LE MONT KINABALU ET LE PARC NATUREL DE MULU

(Jean & Mieke De Witte)



Nepenthes kinabaluensis


Nepenthes lowii


Nepenthes bicalcarata


Nepenthes bicalcarata



Nepenthes rafflesiana


Nepenthes rafflesiana
var. blanche


Nepenthes rafflesiana
urne supérieure


Nepenthes ampullaria


Nous avons eu la chance récemment de visiter ces deux sites qui sont les lieux ou l'on trouve le plus grand nombre d'espèces de Nepenthes.

Le mont Kinabalu fait 4101m. Cependant, comme le poste de commandement du parc national se trouve déjà à 1800m, I'altitude à conquérir est diminuée d'autant ! Près du quartier général ont été construits des pavillons confortables pour les visiteurs. A proximité, il y a un petit jardin botanique présentant certaines des 11 espèces de Nepenthes et des quelque 1500 orchidées croissant dans le parc. Malheureusement, notre visite avait été procédée par deux mois de sécheresse et nous n'avons vu que peu d'orchidées. Mais il y avait quelques plants de Nepenthes rajah, espèce quasi disparue sur la montagne elle-même. Les urnes n'étaient pas spécialement grandes, ne mesurant que 8-10cm. Autour du jardin s'étend une forêt sombre, au toit de feuillage continu, et nous forçant à utiliser un flash pour photographier. La température ici est de 25-28°, I'hygrométrie de 70-75 %. Il y a quelques villages aux alentours et déjà des signes de déboisement. Le long des 5km de route que nous avons parcourus prés du poste de commandement, nous n'avons observé que trois plants de Nepenthes fusca.

La promenade vers le sommet représente une ascension de 8 kilomètres en montée continue. Inutile de dire que le coeur est mis à rude épreuve ! Le premier Nepenthes que nous avons trouvé ressemblait à N. tentaculata, mais était dépourvu des petits appendices de l'opercule qui lui ont donné son nom. A 3300m la forêt cède la place à une paroi granitique nue. Les autorités y ont construit un guest house, qui permet de souffler un peu. Plus haut, on trouve la "forêt alpine", constituée de rares arbres torturés et de quelques herbes. Le sommet est complètement dépourvu de végétation et la température peut descendre jusqu'à 0°.

La descente est particulièrement pénible pour les mollets. Sous la forêt alpine, à 3200m, on retrouve une végétation mixte (alpine/moussue). C'est là que croit N. villosa, vers 3000m; la température variant entre 10 et 28°. Les plants font 40cm de haut avec des urnes de 15cm. L'hybride N. X kinabaluensis parait plus rare. En continuant de descendre, on pénètre dans la forêt moussue, nommée ainsi parce que les arbres et le sol sont complètement couverts de mousse (et de fougères). La température y est de 10-20°, I'humidité de plus de 90 % !

C'est là que l'on trouve les Nepenthes grimpants les plus spectaculaires, qui atteignent des hauteurs de 8 à 15 mètres. N. tentaculata croit sur le sol, et est assez courant. Nous n'avons vu qu'un seul N. lowii, et encore était-il rabougri et bien moins beau que celui du jardin botanique. Nous n'avons pas vu de N. stenophylla autres que ceux du jardin.


Quant au parc national de MULU, il se trouve â 200km à l'intérieur des terres et est inaccessible par la route. Pour s'y rendre, il faut embarquer sur l'une des vedettes ultra modernes qui assurent l'aller-retour. Elles sont toutes dotées de l'air conditionné et de téléviseurs diffusant à longueur de voyage des films de karaté... Sur les deux rives du fleuve, c'est un spectacle de désolation qui s'offrait à nous. D'immenses étendues complètement déboisées, puis incendiées, qu'il nous fallait deux heures pour traverser ! Et qui ne rapportent rien aux habitants, I'argent allant entièrement à l'état malais.

Le parc naturel de MULU se trouve au niveau de la mer. Il y règne des températures de 30-35°, I'hygrométrie est de 90 %. Les conditions de logement offertes aux visiteurs y sont extrêmement sommaires . Les sangsues abondent. Les gués ne sont à utiliser qu'en dehors des journées orageuses car l'eau peut monter à une vitesse effrayante. Les pistes à MULU sont très mal balisées, juste un trait de peinture de-ci de-là sur un arbre. Il est très facile de s'en éloigner et de se perdre. Mais c'est dans ce paysage inhospitalier que l'on trouve les Nepenthes de plaine, tel N. bicalcarata, très coloré malgré qu'il croisse dans la quasi-obscurité. Les ascidies vont du vert au jaune jusqu'à des teintes rouille ou rouge. Egalement dans la pénombre profonde, N. ampullaria couvrant le sol de ses urnes tachetées. Parfois, le rouge prédomine, comme dans la variété "Cantley's Red". Nous avons aussi vu de magnifiques N. rafflesiana. Certaines ascidies sont dotées d'ailes très larges. D'autres variétés sont quasi-blanches, dépourvues de mouchetures. Les ascidies produites par des plants agés à la très longue tige peuvent être extrêmement étroites. Elles ressemblent à celles de N. stenophylla, mais en suivant la tige vers le bas, nous nous sommes assurés qu'il s'agissait bien de plant de N. rafflesiana. Nous avons aussi trouvé des spécimens de l'hybride entre N. rafflesiana et N. ampullaria : N. ampullaria et la variété sombre "nigropurpurea" de N. rafflesiana.

Sur le chemin du retour, nous nous sommes arrêtés à SINGAPOUR. Une île à proximité s'est avéré recéler plusieurs espèces de Nepenthes: N. ampullaria et N. rafflesiana. Le sol sur cette île parait très sec et est dur comme de la pierre. Cependant, I'humidité de l'air est très élevée, ce qui permet sans doute la survie de la forêt et de ses hôtes carnivores.

P.S.: Dans la lettre qui accompagne ce texte et cette planche de photos, J. De Witte nous demande de remercier, lors de la publication, notre ami le Docteur Degreff qui a pris les notes lors de notre présentation et les a traduites en français.

DIONÉE 22 - 1991