Observations sur l'hivernage des plantes carnivores (hiver 84-85) (René AUBRY)
S'il existe peu d'ouvrages en langue française traitant des
plantes carnivores, le chapitre concernant la rusticité de celles
ci sous nos climats, se limite souvent à quelques notions très
succinctes.
J'ai trouvè, par hasard, dans un livre d'horticulture du
XIXème siècle, une communication faite au Congrès Botanique de
1867 par Mr David Moore, directeur du Jardin Botanique de Dublin.
"Mis en plein-air en l866, dans le jardin de Dublin, Sarracenia
purpurea a traversé sans en souffrir, l'hiver de 1866-1867 pendant
lequel la température est descendue jusqu'à 14° au dessous de zéro".
Les vagues de froid successives de janvier et février 1985
nous permettent, grâce aux observations de quelques adhérents
de faire le point sur la rusticité de plusieurs espèces de plantes
carnivores.
Nous complètons ainsi les observations faites, il y a plus
d'un siècle par cet honorable citoyen britannique.
Pierre Sibille a noté ces quelques informations :
Dans ces conditions, les Pinguicula moranensis, P.agnata,
P.ehlersae, P.rosei, P.primuliflora se maintiennent bien et
certains fleurissent ; les Drosera pygmées produisent leurs
propagules (gemmae) et celles-ci, prélevées et plantées, se
développent bien. Pour ces drosera, un généreux apport de
lumière artificielle semble indispensable.
Bruno Boff de Levallois-Perret (92) a relevé les températures de
janvier et de février, de la station météorologique de Ferrières
(Seine et Marne), et de la station de Melun-Villaroche.
Durant la période de froid de janvier, le sol a été recouvert
de 5 à 6cm de neige, protègeant quelque peu les racines des plantes.
La température la plus basse a été enregistrée le 17
Janvier avec -21,2° durant la nuit. A partir du 19 Janvier,
les températures ont été légèrement positives. Pendant les
trois semaines de répit, le radoucissement a entièrement
débarrassé le sol de sa couche de neige et l'effet protecteur
de celle-ci ne s'est plus fait sentir, lors de la vague de froid
de Février.
Malgré cela, les plantes suivantes ont parfaitement résisté.
Jacques Haldi possède aux environs de Genève une petite serre non
chauffée l'hiver. Au fil des ans, il a sélectionné un éventail de
diverses plantes carnivores pouvant résister sans problème à ce
traitement.
La période de froid intense de cet hiver, le manque de
neige en février ont gelé le sol sur plusieurs cms pendant
près de trois semaines, à l'intérieur de la serre.
Les plantes suivantes ont parfaitement résisté, à ce mauvais
traitement.
Sarraceniacées : Darlingtonia californica, Sarracenia flava,
S. rubra, S. alata, S. minor, S. purpurea purpurea, S. purpurea venosa,
S. purpurea gibosa, S. purpurea heterophylla et différents hybrides.
Droseracées : Dionaea muscipula, Drosera anglica,D. rotundifolia,
D. binata, D. capensis, D. filiformis, D. linearis, D. dielsana,
D. linearis, D. cuneifolia.
Cephalotacées : Cephalotus follicularis bien que malmené par le gel,
est reparti au printemps.
Les dégâts : D. aliciae - D. intermedia - D. spathulata -
D. brevifolia - D. villosa - D. capillaris - D. admirabilis ainsi
que Drosophylum lusitanicum n'ont pas survécu.
Philippe Claret de Saran (45) confirme les observations sur
différentes espéces de Sarracenia, sur Darlingtonia californica,
sur Dionaea muscipula et sur Drosera capensis.
"Toutes ces espèces ont bien supporté des températures de l'ordre
de -8°, simplement protégèes par des cartons le soir.
Sarracenia psittacina a passé l'hiver immergé et s'est retrouvé,
un matin, entiérement pris dans la glace. Je l'ai alors mis a une
température légèrement supérieure pour le dégeler. Il a connu
ensuite les mêmes conditions de culture que les autres Sarracenia.
Dès le mois de mars, Darlingtonia et Sarracenia ont été laissées
dehors sans protection et ont supporté des légères gelées nocturnes.
D. capensis tenu au sec, a gelé mais est reparti de la racine (voir
article de Frère Roy sur le bulletin N°5).
J'ai remarqué que cette année mes plantes ont beaucoup plus fleuri,
peut-être que cette période trés froide leur a êté bénéfique".
Olivier Morin de Hainneville (50) a installé dans son jardin, une
verrière en partie enfoncée dans le sol. Il l'a séparée en deux
parties, et a maintenu un de ces compartiments, hors gel, grâce à
deux ampoules de 100 W et aussi à la neige, qui a fait isolant.
"Trois dionées, une Sarracenia flava et une Sarracenia purpurea
ont bénéficié de ce traitement de faveur et ont passé sans encombre
les durs mois d'hiver".
Tous ces différents témoignages confirment la rusticité
de toutes les Sarracenia et de Darlingtonia.
Dn peut ajouter à cette liste quelques espèces de Drosera.
Bien sûr, cette liste n'est pas exhaustive, et certaines variétés
de Pinguicula et d'Utriculaires peuvent venir la compléter.
Nous comptons sur vous, chers amis pour nous faire part de vos
constatations.
Toutefois, il faut prendre garde de ne pas laisser une potée en
plein vent sans protection. Même la plante la plus robuste ne
survivrait pas à ce traitement. Le même pot enterré ou protégè
sommairement par des journaux, des feuilles sèches ou tout autre
isolant double sa chance de survie.
Attendons toujours avant de jeter une plante apparemment gelée,
le printemps nous réserve parfois de bonnes surprises.
DIONÉE 6 - 1985
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