parmi des feuilles mortes, étant même légèrement recouvert d'eau. Les sujets les plus grands se trouvent dans cet endroit ombragé, les pétioles atteignant 30cm et le limbe des feuilles 15cm de diamètre.


Comme U. praelonga, U. hispida a de longues feuilles fines qui sont presque impossibles à distinguer parmi les herbes. Les fleurs sont d'un jaune terne à un blanc sale sur des hampes atteignant 40cm. A l'endroit où la route Caminho do Mar commence à descendre vers Santos, U. reniformis et D. villosa poussent dans un habitat ressemblant à ceux de Paranapiacaba.


Bien que D. villosa soit plus petit que sur sol argilo-sableux, n'atteignant qu'en viron 7cm de diamètre, ii conserve les caractéristiques feuilles étroites. Quand mon ami Randy Lamb fut arrivé ici en janvier 1991, nous trouvâmes une mare près de la route Caminho do Mar où Utricularia gibba poussait en touffes à la surface de l'eau.


Il y a encore une ou deux espèces de plantes carnivores qui ont été mentionnées pour la région de Sào Paulo mais que je n'ai pas encore trouvées. Beaucoup d'espèces ont été collectées il y a plusieurs décennies et ont probablement disparu depuis. Par exemple, Genlisea repens fut trouvé il y a près d'un siècle, là où d'imposants gratte-ciel bordent la plus importante avenue de Sào Paulo ! Toutefois, vous verrez que tous les habitats de plantes carnivores cités dans cet article ont été créés par l'homme. Je n'ai pas encore pu trouver de sites naturels dans les alentours de Sào Paulo. Ainsi, le progrès s'est trouvé être bon pour les plantes carnivores autour de la ville de Sào Paulo, ouvrant de nombreux espaces pour leur propagation.


DIONÉE 26 - 1992