MONT DORE
Cette montagne côtière, située à l'Est de Nouméa, visible de nombreux endroits
de la ville est composée de roches ultramafiques (hartzburgite et serpentinite)
dans lesquelles ont été creusées des mines de chrome (Paris, 1981). Les plantes
carnivores présentes dans cette végétation de "maquis" sont Nepenthes vieillardii,
D. neocaledonica et U. uliginosa. Je les ai toutes trouvées, à l'exception
de N. vieillardii, ce qui est regrettable car les plantes signalées sur ce site
présentent les colorations les plus spectaculaires (Jones et Wilson, 1987). Les
autres espèces poussent abondamment sur un site riche en suintements d'eau,
près d'une "sealed road": route bitumée sur le versant est de la montagne. D.
neocaledonica se trouve également plus haut sur le Mont Dore, sur un sol sec,
mais difficilement trouvable car les couleurs de la plante se confondent parfaitement
avec le sol rougeâtre riche en oxyde de fer. Ces bords de routes
humides se situent au Sud d'une petite bifurcation de la route Nouméa-Plum,
immédiatement en dessous de "Fontane Col de Plum", à une altitude de 88m. Je
suppose que l'eau qui affleure abondamment à cet endroit provient de réserves
emmagasinées dans des roches ultramafiques poreuses. Lors de chacune de mes
visites, de nombreux habitants (locaux) s'arrêtaient pour remplir des bouteilles
d'eau. Dans le caniveau au bord de la route, U. uliginosa était en pleine floraison,
avec de fines et gracieuses tiges à plusieurs fleurs hautes de 12cm, les
petites feuilles comme de l'herbe atteignent 5mm de long. Cette espèce pousse
sur le bas-côté horizontal et s'étend au pied du talus bordant la route. Elle est
plus belle sur un sol très humide, généralement parmi de l'herbe, sous une fine
épaisseur d'eau. D. neocaledonica se trouve sur les parties hautes du talus de
bord de la route et un peu plus haut sur le versant; partout, la plante pousse
à des endroits couverts par une fine couche d'eau courante. Cette espèce
semble tirer avantage des excavations creusées lors de la construction de la
route et s'est installée sur une grande partie des surfaces rocheuses. Les
plantes forment des rosettes plates, plaquées au sol, atteignant 4cm de diamètre.
Quelques-unes produisaient des tiges florales et l'une des premières
fleurs de la saison montrait ses pétales blancs le 6/1/1989. De nombreuses
plantes portaient encore les restes de tiges mortes, plus aucune ne contenant de
graines. Ces plantes étaient les seules que nous devions trouver avec des tiges
florales. Mon père et moi explorâmes un site sur le flanc Nord-Est du Mont Dore
en recherchant sans succès N. vieillardii. Des mines avaient été récemment
exploitées sur ce site et les routes sont maintenant pratiquement impraticables
en raison de l'érosion due â la destruction de la couverture végétale. Nous
avons exploré surtout les ravins et rigoles, un habitat apprécié par ce
Nepenthes d'après nos observations au Mont Koghi, mais la plante resta introuvable.
Nous trouvâmes par contre D. neocaledonica poussant en petits groupes
groupes entre des buissons bas dispersés. Les plantes étaient de couleur très
rouge, jusqu'à 5cm de diamètre, avec des petites feuilles dressées sur des tiges
atteignant 7cm de haut.
LA RIVE SUD DU LAC YATE
Le Lac Yaté est le plus grand lac (artificiel) de l'île, situe a l'Est de Nouméa, et,
d'après Jones et Wilson ( 1987), les trois espèces mentionnées ci-dessus s'y
trouvent. Comme au Mont Dore, je trouvai seulement D. neocaledonica et U.
uliginosa. Sur une grande partie du trajet, la végétation du bord de route
présentait une sorte de bambou grimpant présentant une ressemblance certaine
avec N. vieillardii si bien qu'il monopolisait mon attention tout au long du
voyage. Bien que toute cette région soit pleine de promesses en matière de
plantes carnivores, les premières que nous trouvâmes étaient au bord de la
première anse du lac sur la route de Yaté. J'ai suivi jusqu'à environ 200m de la
route une crique jusqu'au rivage du lac et suis tombé sur 5 plantes de D.
neocaledonica sur un sol très humide, à peine au-dessus du niveau de l'eau. Les
plantes étaient rouges, sans fleurs et poussaient sur des petites touffes en
compagnie d'une herbe épineuse, mais les plus belles plantes, je devais les
trouver plus loin. je passais tant de temps à les observer que ma famille s'impatienta
et je dus restreindre mes explorations. La route se dirige alors au travers
des collines avant de suivre le bord du lac. Elle serpente encore deux fois entre
les collines avant de rejoindre Point Barre ; à l'Est de ce promontoire, se forme
une étroite mais importante baie. La route autour de cette baie est une piste,
c'est la seule portion de cette route. A l'époque de notre visite, un pont était en
construction a l'entrée de la baie, et est certainement terminé depuis un an au
moment où j'écris ces lignes. C'est dommage car il évite le passage dans l'un des
sites les plus intéressants que j'aie trouvés sur l'île. Le site a l'extrémité de la
baie, et de part et d'autre d'une rivière qui débouche là montre une flore très
étonnante. Elle comprend plusieurs Araucarias bizarres aussi bien que D.
neocaledonica et U. uliginosa. La flore contraste sur un sol rouge avec des roches
parsemées de fer et d'oxyde de manganèse qui ajoutent encore à la désolation du
paysage. Ce site parait bien pauvre si vous n'êtes pas passionné par les plantes
carnivores ! A l'extrémité de la baie, la route pénètre un peu dans les terres et
contourne par le Nord un grand marécage (de quelques kilomètres carrés) qui
alimente Creek Pernod. Autant D. neocaledonica que U. uliginosa sont abondants
dans ce marécage, sur les terres émergentes saturées d'eau ou sous quelques cm
d'eau.
Je trouvai également D. neocaledonica sur des sols plus secs aux alentours
du marécage. Les plantes étaient extrêmement rouges et atteignaient 7cm de
diamètre. Aucune n'avait de jeunes tiges florales, mais nombreuses étaient celles
qui portaient les tiges de la dernière saison de floraison, qui comme partout
ailleurs avaient depuis longtemps perdu leurs graines. Par contre, U. uliginosa
était en pleine floraison, avec des feuilles de seulement 5mm de long. Je n'ai pas
trouvé la forme à grandes feuilles mentionnée par Jones et Wilson (1987). J'ai
regretté de ne pas disposer de plus de temps pour explorer ce site, car il se mit
à pleuvoir. Si l'occasion se présente d'y retourner, je me munirai d'une paire de
bottes en caoutchouc pour l'explorer plus consciencieusement. En continuant vers
l'Est, la route traverse Creek Pernod. Sur le versant Ouest de la vallée, j'ai
trouvé D. neocaledonica. L'habitat était semblable a ceux précédemment visités
plus haut sur le Mont Dore: un sol sec et rouge avec des buissons dispersés.
Les Droséras se trouvaient en petits groupes isolés entre des buissons et avaient
des tiges de 7cm de haut. De nombreuses plantes parmi les plus hautes formaient
de jeunes rosettes au pied. Je ne trouvai de plantes carnivores nulle part ailleurs
le long de la route mais sans nul doute il en existe d'autres sites. La zone autour
de Yaté est très belle et verte, les montagnes côtières et les plaines alentour sont
couvertes de forêts humides dans lesquelles poussent des espèces de Nothofagus
ou hêtre du Sud. Ces arbres sont intéressants par le fait que leur Genre a une
distribution correspondant au Gondwana, si bien qu'ils se trouvent également en
Australie, Nouvelle Zélande et Amérique du Sud, ils existaient avant la fracture
de la plaque continentale. Au Sud du Lac Yaté, se trouve une région intéressante
appelée Plaine des Lacs, une région de lacs et de marais. Un tel site est idéal
pour toutes les espèces de plantes carnivores de l'île. Lors d'une précédente
visite sur l'île en 1982, je me souviens de petites plantes rouges en rosettes sur
la route entre Boulopari et Thio. Elles poussaient sur les rochers lorsque la route
traversait de nombreuses criques, c'était peut-être D. neocaledonica mais je ne
peux l'affirmer. La végétation de Nouvelle Calédonie est très intéressante, c'est
un héritage de son histoire géologique. Environ un tiers de l'île est recouvert de
roches ultramafiques déficientes en de nombreux éléments nécessaires aux plantes,
et les sols présentent donc un déséquilibre minéral. La présence de plantes carnivores
n'y est pas surprenante, pas plus que les espèces présentes qui sont
proches de celles trouvées en Nouvelle Guinée, Australie et Nouvelle Zélande. Le
moment auquel ces plantes ont conquis l'île n'est toujours pas connu avec précision.
Tout ceci fait de la Nouvelle Calédonie un site fantastique a Visiter Je
retournerai en Nouvelle Calédonie d'ici 1991. J'envisage de revisiter au moins
certains de ces sites, prendre beaucoup de photos et écrire un article. J'espère
que cela permettra a ceux qui le souhaitent de visiter l'île et de voir les plantes
carnivores dans leur habitat.
INFORMATIONS UTILES
Contrairement au bush australien, il
y a peu d'animaux venimeux. Les plus dangereux sont les serpents de mer qui ne
présentent pas de menace puisqu'ils ne se trouvent pas à l'intérieur des terres. Il
n'y a ni sangsues ni serpents de terre. Les plus grosses fourmis font seulement
5mm. Les insectes les plus ennuyeux sont des moucherons piqueurs (suceurs de
sang) en essaims, nous les avons rencontrés uniquement sur le Mont Koghi juste
après le passage du cyclone tropical Delilah.
Une herbe à graines à crampons
pousse sur Amédée Island (un centre touristique). Tout ceci est bien insuffisant
pour décourager les marches dans le maquis à la recherche de plantes carnivores
!
L'Office de la Recherche Scientifique et Technique Outre-Mer (ORSTOM) est la
principale organisation scientifique de l'île. Parmi d'autre choses, il étudie la vie
végétale de l'île et a un herbarium. Il se trouve sur le Boulevard Anse Vata, à 5
minutes de marche de l'Hôtel île de France.
REFERENCES:
DIONÉE 25 - 1992
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