DROSERA PELTATA

(S. Lavayssière)



Bien qu'appartenant au difficile groupe des droseras tubéreux, Drosera peltata fait preuve d'une bonne volonté et devrait se trouver dans toute collection.


HABITAT NATUREL

Sa grande facilité de culture est sans nul doute due à sa vaste aire de répartition et à son adaptabilité à différents climats. Drosera peltata se rencontre dans l'Est Australien, en Chine du Sud, en Inde, au Japon et dans tout le S.E. Asiatique. On le trouve en général à l'abri des plantes plus grandes, dans des situations semi-ombragées.


Comme la plupart des Droseras tubéreux, Drosera peltata pousse pendant les 6 mois d'hiver humide, avec des températures s'échelonnant de 2 à 26°C., et disparaît pendant l'été chaud et sec où les températures peuvent atteindre 40°C. Comme la majorité des plantes carnivores, Drosera peltata croit en des lieux où l'on trouve une très grande humidité (saisonnière) et des sols très pauvres et acides.


DESCRIPTION

La plante est très différente selon sa maturité.

En saison de repos, elle se présente sous forme d'un tubercule pouvant atteindre la forme et la taille d'un petit pois... rouge, à une profondeur de 2 à 5 cm.


Pendant ses quatre premiers mois de croissance, la plante forme une rosette prostrée rappelant Drosera rotundifolia. Les feuilles sont toutefois bien plus larges, en forme de haricot et présentent une concavité transversale.

A l'âge d'environ 4 à 5 mois, apparaissent de 1 à 4 tiges verticales présentant des feuilles de forme bien différente. Le limbe forme un angle presque droit avec le pétiole et les deux pointes supérieures s'allongent et s'ornent de quelques poils bien plus longs que les autres. Ces tiges peuvent monter à 25 cm de haut, puis s'ornent de une à quatre fleurs blanchâtres ou roses de 5 mm environ de diamètre. Ces fleurs sont autofertiles et produiront sans intervention de nombreuses petites graines rondes et noires; pendant la maturation des capsules, la plante atteint la fin de son cycle végétatif de 6 mois et commence à jaunir. La saison sèche a débuté et les réserves de la plante sont transférées dans le tubercule qui patientera Jusqu'à l'hiver suivant.


CULTURE

L'important pour les droseras tubéreux est de fournir à la plante une saison de croissance suffisamment longue. Dans le cas contraire, si on assèche le sol trop tôt, le jeune tubercule sera plus petit que le précédent, et d'année en année produira des plantes de plus en plus chétives, jusqu'à disparition. Il est nécessaire de laisser la plante fleurir et jaunir d'elle-même avant de la mettre au régime sec.


Pour ma part, je cultive des potées de deux manières bien différentes avec autant de succès. Je me propose de les décrire toutes deux, chacun pouvant les adapter à ses possibilités, ce qui ne devrait pas gêner ce Drosera bien accommodant.


La première méthode est directement inspirée des conditions naturelles. J'utilise des pots assez hauts (12 ou 15 cm) mais pas nécessairement larges (8 à 10 cm) pleins d'un mélange de tourbe et sable en égales proportions. Je les garde sur des étagères de fenêtres, directement contre la vitre, recouverts par une bouteille plastique formant une cloche. Ceci conserve une humidité atmosphérique indispensable aux feuilles poussant sur les tiges. (Au ras du compost, l'humidité est suffisante pour les rosettes mais lorsque les tiges s'élèvent, les gouttelettes des tentacules sèchent sans cette précaution). Le pot trempe dans 1 cm d'eau déminéralisée et le soleil d'hiver semble faire le plus grand bien.


Pour débuter une culture, je sème en août directement en place et j'éclaircis, laissant 3 ou 4 plantes par pot. Dans ces conditions, les rosettes se forment jusqu'en janvier, puis s'élévent une ou deux tiges sur chaque. A cette période, je retire la cloche et j'enlève la soucoupe d'eau. Il est délicat à ce moment de surveiller la maturation des graines. Les tiges en effet se couchent en séchant et laissent très vite tomber des graines. Dès que le compost est bien sec, je récupère les tubercules, bien visibles grâce à leur couleur et je les conserve après pulvérisation de fongicide dans de petites boites hermétiques (pellicules photos) pleines de sphagnum bien sec, à la température de la pièce. Périodiquement, je surveille leur état, désinfectant d'éventuelles moisissures par rincage ou humidifiant légérement si les tubercules semblent se flétrir.


Fin Août, je les remets en pots à environ 3 cm de profondeur. La cicatrice laissée par la racine doit être placée vers le haut. C'est l'oeil par lequel la pousse apparaîtra avant d'atteindre la surface du sol. A cette période, le compost est juste humidifié par le dessus et j'attends que les jeunes pousses percent à la surface du sol pour placer les pots dans 1 cm d'eau déminéralisee.

On peut également conserver les tubercules en pot pendant l'été mais la surveillance est plus aléatoire.


J'ai également tenté cette année une culture à l'ombre (environ 1/2 heure de soleil direct par jour) et les plantes en rosette semblent fort bien s'en satisfaire. A suivre...


Je garde aussi à longueur d'année quelques plantes en terrarium, sous tube fluorescent, en compagnie d'un Nepenthes, de Pinguiculas mexicains, de Drosera prolifera etc. Bien que le sol, I'hiver, soit moins détrempé qu'en été, la sécheresse n'est pas suffisante pour que les tubercules se forment. Les plantes poussent, fleurissent, fructifient indépendamment de la saison (la durée d'éclairement varie de 9 heures en hiver à 15 heures l'été). Les rosettes émettent jusqu'à 4 tiges simultanément ce qui laisse supposer que ces conditions leur sont très favorables.


Pendant la fructification, tiges et rosettes meurent mais, au lieu de produire un tubercule, la racine principale forme immédiatement une nouvelle pousse. On a alors la joie de voir une plante mourir et la génération suivante percer le sol juste à côté pour entamer un nouveau cycle végétatif. Entre-temps, quelques graines accidentellement perdues commencent à germer. De là à qualifier d'envahissante cette plante sympathique, il n'y a qu'un pas.


MULTIPLICATION

MULTIPLICATION SEXUÉE

Drosera peltata produit volontiers de nombreuses petites graines rondes et noires. Bien que celles-ci germent facilement dès la récolte, il semble qu'une stratification augmente le pourcentage de réussite. Dame Nature n'aurait-elle pas prévu une latence optimale de six mois ? Ceci serait à vérifier..

Sur un compost standard, bien humide, à 20°C, sous une bonne lumière, la germination se produit en 4 à 6 semaines.


MULTIPLICATION VÉGÉTATIVE

* Tubercules secondaires

La famille des droseras tubéreux présente un système original de MultIplication végétative. Durant les 2 ou 3 premières années, si les conditions de culture sont favorables, la plante produit un tubercule de plus en plus gros. Arrivé à sa taille maximum, celui-ci ne grossit plus mais forme des tubercules secondaires qui donneront naissance l'année suivante à autant de plantes nouvelles (voir à ce sujet l'article de Jacques HALDI dans DIONEE N° 4)


* Bouture de tige

J'ai tenté avec succès la bouture de tige. Sur une plante produisant plusieurs tiges, l'une, d'environ 5 cm, a été accidentellement cassée à la base. Je l'ai couchée sur un compost standard, recouverte de quelques millimètres de sphagnum haché et conservée dans les mêmes conditions que les plantes adultes. Quelques pulvérisations à l'eau distillée entretenaient le sphagnum en parfait état de fraîcheur. En quelques semaines, sont apparues, de l'aisselle des feuilles, quelques tiges verticales. A noter que ces plantules nécessitent aussi un cycle végétatif de six mois et entreront en dormance bien plus tard que la plante mère.

Quelques tentatives de boutures de feuilles sont, jusqu'à ce jour, restées infructueuses.


* Autres méthodes

Bien que non vérifiées, je mentionnerai deux autres méthodes puisées dans l'ouvrage de James et Patricia PIETROPAOLO.

En début de croissance, les tubercules émettent une pousse qui perce la surface du sol. A ce moment, délicatement déterrer la plante et détacher le tubercule de la racine. Celle-ci continuera à pousser et le tubercule produira une nouvelle pousse.

On peut aussi couper le tubercule en deux avec une lame de rasoir en prenant soin de bien partager également l'oeil où apparaîtra la future plante. Les surfaces de coupe doivent être protégées avec de la paraffine pour éviter la déshydratation ou une éventuelle infection. Chaque moitié devrait donner naissance à une plante.

Voici donc un drosera bien facile et tolérant, sans doute une agréable façon de découvrir le fascinant groupe des Droseras tubéreux.


BIBLIOGRAPHIE

  • A. Slack: Insect-Eating Plants and How to grow them.
  • J. et P. PIETROPAOLO : Carnivorous Plants of the world.
  • J. HALDI: Culture de drosera à bulbe (DIONEE N° 4)





Renseignements de culture fournis par Allen LOWRIE.

Extraits de correspondance avec Marcel LECOUFLE



A la question: les Drosera tubéreux peuvent-ils être cultivés dans de la tourbe pure ? la réponse est oui. Le point capital le plus important pour cette série de plantes est de tenir les pots en sécheresse absolue (bone-dry) quand les plantes entrent en saison de repos et de ne plus leur donner aucune goutte d'eau tant que la plante n'émerge pas à nouveau en surface lorsque revient la saison de végétation, Les pots ne doivent pas être tenus dans une nappe d'eau, mais il faut seulement les maintenir humides sans qu'ils soient détrempés pendant le cycle de végétation active.


Note complémentaire : cette année j'ai cultivé ces droséras tubéreux dans un mélange 5O/50 de tourbe finlandaise (à base de sphagnum) et de sable de Loire, avec de bons résultats. Les plantes d'abord élevées en serre ont souffert d'un soleil trop brutal lorsque je les ai mises dans notre serre dite "à dionée", soit au plein soleil pendant la moitié de la journée, cette serre étant protégée uniquement des oiseaux : par un filet. Ce filet n'a pas empêché le passage de !a grêle que nous avons eue en août.

DIONÉE 15 - 1988