FAMILLE : Lentibulariacées
ORIGINE : Croisement entre Pinguicula X "Sethos" et Pinguicula
rotundifolia (ex. P. specie Nova n°4) réalisé en mars 88. Semis des
graines 1/4/88, premières fleurs 11/4/90.
DESCRIPTION :
Encore un nouvel hybride, quand on aime, on ne compte pas ! cette
fois-ci une hybridation originale, puisque le pollen du célèbre
Pinguicula X "Sethos" a été rapporté sur une fleur de Pinguicula
rotundiflora. Je pensais ainsi profiter de la robustesse de ces deux
espèces, mais également réduire la taille de Pinguicula X "Sethos"
et apporter une coloration blanche à sa fleur. La pollinisation
inverse n'a pas donné de graines viables. Mon objectif n'a pas été
atteint, mais je n'en suis pas pour autant déçu Sur les trois plantes
issues de ce croisement, une était réellement intéressante. La rosette
n'a rien de particulièrement nouveau. Elle tient de Pinguicula X
"Sethos" aussi bien en été qu'en hiver. La fleur, par contre, est
vraiment nouvelle, et on peut y retrouver l'héritage des deux parents.
La forme est intermédiaire entre les deux: presque ronde, mais les
pétales sont tout de même regroupé deux en haut, trois en bas. Les
pétales sont très arrondis, de plus d'un cm de long et d'environ 1 de
large. Ils ne se recouvrent pas, mais les pétales inférieurs se
touchent. La couleur d'ensemble est d'un rose tendre, plus claire que
chez Pinguicula X "Sethos" , mais c'est au centre de la fleur que la
richesse des contrastes hérités de Pinguicula rotundiflora donne
tout son éclat. Tous les pétales présentent approximativement les
mêmes dessins: la base est, sur cinq millimètres, divisée en trois
bandes, les latérales sont partout d'un profond violet, la bande
centrale est, sur les pétales supérieurs, du même rose que le reste de
la corolle, alors qu'elle est blanche sur les deux pétales inférieurs
latéraux. Le pétale central inférieur présente un "labelle"
vert-jaune, velu, qui prolonge le tube. Sous le stigmate, apparaît un
petit point orange bien visible. Le stigmate, lui, est violet foncé.
L'éperon n'est pas particulièrement long, de 1,5 cm, pratiquement
droit, à peine coudé à sa base. La plante est l'une des plus
florifères du genre, plusieurs fleurs s'épanouissant simultanément
pendant de nombreuses semaines de suite Le bouquet ainsi formé est
très spectaculaire, les fleurs disposées en cercle, les corolles sont
pratiquement horizontales, face vers le haut. Les pétales supérieurs
sont orientés vers le centre du cercle et les inférieurs vers
I'extérieur.
CULTURE :
De culture aisée, cet hybride a hérité de la robustesse de ses
parents. Il nécessite un climat tropical montagnard. L'été, on pourra
le garder en extérieur, dans une atmosphère humide et ombragée comme
tout Pinguicula, mais elle se satisfera d'un terrarium intérieur,
éclairé par tubes si la lumière est insuffisante. L'hiver, un
rafraîchissement est souhaitable pour déclencher la future floraison.
L'idéal semble être entre 5 et 10°C la nuit, un peu plus dans la
journée, mais d'exceptionnelles gelées à 0°C seront sans effet
néfaste sur une plante adulte suffisamment robuste. Le compost sera à
base de tourbe et de sable, mais comme beaucoup de grassettes, un sol
moins acide et un peu plus riche sera apprécié. J'ajoute un peu de
terreau au compost (1/10 environ, en prenant soin de le stériliser (20
mn à la vapeur en autocuiseur).
La multiplication ne peut être que végétative (voir
Multiplication végétative ou sexuée chez Pinguicula hybride dans
Dionée n°16), soit en attendant le dédoublement naturel de la plante,
soit en effectuant des boutures de feuilles. Il faut pour cela
détacher sans les casser quelques feuilles de la rosette, les poser à
plat sur un linge sec pendant 1/4 d'heure afin de faire sécher la
plaie, puis étaler les feuilles sur un compost standard. Inutile
d'enterrer le pétiole, et, si la bouture est effectuée dans un milieu
confiné (ce qui est l'idéal), le compost peut être assez sec jusqu'à
l'apparition des racines sur les futures plantules. Un compost non
détrempé est en effet la meilleure garantie contre le pourrissement
des feuilles bouturées.
Conclusion :
Encore un très bel hybride qui, par sa robustesse, son abondante
floraison et sa facilité de culture peut prétendre à une large
diffusion. L'hybridation est un domaine fascinant et envoûtant, mais
il faut savoir se garder de ses pièges. Tout d'abord, aussi beau
soit-il, aucun hybride ne remplacera les espèces botaniques, fruit de
milliers d'années d' évolution. Pouvons-nous prétendre en quelques
années effectuer un travail qui a nécessité tant de temps à
l'évolution ? Nous ne créons rien de nouveau, nous ne faisons que
combiner d'une autre manière, flatteuse à nos yeux, les caractères
génétiques élaborés par Dame Nature. Gardons-nous de faire les mêmes
erreurs que les orchidophile du XIXème siècle, qui ont saccagé
certains milieux naturels. Pinguicula gypsicola a presque disparu de
son biotope. Personne ne pourra jamais le recréer si elle disparaît
maintenant de nos collections. Comme toutes ses soeurs naturelles,
elle est détentrice d'une pureté et d'une richesse dont nous profitons
égoïstement, mais nous nous devons où la respecter à sa juste valeur.
C'est dans le patrimoine génétique de ces espèces botaniques que nous
trouvons matière à nos jeux d'apprentis sorciers. Un autre risque
réside dans les possibilités infinies dont nous profitons. Hybrider,
c'est facile, c'est pas cher, et ça peut rapporter gros... en
satisfaction. Quelle excitation lorsque se développe le premier
bourgeon floral, riche de surprises, après plusieurs années de soins
jaloux. Tout ceci est fantastique, mais attention au risque de s'y
perdre. Il ne faut pas hésiter à en détruire s'ils n'apportent pas de
réelle nouveauté. Un croisement produit plusieurs plantes, il est rare
que toutes soient aussi belles, aussi novatrices. Tout croisement doit
être sévèrement répertorié, car s'il perd son identité, il n'a plus de
valeur qu'aux yeux de profanes Je me rappelle avoir vu lors de notre
dernière A.G. un superbe hybride de Pinguicula X "Sethos" X caudata.
J'encourage vivement son auteur à la répertorier, et pour cela rédiger
un article avec description, hérédité et photo.
Continuons donc à nous amuser, mais pas de facon anarchique, un
peu de sérieux, et ne diffusons que des plantes soigneusement
identifiées.
DIONÉE 20 - 1990
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