Pinguicula ehIersae

(Serge LAVAYSSIERE)



FAMILLE: Lentibulariacées.

ORIGINE: Mexique.

DESCRIPTION

Autre ravissante grassette d'origine mexicaine, Pinguicula ehlersae présente, comme ses cousines (voir DIONEE N° 8 et 13), des rosettes différentes selon la saison. En hiver, la plante est pratiquement identique à Pinguicula esseriana. Il faut attendre la belle saison pour qu'apparaissent les feuilles collantes spécifiques de cette espèce par la couleur rose cuivrée qu'elles prennent si la lumière est suffisante. Chaque feuille est de forme presque triangulaire avec l'extrémité arrondie un peu plus en pointe que Pinguicula esseriana. Le rebord extérieur se recourbe vers le haut, formant une cuvette trouvant sans nul doute son utilité dans la digestion des proies. Le dessous des feuilles restant vert clair, ce rebord offre un agréable liséré contrastant avec le rose de la rosette. En toute saison, la plante n'excède qu'exceptionnellement un diamètre de quatre centimètres.


La floraison très abondante n'apparaît à partir de mi-mars que si les plantes ont été exposées à des températures hivernales inférieures à 12/15 degrés Celsius. Plusieurs fleurs se succèdent et peuvent coexister sur chaque plante, chacune restant ouverte une dizaine de jours. Ces fleurs de 2,5 centimètres sont solitaires au bout d'une tige pouvant atteindre 15 centimètres, mais j'ai observé cette année, sur une jeune plante, une hampe florale de seulement deux centimètres. Ce phénomène curieux présente une fleur apparemment posée sur une rosette à peine plus grosse. La fleur est très ouverte, aux pétales soudés, avec deux lobes supérieurs et trois inférieurs se recouvrant partiellement. Chaque pétale semble, à son extrémité, froissé, ondulé, et le lobe inférieur central comporte une gorge blanche de trois millimètres de long. La corolle est de couleur violette et le stigmate, légèrement plus foncé,affleure le plan des pétales.



CULTURE:

Les racines étant peu abondantes, P. ehlersae se contente d'un pot peu profond. Un compost acide offre toutes garanties de réussite, mais la plante sera indifférente à la neutralisation due au vieillissement du sol. Un rempotage tous les deux ans semble suffisant.


L'été, le pot trempera en permanence dans quelques centimètres d'eau douce, et une exposition intermittente au soleil ne fera qu'accentuer la couleur rouge des rosettes, à condition qu'une vitre ne provoque pas d'échauffement excessif. Les températures peuvent varier de 15 à 30 degrés. En lumière artificielle, P. ehlersae nécessitera plus de lumière que ses cousines, au risque de rester verte et de former des feuilles s'allongeant en une forme spatulée.


L'hiver, la végétation se poursuit sous des températures de 4 à 13 degrés, le compost restant juste humide. Un bon hivernage se manifestera au printemps par une abondante floraison, après laquelle la plante reprendra son apparence estivale.



MULTIPLICATION:

La pollinisation manuelle offre peu de chances de réussite, mais de petits moucherons pourront se charger plus efficacement de cette tâche. Je n'ai pour ma part jamais utilisé avec succès cette méthode de multiplication.


La multiplication végétative, elle, est très efficace et parfois même spontanément luxuriante.

Les boutures de feuilles peuvent être tentées en toute saison mais, contrairement à beaucoup d'espèces, réussiront mieux en fin d'été ou en automne. Pour cela, détacher sans les casser quelques feuilles, laisser sécher 1/4 d'heure afin de faire cicatriser la plaie et simplement poser les feuilles à plat sur le compost. En quelques semaines, de deux à huit plantules apparaîtront sur chaque feuille.


En milieu chaud toute l'année, les plantes ne fleuriront pas mais offriront parfois un fascinant spectacle. Après un ou deux ans de végétation forcée au-dessus de vingt degrés, certaines plantes peuvent présenter un phénomène rappelant la fasciation de certaines plantes grasses. Le méristème se divise en éventail ou en faisceau, donnant naissance à non pas deux mais plusieurs centaines de plantules serrées les unes contre les autres. Laissées en place, elles ne pourront se développer normalement, mais replantées séparément, elle croîtront normalement. Voici donc alliées la quantité du semis (et encore, d'un semis exceptionnel!) et la qualité du bouturage puisque ces reJetons atteindront l'âge adulte en un an ou deux.



HYBRIDES:

Adrian SLACK signale l'existence de deux hybrides: P. X Weser et le répandu P. sethos, tous deux issus du croisement P. caudata X P. ehlersae.

Suite à l'article paru dans DIONEE N° 16, j'y ajouterai, avec la même hérédité, Pinguicula X Versailles qui ressemble à un P. ehlersae de grande taille (huit centimètres), abondamment florifère (trois fleurs simultanément sur mon seul exemplaire adulte, plus de nombreux bourgeons en croissance), et dont la fleur ressemble paradoxalement à celle de P. esseriana.


Pinguicula X "Versailles"
Photo : S. Lavayssière


Voici donc une plante appréciable autant pour sa couleur originale, pour sa généreuse floraison, que pour sa facilité de culture et de multiplication.


DIONÉE 17 - 1989