PLANTES CARNIVORES DE CARAÇA (Brésil)

(F. Rivadavia - Traduction P. Sibille)



En 1708, des chercheurs d'or et de pierres précieuses dans les inhospitalières hautes terres et forêts de Minas Gerais (une partie de l'actuel Brésil), traversèrent une montagne dont le contour évoquait un visage humain et qu'ils appelèrent "Caraça" (Grand visage. en portugais). En 1820, 11200 hectares de terres, désignés ainsi, et comportant la montagne à face humaine, furent donnés à des Lazaristes, en même temps qu'un sanctuaire bâti dans cette région par un prêtre ermite. Actuellement, ce sanctuaire est géré comme un petit hôtel très simple.


Mon Lycée organise des excursions vers Caraça pour les grandes classes, ceci depuis plusieurs années et, du 14 au 19 mai 1990, ce fut mon tour d'y aller. Il y a 10 heures de car entre Sao Paulo et Caraça. Nous arrivâmes dans la nuit du 14. Du 15 au 18 mai, nous avons parcouru de 10 à 15km à pied chaque jour, allant voir les cascades, escaladant les montagnes, et même remontant le courant d'une petite rivière sur 3km, avec de l'eau glaciale parfois jusqu'à la poitrine !


A la fin de juillet 1990, I'un de mes amis, Mauricio, qui collectionne comme moi les plantes carnivores, est allé, lui aussi, au Caraça. L'un et l'autre nous avons pu trouver douze espèces de plantes carnivores: Drosera graminifolia, D. montana "pink flower", une espèce de Genlisea, Utricularia neottioides, U. pubescens, U. subulata, et six autres espèces d'utriculaires que nous n'avons pu encore identifier à coup sûr. Mauricio retournera à Caraça en novembre 1990 lorsque de nombreuses utriculaires seront en fleurs, ce qui nous aidera à déterminer les espèces déjà rencontrées et aussi permettra peut-être d'en découvrir d'autres.


Caraça est un paradis pour les botanistes. A une altitude variant entre 750 et 2100m, Caraça est situé dans une zone de transition entre les forêts tropicales humides de la région côtière et la végétation de savane typique du centre Brésil; d'où une grande diversité dans la faune et la flore pour une contrée relativement petite. Auguste Saint-Hilaire (en 1816) et Von Martius (en 1818) vinrent au Caraça pour y collectionner des échantillons de la flore et de la faune locales durant leurs voyages au Brésil et dans le reste de l'Amérique du Sud. Cette région reçoit de fortes précipitations en été (de décembre à février) alors que les mois d'hiver (juin à août) sont plus secs.


Voici une description des habitats où nous avons trouvé chaque espèce:


  • Drosera graminifolia: Cette plante a été trouvée en une station, à environ 1900m prés du sommet d'une montagne où l'eau des sources dévale sur des murailles rocheuses et des tapis de sphagnum. Nous avons observé de grands spécimens de D. graminifolia, poussant çà et là, avec des feuilles atteignant 25cm de haut. Le pH de l'eau est de 6,5 alors que le sphagnum a un pH de 4,5. Quelques mètres plus haut, s'étend un replat. De grandes quantités de D. graminifolia forment un tapis de feuilles mortes (épais de 5 à 10cm) sur le sol sableux.

    Ces plantes ont poussé plus dru que celles croissant sur sphagnum et elles ont fleuri 3 ou 4 mois avant que je les observe (en mai). Les hampes florales étaient assez robustes et ligneuses, atteignant 35cm de haut. La plupart des graines avaient déjà été dispersées. Evidemment, et malheureusement, je ne pus voir de plantes fleuries, mais Mauricio a observé cette espèce en fleur dans une station a Diamantina (environ 200km au nord de Caraça). Il dit que les fleurs sont rose pâle et très grandes. Au sommet de cette montagne où nous trouvâmes D. graminifolia, les températures d'été varient de 20° à 40°C et celles d'hiver de O à 18°C, au soleil.



  • Drosera montana "à fleur rose". Cette espèce est très commune dans la région. Nous avons trouvé sept stations différentes variant en altitude entre 1250 et 1400m, toujours sur les bords des ruisseaux, sur des sols où sable et argile se mélangent en proportions variées. A certains endroits, au sable et à l'argile, s'ajoutent des cendres résultant des feux de broussailles très fréquents dans la région. D. montana a des feuilles d'un rouge vif quand la plante est pleinement exposée au soleil et elle peut former d'épaisses rosettes atteignant 4cm de diamètre. Dans la plupart des stations, les plantes développaient leurs hampes florales mais il n'y avait pas encore de fleurs. Cette espèce fut toujours trouvée en compagnie d'une ou plusieurs espèces d'utriculaires. Pour D. montana, Genlisea et les utriculaires présentés ci-après, le pH variait entre 5 et 6,5, alors que les températures estivales se situaient entre 20° et 45° et de 5° à 20° en hiver (en plein soleil) - sauf indication contraire comme lorsque ces plantes poussent près de D. graminifolia entre 1900 et 1955m.


  • Genlisea sp (G. violacea ? ) Mauricio en repéra un petit plant isolé. Il poussait en compagnie d'Utricuaria subulata et de mousses, sur sable pur, prés d'un petit plan formé par un ruisseau. Les feuilles en forme de club de golf avaient environ 1,2cm de long.


  • Utricularia neottioides. J'ai trouvé cette plante submergée, accrochée aux rochers dans deux ruisseaux de montagne aux endroits ou l'eau stagne ou coule plus lentement. Les fleurs jaunes s'échelonnaient le long de la hampe, à quelques millimètres l'une au-dessus de l'autre. La longueur de la hampe florale dépend toujours du niveau de l'eau; se haussant au-dessus de la surface pour ouvrir ses fleurs, elle atteint parfois 15cm.

    A partir de la base, se déploient des feuilles plumeuses qui ondoient au gré du courant. Des stolons fixent les plantes aux rochers, étalant une "trame" végétale d'où s'élèvent les hampes florales ici et là, parfois plus serrées.



  • Utricularia pubescens. Rencontré en un seul endroit, sur une berge ombragée en compagnie de mousse commune sur sol sableux.

    Les feuilles rondes avaient de 3 à 5mm de diamètre. Les températures étaient quelque peu inférieures ici en raison de l'ombre permanente.



  • Utricularia subulata: Cette espèce peut être trouvée sur presque chaque berge de cours d'eau a Caraça, poussant sur tout sol humide ou parmi des mousses sur rochers nus. Partout où D. montana se trouvait, U. subulata était présent. Nous observâmes la forme cleistogamique d'U. subulata poussant sur sable presque pur, avec D. montana, prés d'un ruisseau.


  • U. sp. (nephrophylla ?) Nous avons traversé deux stations. Dans l'une d'elles, cette plante fut trouvée à mi-ombre près de D. graminifolia (à 1900m), sur sphagnum (pH 4,5). Là, les pétioles atteignaient 12cm de haut et les feuilles 4cm de diamètre. Dans l'autre site, les plantes croissaient parmi de la mousse commune sur le dessus des rochers, à la base d'une cascade. Les pétioles mesuraient environ 6m et les limbes jusqu'a 1,5cm de diamètre.

    Comme vous pouvez le remarquer, la dimension des feuilles réniformes varie beaucoup entre ces deux stations; aussi, ne sommes-nous pas encore certains qu'il s'agisse de la même espèce. La plante possédant les plus grandes feuilles pourrait être U. reniformis.



  • U. sp. (U. tricolor ?). Trouvé en une station où il cohabite avec D. montana et U. subulata sur un sol argilo-sableux près d'un ruisseau. Les feuilles avaient environ 5mm de diamètre.


  • U. sp. "purple flower". Observé en trois sites, poussant sur sphagnum entre 1900 et 1955m (pH 4,5) et sur un mélange de sable, argile et cendres, avec D. montana et U. subulata. Ses feuilles sont de linéaires à obovales (jusqu'à 7mm de long et 4mm de large) et la fleur est assez semblable à celle d'U. tricolor, mais plus petite.


  • U. sp. "yellow flower". Trouvé sur sable pur près d'un ruisseau. Ses feuilles ressemblent à celles d'U. subulata, mais plus courtes et plus fines, la hampe florale aux quelques fleurs jaunes étant longue et grimpante.


  • U. sp. 1 poussait près de D. montana et de quelques autres utriculaires â côté d'un ruisseau. Feuilles très semblables également à U. subulata mais on trouve cette plante plus à l'écart du cours d'eau que les autres plantes carnivores de cette station, dans un endroit mi-ombré où le sol sableux est un peu plus sec.


    Pour nous compliquer les choses, il n'y avait pas de hampes florales quand Mauricio a trouvé ces plantes et celles que nous avons recueillies n'ont pas encore fleuri.


  • U. sp. 2. Tout d'abord nous avons pensé qu'il s'agissait d'un plus petit U. sp (nephrophylla ?) mais la hampe florale est très différente. Il poussait sur une rive partiellement ombragée, près de U. pubescens, sur un sol argilo-siliceux en compagnie de mousse commune. Les feuilles réniformes ont des pétioles d'environ 1 cm de longueur et des limbes d'environ 8mm de diamètre.

Auguste de Saint-Hilaire (1779 - 1853) fut un savant naturaliste qui, de 1816 à 1822, explora plusieurs provinces du Brésil.

Ces voyages furent l'occasion de recherches ethnographiques, géographiques et historiques ainsi que d'observations approfondies sur la faune et la flore. Le bilan scientifique des expéditions de Saint- Hilaire est considérable tant en zoologie qu'en botanique. Son herbier de trente mille pièces concernait sept mille espèces.

Au début de ce 19éme siècle, si fructueux pour la botanique, ce grand découvreur de plantes que fut Auguste de Saint- Hilaire publia nombre d'espèces nouvelles. Nous nous devons de citer en particulier celles-ci:

Drosera communis, D. graminifolia, D. montana, D. sessilifolia, D. villosa.

Genlisea aurea, G. filiformis, G. pygmaea, G. violacea.

Utricularia adpressa, U. amethystina, U. cucullata, U. erectiflora. U. hirtella, U. laciniata, U. laxa, U. myriocista, U. nana, U. neottioides, U. praelonga. U. purpureocaerulea, U. reniformis, U. tricolor.

Excusez du peu !


DIONÉE 22 - 1991