PLANTES CARNIVORES DE NOUVELLE CALEDONIE (2nde partie)

(R. Gibson)


Drosera neocaledonica

Photo : Serge Lavayssière


MONT DORE

Cette montagne côtière, située à l'Est de Nouméa, visible de nombreux endroits de la ville est composée de roches ultramafiques (hartzburgite et serpentinite) dans lesquelles ont été creusées des mines de chrome (Paris, 1981). Les plantes carnivores présentes dans cette végétation de "maquis" sont Nepenthes vieillardii, D. neocaledonica et U. uliginosa. Je les ai toutes trouvées, à l'exception de N. vieillardii, ce qui est regrettable car les plantes signalées sur ce site présentent les colorations les plus spectaculaires (Jones et Wilson, 1987). Les autres espèces poussent abondamment sur un site riche en suintements d'eau, près d'une "sealed road": route bitumée sur le versant est de la montagne. D. neocaledonica se trouve également plus haut sur le Mont Dore, sur un sol sec, mais difficilement trouvable car les couleurs de la plante se confondent parfaitement avec le sol rougeâtre riche en oxyde de fer. Ces bords de routes humides se situent au Sud d'une petite bifurcation de la route Nouméa-Plum, immédiatement en dessous de "Fontane Col de Plum", à une altitude de 88m. Je suppose que l'eau qui affleure abondamment à cet endroit provient de réserves emmagasinées dans des roches ultramafiques poreuses. Lors de chacune de mes visites, de nombreux habitants (locaux) s'arrêtaient pour remplir des bouteilles d'eau. Dans le caniveau au bord de la route, U. uliginosa était en pleine floraison, avec de fines et gracieuses tiges à plusieurs fleurs hautes de 12cm, les petites feuilles comme de l'herbe atteignent 5mm de long. Cette espèce pousse sur le bas-côté horizontal et s'étend au pied du talus bordant la route. Elle est plus belle sur un sol très humide, généralement parmi de l'herbe, sous une fine épaisseur d'eau. D. neocaledonica se trouve sur les parties hautes du talus de bord de la route et un peu plus haut sur le versant; partout, la plante pousse à des endroits couverts par une fine couche d'eau courante. Cette espèce semble tirer avantage des excavations creusées lors de la construction de la route et s'est installée sur une grande partie des surfaces rocheuses. Les plantes forment des rosettes plates, plaquées au sol, atteignant 4cm de diamètre. Quelques-unes produisaient des tiges florales et l'une des premières fleurs de la saison montrait ses pétales blancs le 6/1/1989. De nombreuses plantes portaient encore les restes de tiges mortes, plus aucune ne contenant de graines. Ces plantes étaient les seules que nous devions trouver avec des tiges florales. Mon père et moi explorâmes un site sur le flanc Nord-Est du Mont Dore en recherchant sans succès N. vieillardii. Des mines avaient été récemment exploitées sur ce site et les routes sont maintenant pratiquement impraticables en raison de l'érosion due â la destruction de la couverture végétale. Nous avons exploré surtout les ravins et rigoles, un habitat apprécié par ce Nepenthes d'après nos observations au Mont Koghi, mais la plante resta introuvable. Nous trouvâmes par contre D. neocaledonica poussant en petits groupes groupes entre des buissons bas dispersés. Les plantes étaient de couleur très rouge, jusqu'à 5cm de diamètre, avec des petites feuilles dressées sur des tiges atteignant 7cm de haut.

Carte

LA RIVE SUD DU LAC YATE

Le Lac Yaté est le plus grand lac (artificiel) de l'île, situe a l'Est de Nouméa, et, d'après Jones et Wilson ( 1987), les trois espèces mentionnées ci-dessus s'y trouvent. Comme au Mont Dore, je trouvai seulement D. neocaledonica et U. uliginosa. Sur une grande partie du trajet, la végétation du bord de route présentait une sorte de bambou grimpant présentant une ressemblance certaine avec N. vieillardii si bien qu'il monopolisait mon attention tout au long du voyage. Bien que toute cette région soit pleine de promesses en matière de plantes carnivores, les premières que nous trouvâmes étaient au bord de la première anse du lac sur la route de Yaté. J'ai suivi jusqu'à environ 200m de la route une crique jusqu'au rivage du lac et suis tombé sur 5 plantes de D. neocaledonica sur un sol très humide, à peine au-dessus du niveau de l'eau. Les plantes étaient rouges, sans fleurs et poussaient sur des petites touffes en compagnie d'une herbe épineuse, mais les plus belles plantes, je devais les trouver plus loin. je passais tant de temps à les observer que ma famille s'impatienta et je dus restreindre mes explorations. La route se dirige alors au travers des collines avant de suivre le bord du lac. Elle serpente encore deux fois entre les collines avant de rejoindre Point Barre ; à l'Est de ce promontoire, se forme une étroite mais importante baie. La route autour de cette baie est une piste, c'est la seule portion de cette route. A l'époque de notre visite, un pont était en construction a l'entrée de la baie, et est certainement terminé depuis un an au moment où j'écris ces lignes. C'est dommage car il évite le passage dans l'un des sites les plus intéressants que j'aie trouvés sur l'île. Le site a l'extrémité de la baie, et de part et d'autre d'une rivière qui débouche là montre une flore très étonnante. Elle comprend plusieurs Araucarias bizarres aussi bien que D. neocaledonica et U. uliginosa. La flore contraste sur un sol rouge avec des roches parsemées de fer et d'oxyde de manganèse qui ajoutent encore à la désolation du paysage. Ce site parait bien pauvre si vous n'êtes pas passionné par les plantes carnivores ! A l'extrémité de la baie, la route pénètre un peu dans les terres et contourne par le Nord un grand marécage (de quelques kilomètres carrés) qui alimente Creek Pernod. Autant D. neocaledonica que U. uliginosa sont abondants dans ce marécage, sur les terres émergentes saturées d'eau ou sous quelques cm d'eau. Je trouvai également D. neocaledonica sur des sols plus secs aux alentours du marécage. Les plantes étaient extrêmement rouges et atteignaient 7cm de diamètre. Aucune n'avait de jeunes tiges florales, mais nombreuses étaient celles qui portaient les tiges de la dernière saison de floraison, qui comme partout ailleurs avaient depuis longtemps perdu leurs graines. Par contre, U. uliginosa était en pleine floraison, avec des feuilles de seulement 5mm de long. Je n'ai pas trouvé la forme à grandes feuilles mentionnée par Jones et Wilson (1987). J'ai regretté de ne pas disposer de plus de temps pour explorer ce site, car il se mit à pleuvoir. Si l'occasion se présente d'y retourner, je me munirai d'une paire de bottes en caoutchouc pour l'explorer plus consciencieusement. En continuant vers l'Est, la route traverse Creek Pernod. Sur le versant Ouest de la vallée, j'ai trouvé D. neocaledonica. L'habitat était semblable a ceux précédemment visités plus haut sur le Mont Dore: un sol sec et rouge avec des buissons dispersés. Les Droséras se trouvaient en petits groupes isolés entre des buissons et avaient des tiges de 7cm de haut. De nombreuses plantes parmi les plus hautes formaient de jeunes rosettes au pied. Je ne trouvai de plantes carnivores nulle part ailleurs le long de la route mais sans nul doute il en existe d'autres sites. La zone autour de Yaté est très belle et verte, les montagnes côtières et les plaines alentour sont couvertes de forêts humides dans lesquelles poussent des espèces de Nothofagus ou hêtre du Sud. Ces arbres sont intéressants par le fait que leur Genre a une distribution correspondant au Gondwana, si bien qu'ils se trouvent également en Australie, Nouvelle Zélande et Amérique du Sud, ils existaient avant la fracture de la plaque continentale. Au Sud du Lac Yaté, se trouve une région intéressante appelée Plaine des Lacs, une région de lacs et de marais. Un tel site est idéal pour toutes les espèces de plantes carnivores de l'île. Lors d'une précédente visite sur l'île en 1982, je me souviens de petites plantes rouges en rosettes sur la route entre Boulopari et Thio. Elles poussaient sur les rochers lorsque la route traversait de nombreuses criques, c'était peut-être D. neocaledonica mais je ne peux l'affirmer. La végétation de Nouvelle Calédonie est très intéressante, c'est un héritage de son histoire géologique. Environ un tiers de l'île est recouvert de roches ultramafiques déficientes en de nombreux éléments nécessaires aux plantes, et les sols présentent donc un déséquilibre minéral. La présence de plantes carnivores n'y est pas surprenante, pas plus que les espèces présentes qui sont proches de celles trouvées en Nouvelle Guinée, Australie et Nouvelle Zélande. Le moment auquel ces plantes ont conquis l'île n'est toujours pas connu avec précision. Tout ceci fait de la Nouvelle Calédonie un site fantastique a Visiter Je retournerai en Nouvelle Calédonie d'ici 1991. J'envisage de revisiter au moins certains de ces sites, prendre beaucoup de photos et écrire un article. J'espère que cela permettra a ceux qui le souhaitent de visiter l'île et de voir les plantes carnivores dans leur habitat.


INFORMATIONS UTILES

  • Langue officielle: Français, mais l'anglais est parlé dans tous les centres touristiques.

  • Monnaie: Francs français du Pacifique.

  • Tous les véhicules roulent à droite.

  • Saison des cyclones: du 15 novembre au 15 mars.

  • Un visa est obligatoire (pour l'auteur australien), il est de courte validité aussi demandez-le peu de temps avant votre départ.

  • Ouverture des commerces: de 8h à 11h30 et de 14h30 a 17h30.

  • Electricité: 110 ou 220 volts.

  • Les boutiques vendent des produits locaux et des produits européens.

  • A partir de 6h30 le matin, on peut trouver tous les jours des pâtisseries fraîches qui font un excellent petit déjeuner.

  • La seule source de lait frais près de Nouméa (à ma connaissance) est la Mission St. Louise, entre Nouméa et Mt. Dore.

  • Les appels téléphoniques pour l'Australie sont coûteux, si possible appelez en P.C.V.

  • Les cartes topographiques sont disponibles aux Services Topographiques. Une carte noir et blanc coûte 500francs (environ 6A$ ou 30F français).

  • Les informations géologiques peuvent être obtenues au service des mines où il y a une belle exposition de minéraux.

  • Tous ces offices départementaux se situent sur la Route territoriale, Vallée du Tir, Nouméa. Les heures d'ouverture sont de 7h30 à 11h30 et de 12h15 à 16h.

Contrairement au bush australien, il y a peu d'animaux venimeux. Les plus dangereux sont les serpents de mer qui ne présentent pas de menace puisqu'ils ne se trouvent pas à l'intérieur des terres. Il n'y a ni sangsues ni serpents de terre. Les plus grosses fourmis font seulement 5mm. Les insectes les plus ennuyeux sont des moucherons piqueurs (suceurs de sang) en essaims, nous les avons rencontrés uniquement sur le Mont Koghi juste après le passage du cyclone tropical Delilah.

Une herbe à graines à crampons pousse sur Amédée Island (un centre touristique). Tout ceci est bien insuffisant pour décourager les marches dans le maquis à la recherche de plantes carnivores !

L'Office de la Recherche Scientifique et Technique Outre-Mer (ORSTOM) est la principale organisation scientifique de l'île. Parmi d'autre choses, il étudie la vie végétale de l'île et a un herbarium. Il se trouve sur le Boulevard Anse Vata, à 5 minutes de marche de l'Hôtel île de France.


REFERENCES:

  • Brothers, R.N. and Lille, A.R. (1988): "Regional Geology of New Caledonia" in the Ocean Bassins and Margin Vol 7B: The Pacific Ocean. Edité par Nairn, Alan et al. Plenum Press NY pp 327-369.
  • Danser, B.H. (1928): "The Nepenthaceae of the Netherlands Indies. dans le Bulletin Jardin Botanique Buitenzong Series 3 Vol 9, Livres 3-4 pp 249-438.
  • Degreef, John D. (1989): "Early History of Drosera and Drosophyllum" dans Carnivorous Plant Newsletter, Vol 18 N°3 pp 86-89.
  • Jones, Peter and Wilson, Marc (1987) : "A field trip to New Caledonia" dans Carnivorous Plant Newsletter, Vol 16 N°3 99 74-82.
  • Paris, Jean-Pierre (1981) : Géologie de la Nouvelle Calédonie - Un essai de synthèse. Mémoire du B. R. G. M. N°113.
  • Schmid, Maurice (1981): Fleurs et Plantes de Nouvelle Calédonie. Times Edition.
  • Schnell, Donald E ( 1976): Carnivorous Plants of the United States and Canada, Blaire.
  • Slack Adrian (1986): Insect-eating Plants and How to Grow Them, Alphabooks, England.
  • Taylor, Peter (1989): Kew Bulletin Additional Series XIV. The Genus Utricularia - A Taxonomic .Monograph. Her Majesty's Stationery Office, London.
  • White, Mary E.: The greening of Gondwana - the 400 million year story of Australia's plants, Reed.


DIONÉE 25 - 1992