A la découverte du Nepenthes masoalensis (suite)

(Marcel LECOUFLE)





Nous avons également visité le site à Nepenthes du mont Ambato, excursion préparée de longue date par le Père. Ce site est à une dizaine de kilomètres du village d'Atanandavahely. Une piste permet de joindre ce village par l'intérieur des terres, à raison d'une marche de quatre jours, non sans difficulté. La liaison la plus courte s'effectue par la montée de la rivière. Notre départ a eu lieu à 7 heures du matin le lundi 21 novembre 1983. deux guides sont venus tout exprès nous chercher depuis Antanandavahely. Nous avons pris le minimum de bagages et nous sommes partis à pied en traversant le village d'Ambohitralanana au milieu des cases en bois. Nous passons un pont aux planches transversales espacées et trois dans le sens de notre marche. L'Onive est la rivière que nous devons remonter en pirogue, après avoir traversé le village d'Ambodimanguy.


A chaque fois que l'on monte ou descend de pirogue il faut marcher dans l'eau jusqu'aux genoux et l'on doit débarrasser les sandales du sable qui s'y trouve. Les nuages succèdent aux éclaircies et le soleil est brûlant. Il semble au zénith lorsque nous arrivons à Antanandavahely. Nous sommes le mardi 22 novembre et nous partons vers sept heures avec nos guides de la veille pour une visite du mont Anbato et son site à Nepenthes , malgré les considérations locales qui prétendent que cette montagne est sacrée, où en principe on ne doit pas s'aventurer. Les terrains plats n'existent que dans les rizières que nous traversons, nous sommes en région accidentée, devant toujours monter ou descendre. Nos guides nous précédent et nous devons les suivre. Ils traversent une rivière avec de l'eau jusqu'aux genoux, ils ont les pieds nus. Le docteur et madame Maisongrosse ont des sandales de plastique. J'ai chaussé mes chaussures de montagne avec des chaussettes hautes. Dois-je me déchausser ? Nous perdrions du temps et d'autres rivières nous attendent sans doute, et on continue bon train.


Nous sommes en forêt sombre et magnifique, on marche, on marche, on monte ou on redescend, On aperçoit au passage les racines et la base des troncs des végétaux qui nous dominent ; Ravenala , PALMIERS multiples et combien d'essences inconnues. II y a des plantes et des fleurs de toutes sortes, l'une ressemble à quelque Sonerila , l'autre a un feuillage coloré jamais vu encore.

C'est après cinq heures de cette marche laborieuse que nous atteignons les rochers du sommet du mont Ambato sur lesquels nous arrivons à nous hisser.

Nous sommes entourés de ce Nepenthes masoalensis aux urnes courtes, sphériques et rouge foncé au sol, d'où partent de longues tiges grimpant dans les arbustes pour présenter au ciel les grandes urnes qui se détachent sur les nuages menaçants et noirs venus à notre rencontre. Nous apercevons la campagne à perte de vue et au-delà nous dominons l'Océan indien malgré l'incroyable distance qui nous en sépare, paysage extraordinaire. En avançant sur un rocher en surplomb, on a les urnes de Nepenthes perchées au-dessus de la paroi verticale de la montagne, à donner le vertige.


Parmi ces magnificences une surprise complémentaire est de trouver là deux espèces d'Orchidées au pied même des Nepenthes : sur les roches croissent des Angraecum (au Jumelle ?) aux grosses racines très nombreuses formant comme des échasses pour supporter les plantes bien au-dessus du rocher. Les feuilles sont étroites et épaisses. Les fruits trop mûrs ont laissé échapper leurs graines depuis longtemps...

Plus belles encore sont les nombreuses Cymbidiella flabellata dont quelques exemplaires sont fleuris. Je suis surpris de trouver ces Cynbidiella sans la présence de mousse de sphagnum, car cette espèce est signalée croissant dans le sphagnum et c'est toujours ainsi que nous l'avons observée jusque là. Messieurs Schmid et Hallinger ont décrit le Nepenthes masoalensis croissant dans le sphagnum et nous en déduisons qu'ils ont visité un site à Nepenthes différent des nôtres.

A notre site d'observation, Nepenthes et Cymbidiella croissent dans un humus noir et les mousses de surface n'appartiennent pas la catégorie des Sphaignes, Nous avons tout juste le temps de prendre les photographies les plus intéressantes avant l'arrivée des premières gouttes de pluie qui tombent un quart d'heure après notre arrivée.


Des hampes florales se développent sur les Nepenthes et nous pouvons en déduire que la floraison sera pour janvier et la récolte des graines devrait s'effectuer en avril.


Tout assoiffé, il n'est pas facile de boire l'eau de pluie qui tombe du ciel et j'ai choisi quelques jeunes urnes de Nepenthes encore fermées par leur opercule pour boire le liquide qu'elles enferment. Ce liquide est comme de l'eau : il ne semble pas acide et il n'a aucun goût particulier.

Nos guides ont repéré un chemin plus court pour le retour, grâce aux jumelles.

Après trois heures vingt de parcours, nous voici revenus â Ambanimangy et les guides nous accompagnent pour rejoindre par la marche Ambahitralanana où nous arrivons vers 11 heures. Nous discutons longuement des Nepenthes avec le Père Maisongrosse. En somme, il existe d'autres gisements à Nepenthes et plusieurs d'entre eux ont disparu pour faire place à des cultures, la mousse de sphagnum existe dans cette région, mais nous n'avons pas pu la trouver. Il semblerait qu'elle soit utilisée pour la confection de matelas, mais nous n'en avons pas eu de confirmation complémentaire.


DIONÉE 11 - 1987