TOURBIÈRES "ARTIFICIELLES"

(Trois articles de B. BOFF, Etienne GUILLOU et Christian BONNET)



L'un des objectifs d'un amateur de plantes est de restituer à celles-ci une situation aussi proche que possible de leur habitat naturel.
Cela conduit à créer ici une rocaille, un éboulis, une moraine, ailleurs une lande ou une fougeraie. Mais, parmi ces mini-paysages, l'un des plus insolites et des plus attachants est la tourbière où nous pouvons cultiver maintes espèces dont la plupart des plantes carnivores des régions tempérées.

Voici trois exemples d'installation de tourbière artificielle, les deux premières en région parisienne, la troisième dans les environs de Toulouse.



TOURBIÈRE DE B. BOFF


L'installation d'une tourbière dans un jardin ne demande pas un gros investissement.

  1. Faire un trou de 0,70 à 0,90 m de profondeur, 0,60 m de largeur et 1,50 m de longueur (la dimension de cette tourbière peut varier suivant la place que l'on a et l'entretien que l'on peut y apporter par la suite).
  2. Au fond, l'on placera un lit de sable fin et on "lissera" les parois avant de placer le plastique (type plastique de serre)
  3. Remplir le tout de tourbe neutre en prenant soin de surélever le niveau de 5 à 6 centimètres.
  4. Noyer le milieu par de l'eau de pluie.
  5. Ensuite planter le sphagnum, mais également de la mousse des bois et des touffes de polytric.

    Pour éviter que les oiseaux et les petits rongeurs ne grattent la tourbe, il est prudent de placer un filet en plastique (type filet pour petits pois) ; choisir de petites mailles.

    Enterrer le filet au bord de la tourbière.

  6. Plantation des carnivores : il suffit de couper quelques mailles et de procéder à la plantation comme on le ferait avec une autre plante en pleine terre. Veiller à ne pas enterrer le collet.

Maintenir une humidité constante surtout en été.

Pour éviter les limaces et les escargots, placer des appâts autour de la tourbière.

En hiver on évitera de recouvrir la tourbe et le sphagnum par des feuilles, la neige, lorsqu'elle tombera, formera la meilleure protection.

Avec ce moyen de culture j'ai, en plus des espèces mentionnées dans le bulletin N°6, essayé avec bonheur les plantes suivantes : Sarracenia X catesbaei, S. X mooreana, S. rubra var Alabamensis, S. X courtii et Dionaea muscipula .

Éviter le plein ensoleillement pour Darlingtonia californica .



TOURBIÈRE D'ETIENNE GUILLOU


LIEU : choisir un endroit bien ensoleillé et pas trop venté. J'avais installé la tourbière à un endroit trop protégé du soleil, entouré d'arbres persistants. Les Sarracenia restaient vertes, les Drosera aussi... La croissance semblait freinée. Il y a exception pour l'Utriculaire aquatique qui semblait apprécier cette situation : elle devenait énorme.

Inspiré d'un site naturel de Drosera, je l'ai installée plein sud, avec des arbres persistants qui la protègent du Nord.

EVAPORATION : la tourbe mouillée est foncée, et donc, dès que le soleil l'éclaire, l'évaporation devient importante, du fait de l'absorption lumineuse. J'ai donc augmenté la profondeur (40cm) pour avoir une plus grande réserve d'eau.

SPHAGNUM OU TOURBE : au début, je n'avais pas suivi les conseils d'Adrian SLACK : "ne jamais introduire de sphagnum". En effet, les oiseaux ont labouré la tourbière. Les merles en étaient les principaux responsables. Dernièrement, les mêmes problèmes sont survenus car de la mousse fine s'était développée auprès de jeunes plants de Droseras et... les merles l'avaient aussi remarquée. La seule solution pacifique est l'épouvantail (et ça marche). Pour aérer la tourbe, j'ai introduit du sphagnum au fond de la tourbière, recouvert par de la tourbe blonde filamenteuse (Floratorf). Cela facilite l'alimentation en eau des racines de CP.

BACHE PLASTIQUE : pour retenir l'eau et la tourbe, j'ai utilisé une bâche de plastique tressé de 4 mètres sur 2,50 mètres disponible à CIMA-POINT P au prix de 400 FF (environ). C'est onéreux, mais c'est une bâche très résistante utilisée comme protection de remorque... qui est bien plus fiable que le polyéthylène ou le polyuréthanne, face aux pierres coupantes, aux rongeurs...

ASPECT PÉCUNIAIRE :

  • 500 francs de tourbe FLORATORF
  • 400 francs de bâche
  • pierres et sphagnum ne coûtant que le déplacement...

Le tout pour une tourbière de 3 mètres sur 2 mètres.



TOURBIERE DE CHRISTIAN BONNET


J'ai créé cette tourbière en avril 1986, derrière ma maison. Elle est adossée à un mur orienté à l'Est ; elle reçoit en toutes saisons le vent d'Autan (chaud et desséchant). Elle est au niveau du sol.

Creusée à 50 centimètres, elle comporte au fond des briques pleines plates (de récupération). Sur les côtés se sont en bas des blocs de "SIPOREX" (matériau de construction très léger) ayant une bonne protection thermique, récupérés sur un chantier et au-dessus des briques pleines. A l'intérieur est posée une bâche armée (NORTENE) rabattue sur les cotés. Sur le dessus : des arceaux en PVC utilisés pour les châssis en pleine terre (diamètre 6 mm) et, posé sur le dessus et à chaque extrémité de ce mini-tunnel, un grillage PVC à mailles carrées fixé sur les arceaux. En hiver : couverture à même le sol + paille sèche + produit contre les limaces + bâche plastique à bulles récupérée dans les emballages + bâche armée fermée sur le dessus (sur les arceaux).

La tourbe : je l'ai achetée en grande surface (38 FF) par balle de 120 litres (KB tourbe blonde d'Irlande). Il m'en a fallu une balle et demie.

Quand on remplit pour la première fois la tourbière, faire tremper la tourbe dans l'eau de pluie pendant 24 heures. Et, quand on a rempli sa tourbière à ras de tourbe, ne pas hésiter à marcher dessus pour la compacter et en chasser l'eau. Rajouter de la tourbe mouillée jusqu'à atteindre le niveau désiré. Prévoir une marge de sécurité de 3 à 5 centimètres au bord. La tourbe achetée abrite très souvent des graines de bruyère et autres. On a le plaisir en 6 mois de se trouver face à une "véritable" tourbière, y compris de nombreux pieds de carex ! Fréquemment avant de planter recouvrir la surface de quelques litres d'eau pour chasser les bulles d'air en profondeur.


Pour l'arrosage, j'ai trois procédés :

  1. Le premier par la pluie.
  2. Le deuxième par arrosage au goutte-à-goutte quand on a quelques plantes séparées. On trouve dans le commerce des kits d'arrosage de serre (80 FF) comprenant tuyau 6 goutteurs et une poche à eau. J'ai raccordé les goutteurs au tuyau d'alimentation et le tout à un jerrycan de 20 l ou 10 l placé légèrement au-dessus du niveau du sol (autonomie 2 à 5 jours).
  3. Le troisième pour réguler le niveau bas, pour éviter le dessèchement complet, fonctionne sur le principe des abreuvoirs à oiseaux, muni en plus d'un système de régulation type chasse d'eau.

Il m'arrive aussi au printemps et en été de recouvrir toute la surface de la tourbière de 3 à 5 cm d'eau (utilité du rebord, voir plus haut) dès qu'il pleut grâce à un tuyau qui part d'une dérivation de la gouttière. Cela compense la déshydratation des jours de vent.

Je dois signaler qu'ayant été absent de novembre à avril, je n'ai pas pu m'occuper une seule fois de la tourbière. En novembre, je l'ai couverte d'eau, puis une fois celle-ci résorbée, j'ai couvert le tout de produit anti-limaces, de paille et des deux bâches plastiques. Je ne me suis occupé d'elle qu'en avril. J'ai, à nouveau, recouvert le tout d'eau et enlevé les bâches. Tout a résisté, pas une plante morte, pas un escargot.

SEMIS : étant parti en vacances en juillet-août 1987, les Drosera étaient en fleurs. Elles se sont ressemées ; ayant arrosé par inondation les graines se sont réparties très régulièrement. J'ai maintenant 100 à 200 Drosera brevifolia de 5 mm à 2 cm de diamètre, 200 à 300 Drosera capensis de 1 à 5cm de hauteur. S. psittacina va fleurir, les Pinguicula fleurissent chaque année en mai, les Drosera vont fleurir d'ici le 15 juin.

Étant maintenant un peu envahi, je vais creuser une autre mini-tourbière pour y implanter uniquement les Sarracenia, elles sont un peu trop importantes et se répandent un peu trop à mon goût.



Merci à nos trois amis de nous avoir décrit leurs installations.



DIONÉE14 - 1988