Les tourbières, milieu naturel à protéger (J. HARRANGER et P. VALCK)
La tourbe est un matériau bien connu des horticulteurs professionnels
et amateurs. Ils y recourent fréquemment tant pour leurs jardins que
pour la constitution de substrats divers destinés à la multiplication,
au rempotage, à la confection de potées jardinières, balconnières,
etc...
Cette matière organique largement employée aujourd'hui ne doit
pas être confondue avec l'humus que l 'on peut obtenir à partir de
la décomposition de feuilles ou de matières organiques animales.
Elle n'est pas assimilable et joue un rôle essentiellement physique
dans le sol ou le substrat auquel elle est incorporée, ses principales
propriétés étant de les alléger et d'avoir un pouvoir important de
rétention de l 'eau.
Les conditions et le milieu dans lesquels se forme la tourbe
sont sans doute ignorés de beaucoup.
Le professeur BONNEF0NT, président de l'Université de Nancy
II, et géographe averti, en abordant ce sujet a apporté un éclairage
trés utile sur la constitution, la composition et l'évolution des
tourbières.
CONSTITUTION D'UNE TOURBIERE
C'est dans un milieu gorgé d'eau (hydromorphe) que se forme
la tourbe. Les débris végétaux qui s'accumulent dans de tels sites
ne peuvent se décomposer car les bactéries aérobies qui président
à cette transformation sont absentes par suite de l'insuffisance
d'oxygène. De ce fait, la matière organique fermente sous l'action
des bactéries anaérobies et la cellulose produit du méthane ou gaz
des marais, du carbone et de l'eau. Cette transformation est lente,
ce qui permet d'observer en faisant une coupe, une tourbe plus claire
en surface (tourbe blonde - encore riche en fibres végétales) et
noire en profondeur, où les débris de végétaux ne sont plus distincts.
Au fur et à mesure que la tourbe s'accumule, les végétaux de
surface perdent contact avec le support minéral d'origine, et leurs
racines plongées dans un milieu "asphyxiant" meurent, entraînant
leur disparition: ce sont alors des espèces, peu nombreuses, capables
de s'adapter à un milieu aussi particulier qui, seules, subsistent.
COMPOSITION D'UNETOURBIERE
Les types de tourbières -
Dans ces deux types de tourbières se trouvent des espèces végétales qui peuvent se développer dans d'autres milieux.
Mais si la végétation offre des caractéristiques particulières,
une faune spécifique se maintient également dans ces sites profitables
par l'eau, aux batraciens, et par la flore voisine des tourbières,
aux oiseaux, en particulier au coq de bruyère (Grand Tétras) espèce
aujourd'hui en forte régression.
L'EVOLUTION DES TOURBIERES
Même en l'absence de conditions atmosphériques favorables, avec
une forte évaporation, la progression se traduit peu à peu en commençant
par les parties les plus élevées par un éloignement de la nappe phréatique
et un assèchement du milieu.
Cette modification entraîne un changement de la flore. Le milieu étant
trés acide et les éléments minéraux faisant défaut, la colonisation
primaire est le fait des mousses, lichens et éricacées. Parmi celles-ci,
la callune s'installe généralement en premier, devançant la brimbelle
des marais, l'airelle et la myrtille.
Apparaissent aussi les linaigrettes, les joncs, le scirpe cespiteux.
Peu à peu, le milieu se transforme en prairie humide. Puis s'installent
des arbustes ou des arbres tels que les bouleaux, épicéas, pins à
crochets, à moins que les conditions climatiques ne redeviennent
particulièrement humides pendant un laps de temps suffisant et redonnent
aux mousses l'occasion de reprendre leur extension.
CONCLUSION
La flore et la faune très spécifiques des tourbières méritent
de notre part une grande attention, et la conservation de ces milieux
doit être une préoccupation de notre époque devant les multiples
agressions dont ils sont l'objet.
Résumé d'une conférence du professeur BONNEFONT, président
de Nancy II.
Article paru dans Jardins de France n°10 - Octobre 1983
DIONÉE 8 - 1986 |