UTRICULARIA EXOLETA

(Pierre Sibille)



Parmi les plantes carnivores, les utriculaires (famille des Lentibulariacées) constituent le genre le plus nombreux en espèces et aussi celui dont la distribution géographique est la plus vaste.

On cultive surtout des espèces épiphytes ou terrestres telles que le très florifère Utricularia sandersoni (voir Dionee n°6, ou le recueil 84-85). Mais s'il est une plante carnivore dont la culture est vraiment à la portée de tout amateur, c'est bien une utriculaire aquatique, Utricularia exoleta.


Utricularia exoleta (R. Brown) est parfois désigné comme une sous-espèce d'Utricularia gibba L. Ces utriculaires ont une répartition géographique très étendue.

U. gibba habite les Amériques, du N.E. des U.S.A. à l'Argentine et l'Afrique, du Nigeria au Transvaal.

U. exoleta se trouve ici et là en Afrique, du Sénégal à I'Afrique du Sud et à Madagascar, mais aussi en Afrique du Nord, au Portugal, au Japon, en Asie tropicale et en Australie septentrionale.


Utricularia exoleta est, comme nos utriculaires d'Europe (voir Dionée 4 ou recueil 84-85), une plante submergée flottante, sans racine. Les fines ramifications portent des feuilles alternes, filiformes, et de minuscules pièges. Chacun de ceux-ci est une vésicule ovoïde, ne dépassant guère 1 mn, munie de deux longues antennes capillaires et de cils "sensibles", plus courts, commandant l'ouverture de l'utricule. D'un verticille de rameaux s'élève à quelques centimètres au-dessus de l'eau une hampe florale grêle portant d'une à trois fleurs. La corolle, jaune, de 4 à 8 mm, a des lévres sensiblement égales et un éperon conique, droit, dépassant parfois la lèvre inférieure.

La capsule, globuleuse (env. 3 mm de diamètre) contient des graines bordées d'une "aile" au contour irrégulier.


LEGENDE DES CROQUIS

1. Plante fleurie
2. Utricule




3, 4, 5. Aspect de la fleur
6. Vue latérale de la fleur
7. Graine

Les croquis 2, 3, 4 et 5 ont été réalisés
à partir des excellentes photographies
que nous a communiquées le Dr. J.D.
DEGREEF.
Je l'en remercie bien vivement.


Pour cultiver Utricularia exoleta, même le plus petit aquarium peut convenir (sans doute est-ce là l'un des rares emplois valables de tel "aquarium-boule" relégué au grenier.)

Garnir le fond, sur une épaisseur de 2 cm environ, de tourbe bien mouillée que l'on recouvre, pour la fixer, d'une fine couche de gravier non calcaire. Remplir l'aquarium d'eau de pluie en versant celle-ci sur une coupelle pour éviter de remuer la tourbe.

Introduire ensuite la Plante, la laissant flotter au-dessous de la surface.

On évitera un éclairement trop vif sur les parois latérales de l'aquarium ce qui favoriserait la prolifération des algues: algues filamenteuses qui s'enchevêtrent dans les ramifications de l'utriculaire, et algues monocellulaires qui verdissent l'eau et l'opacifient.

Ces dernières peuvent être éliminées par les daphnies vivantes que l'on introduit dans l'aquarium avec d'autres petits animalcules pêchés au moyen d'une épuisette en fine étamine dans une mare "propre" (s'il s'en trouve encore...) Mais, lors de cette opération, prenez garde de ne pas apporter d'algues filamenteuses.


Le plancton animal fournira des proies à l'utriculaire. Le procédé de capture a été décrit dans Dionée (Utriculaires de nos régions). Bien que plus petit encore, le piège d'U. exoleta est très semblable à celui d'U. vulgaris. Lorsqu'un animalcule entre en contact avec les poils "sensoriels" ou trichomes bordant l'entrée du piège, le clapet s'ouvre vers l'intérieur. Le courant d'eau aspirée entraîne la proie dans l'utricule dont la trappe se referme aussitôt. Puis, la victime morte, les glandes digestives entrent en fonction...



Les dimensions imposantes d'une plante ne constituent pas forcément un critère de choix pour un amateur et j'approuve Alastair Culham décrivant certaines utriculaires terrestres sous le titre : Small is beautiful.

Utricularia exoleta, cet utriculaire aquatique si menu, est précieux à bien des égards.

  • Quand la plante est bien établie et que l'aquarium reçoit un bon éclairement (sur la surface de l'eau), U. exoleta montre volontiers ses gracieuses fleurettes semblables, en réduction, à celles d'U. vulgaris.
  • La multiplication d'U. exoleta est on ne peut plus facile: la moindre touffette extraite de l'enchevêtrement des rameaux flottants formera peu à peu un dense réseau d'un beau vert frais, parsemé d'utricules, redoutables chausses-trappes pour le petit peuple des eaux douces.
  • Les aquariophiles apprécieront cette plante trés oxygénatrice et support de ponte des poissons (les piéges sont trop petits pour capturer les alevins).
  • Bien que sa distribution géographique classe U. exoleta dans les espèces tropicales et subtropicales il vit très bien en aquarium tempéré, à la température ambiante de la maison (ou à l'extérieur, en été).
  • Contrairement aux utriculaires indigènes, U. exoleta ne se réduit pas à l'état de bourgeons dormants (turions) en hiver.


Son appareil végétatif et particulièrement ses pièges peuvent donc être observés en toutes saisons.

C'est un excellent sujet d'observation au microscope (à faible grossissement) ou même à la loupe.


Écoliers à vos oculaires - si toutefois, dans l'enseignement des sciences, la technologie laisse encore un (tout petit) peu de place à la biologie. Mais ceci est une autre histoire.


Bibliographie

Erickson - Plant of prey Lloyd - The carnivorous plants Humbert - Flore de Madagascar. Lentibulariacées Taylor - The genus Utricularia in Africa and Madagascar A. Slack - Insect Eating Plants


DIONÉE 10 - 1987