DES SARRACENIA PURPUREA EN SUISSE.
Comme complément à la fiche de R. Aubry sur Sarracenia purpurea,
dans DIONEE 8, voici un texte de Ruedi Furst (Suisse) paru dans le
bulletin allemand DAS TAUBLATT et traduit par Laurent Legendre.
Une citation de Hegi dans "Illustrierte Flora Mitteleuropas"
(Flore illustrée de l'Europe Centrale).
"Dans quelques marais de la
Suisse occidentale, Sarracenia purpurea L. a été introduite depuis
fort longtemps et s'est établie dans le Jura près de Berne comme
à Vevey.
Ici-à Vevey-les plantes fleurissent et produisent des fruits chaque
année, si bien que les fleurs sont vendues sur le marché. Elles
proviennent de graines qui, en 1890, ont été importées du Canada."
La dernière phrase me laissait supposer qu'il devait en fait
s'agir de Sarracenia purpurea ssp purpurea. Cela s'est confirmé par
la suite.
En 1983 un mycologue me donna, à l'occasion d'un cours,
l'adresse d'une dame âgée de 84 ans, laquelle possède dans le
canton du Jura une petite maison de vacances et connaît quelques
coins. Après la première acceptation d'un contact, elle se dit
prête à me montrer les plantes, à condition que leurs emplacements
ne soient pas désignés avec précision.
En juillet 1985 tout était enfin prêt ! D'abord nous avons visité
un endroit dans un marais planté d'arbres où madame B..... avait
installé quatre plantes il y a environ dix ans dans un trou sur un
coussin de sphagnum.
J'étais d'abord, suivant la règle, sans voix ; je n'avais encore
jamais vu de si puissants pieds de Sarracenia. Des douzaines
d'urnes formaient des rosettes dont certaines atteignaient un mètre
de circonférence.
Elles pouvaient vraisemblablement être divisées en vingt plantes à
part entière ou plus. L'eau atteint généralement la base des
feuilles.
Les fleurs apparaissent relativement tard car dans cette région en
hiver les températures chutent très sévèrement (pendant l'hiver
1984 - 1985 : jusqu'à 35°C).
Dans les alentours on trouve des bouleaux nains, des linaigrettes,
des pins, de la mousse et des myrtilles pour ne nommer que
quelques-unes des alliances phytosociologiques.
Hélas, les plantes sont toujours abîmées par des promeneurs qui
détruisent fleurs et feuilles.
Par chance les tentatives pour déplanter les Sarracenia sont
relativement rares, la taille des pieds étant vraisemblablement un
empêchement.
A quelques kilomètres de là, dans un marais, voisinant avec des
tas d'ordures, se trouvent six autres exemplaires. A nouveau le
sol est très trempé. Comme alliance phytosociologique on y retrouve
entre autres Drosera X obovata. A maints endroits, cet hybride
croît aussi dense qu'un tapis d'ornement ! Les pieds de Sarracenia
sont très grands et espacés de 3 à 20 mètres.
Contrairement aux deux premiers sites, le troisième semble être
assez connu. De véritables sentiers battus mènent aux quelque vingt
plantes.
Ici également quelqu'un semble s'intéresser à la multiplication,
dispersant les pousses comme les exemplaires plus jeunes.
A aucun endroit je n'ai pu trouver de pieds issus de graines !
Ces Sarracenia aussi poussent dans un marais à sphagnum peuplé de
pins clairsemés.
Quand exactement les plantes des deux derniers endroits ont-elles
été introduites, on ne le sait pas ; certainement vers le début du
siècle.
Leur existence ne semble pas directement menacée même si un
botaniste du coin paraît avoir manifesté une fois le désir
d'«EXTERMINER LA CHOSE ETRANGERE» ! Peut-être devrait-il s'y
essayer sur les Solidago canadiens.
Le danger de voir les Sarracenia purpurea s'étendre dans toute
l'Europe centrale n'existe sûrement pas, même un profane peut le
comprendre.
J'espère que ces plantes carnivores nous resteront à l'avenir
conservées comme hôtes exotiques.
C'est pendant l'été 1985 également que R. Aubry et D. Moreno ont
pu admirer des Sarracenia purpurea dans une tourbière Suisse ( voir
photo dans Dionée N° 8 ) D. Moreno nous raconte cette visite guidée
par un de nos amis de Dionée.
DIONÉE 09 - 1986
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