A la recherche des plantes carnivores d'Afrique du Sud
Article paru dans Carnivorous Plant Newsletter - Volume 10. Décembre 81
(Alain CHRISTOPHE)
Le choix d'un lieu de voyage est toujours difficile spécialement
lorsque le but du voyage est l 'étude de la flore, tant il y a de
magnifiques endroits de par le monde.
J'ai choisi l 'Afrique du Sud car c'est le pays où l'on trouve la
plus grande diversité de plantes. Parmi les quelques 200 ordres du régne
végétal, 180 d'entre eux existent ici avec plus de 18000 espèces (75% de
ces plantes ne poussent nulle part ailleurs dans le monde). Cette grande
diversité est principalement due à la grande variété du climat.
Sur la côte nord-ouest, l'océan Atlantique, avec son courant froid
du Benguela venant de l'Antarctique, ne permet les précipitations que sur
une bande de terre située entre la mer et les montagnes interceptant
presque toute l'humidité que le vent apporte de l'océan. Au delà de
cette barriére montagneuse, on découvre l 'aridité du Namaqualand
(1) et du
Karbo, ainsi que le fameux désert du Kalahari, au nord.
La partie sud-ouest du pays a un climat du type Méditerranéen avec
de remarquables paysages. Vers l'intérieur, le terrain remonte pour
former un plateau (Highveld) atteignant 2000 mètres. Ici, le soleil
brille presque tous les jours, et durant les nuits d'hiver, il y gèle.
Beaucoup plus loin vers l'est, le pays redevient plat et plus chaud
(Lowveld); c'est le pays de la brousse et des animaux africains. Enfin,
la côte Est bénéficie d'un climat semi-tropical à cause du courant chaud
du Mozambique qui la baigne.
La flore est très caractérisée en fonction de ces différentes
sortes de climats. Dans la partie aride, on trouve principalement des
succulentes (beaucoup de ces plantes se confondent par mimétisme avec
leur environnement), mais près du Cap de Bonne Espérance il y a des
Protéacées, Ericacées, Amaryllidacées. Gérianacées, Liliacées,
Orchidacées .... Roridulacées, Lentibulariacées et Droséracées!
En Afrique du Sud, il y a 18 espèces reconnues de Drosera, et
beaucoup sont très faciles à découvrir. Mon voyage s'est déroulé
entre août et octobre l980 qui est la meilleure période pour voir ces
plantes. En octobre, la plupart des Drosera peuvent être observés en
fleurs puisque cette époque correspond à notre printemps.
La première espèce que j'ai découverte était située sur la Montagne
de la Table, près de la ville du Cap. C'était Drosera trinervia qui
pousse aux endroits humides sur le flanc nord le long du chemin qui mène
au sommet. Cette plante forme une rosette de 3 à 4 cm de diamètre, son nom
vient de la présence de nervures qui sont très proéminentes sur la face
inférieure des feuilles. Les fleurs sont blanches ou roses. Cette
montagne ressemble beaucoup plus à un plateau et les Drosera trinervia
sont plus abondantes sur le sommet (Level Traverse). A côté de "Catchment
area" on pouvait trouver également des centaines de Drosera cuneifolia
avec quelques spécimens géants de 6 cm de diamètre. Sur la face Est, il y
a des Drosera hilaris, dans les Jardins Botaniques Nationaux de Kirstenbosch.
Celles-ci sont dans des endroits très ombrés et ressemblent à Drosera
capensis mis à part que les feuilles sont pubescentes.
Normalement, Drosera capensis est présente sur la face ouest
de la Montagne de la Table, mais je ne l'ai jamais vu personnellement.
J'ai pu voir également Utricularia capensis avec des fleurs blanches.
Les Drosera sont fréquemment visibles dans le sud-ouest de la
péninsule, mais c'est à la réserve naturelle de Fernkloof (à Hermanus
à environ 100 km de la ville du Cap) que j'ai pu voir le plus grand
nombre d'espèces. Ici, les été sont chauds et secs excepté sur les
montagnes où les nuages maintiennent une haute humidité; le printemps et
l'hiver sont humides et frais mais sans gelées. L'automne est la
meilleure période car il n'y fait pas aussi chaud qu'en été. Pour la
plus grande partie, les pentes sont abruptes sur la face sud de la même
manière que la Montagne de la Table. La majeure partie de la réserve
atteint une altitude de 300 m avec des pics situés à 600 m environ, le
plus haut sommet étant à 825 m. L'endroit est très escarpé, principalement
vers les ravins de la face sud, ceci offrant une grande variété
d'habitats: petits ravins boisés parmi lesquels coulent des petits
ruisseaux; escarpements rocheux faisant face à des vallées chaudes et
sèches; grandes étendues marécageuses et tourbeuses; plateaux sableux et
rocheux. C'est une grande diversité d'habitats qui contribue à la
régénération de la flore locale (fynbos)(2).
SOL.
A cause de la topographie généralement escarpée et du lent
taux de dégradation du grès quartzeux,il y a très peu de possibilité
d'évolution du sol. La majorité des sols ne possèdent pas d'argile et
sont constitués de résidus sableux grossiers rarement plus profond que
30 cm. Les résidus organiques se décomposent très lentement à cause du
milieu acide et de leur dispersion dans la structure sableuse, ils
semblent jouer un rôle important dans la capacité de rétention en eau.
Cette composition minimise les pertes en eau par écoulement et drainage
permettant ainsi l'apparence verdoyante de la flore même en milieu
d'été. Sur les sites humides en permanence, la tourbe s'accumule et une
flore caractéristique peut se développer.
FLORE.
On trouve ici le même type de végétation que sur la Montagne de
la Table. On peut voir de magnifiques Erica, Berzelia, Protea et de très
nombreuses espèces de Drosera comme Drosera cistiflora avec ses fleurs
blanches à rose pâle. Cette plante atteint 20 à 30 cm. Elle est très
bien distribuée dans la réserve, mais il est très rare de trouver plus
de 4 à 6 spécimens ensemble. Pendant l'été, la partie aérienne de la
plante disparait pour recroître en hiver. Une autre espèce qui est
fréquemment vu ici est Drosera glabripes, on peut la voir durant toute
l'année, je n'ai pas aperçu de fleurs, ce qui me laisse à penser
qu'elles apparaissent en été. Cette plante possède une tige garnie avec
les vieilles feuilles qui peut mesurer 25 cm et plus. La plupart du temps
la plante est prostrée sur le sol.
Le Drosera le plus commun est certainement Drosera trinervia qui
comme sur la Montagne de la Table, est présent partout, mais ici, les
plantes sont plus petites et les fleurs sont blanches uniquement.
Drosera aliciae se trouve également dans la réserve sous différentes
formes. Drosera hilaris est moins abondant ici qu'à Kirstenbosch mais il
est beaucoup plus coloré car mieux exposé au soleil. Les fleurs sont
magenta et s'ouvrent en septembre.
J'ai vu ici une autre espèce qui est un hybride naturel entre
Drosera cistiflora et une autre espèce en rosette ou bien simplement une
forme de Drosera cistiflora . La tige est plus courte (5 à 7 cm) avec
seulement une feuille. ( Drosera cistiflora mesure 20 cm). Malheureusement
les fleurs étaient déja toutes passées.
Aux abords d'un petit ruisseau qui coupait le sentier sablonneux,
j'ai pu remarquer quelques Utricularia capensis avec des fleurs roses.
Les plantes avaient la même taille que celles vues sur la Montagne de la
Table. Les feuilles ( 1 mm) sont pratiquement impossible à voir sans la
présence des fleurs.
Une autre plante que l'on peut voir dans la réserve est Roridula
gorgonia (attrape-mouche géant) que l'on a longtemps considéré comme
étant un arbuste insectivore. S'il attrape les insectes, il ne les
digère pas, par contre, c'est un petit scarabée qui vit sur la plante
sans être englué qui se nourrit des proies! Cette plante et son cousin
plus petit Roridula dentata appartiennent tous deux à la famille des
Roridulacées qui comprend deux espèces endémiques de l'Afrique du
Sud. Cet arbuste peut atteindre 1 m de haut, les feuilles sont situées
à l'extrémité des branches. Les fleurs sont roses. C'est une plante très
rare qui est seulement localisée à Hermanus en très petits groupes et
dans quelques autres places dans l'ouest du pays.
Dans la province du Cap, où j'étais établi, il était possible de
découvrir également d'autres espèces de Drosera (alba, ramentacea, regia
capensis, pauciflora, Roridula et aussi des Lentibulariacées (Utricularia).
Toutes les autres espèces de Drosera (burkeana, collinsiae, dielsana,
natalensis, madagascariensis. et indica) sont localisées dans l'est du
pays ( Natal & Transvaal).
Mon intérêt pour ce pays était pour toutes les plantes en général,
mais plus particulièrement pour les plantes carnivores, les succulentes,
les Ericacées ainsi que les Protéacées !
(1)
Namaqualand : Semi-désert où croissent des succulentes et où, au
orintemps, après les pluies d'hiver des milliers de
fleurs sauvages apparaissent.
(2)
Fynbos : Arbustes de croissance lente, caractéristiques du Cap.
Le terme vient de l'Afrikaano et signifie "courte vie",
car ces plantes résistantes à la sécheresse vivent rarement
plus de 25-30 ans. Les incendies permettent la régénération
de cette flore qui est un élément significatif de la
flore du Cap.
Ma gratitude à Monsieur WOODVINE, curateur de la Réserve Naturelle
de Fernkloof qui m'a aidé dans l'élaboration de cette article.
DIONÉE 8 - 1986
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