Plantes carnivores de nos régions
Avis de recherche pour Aldrovanda
(Pierre Sibille)
Jamais très communes, mais parfois localement abondantes, rossolis,
grassettes et utriculaires nous réserveront peut-être, lors de nos
promenades estivales, l'émotion de la découverte. Les unes et les
autres existent : je les ai rencontrées... Mais l'Aldrovandie, vous
connaissez, vous ? Je la décrirai un peu comme on parle d'un
personnage de légende. D'après les flores anciennes, cette plante
aquatique hantait certains étangs et fossés de Gironde et des
Bouches-du-Rhône. La trouve-t-on encore dans les eaux stagnantes
des Landes ? L'enquête est ouverte...
S'il est douteux que cette espèce subsiste encore en France, elle
n'est pas en voie de disparition - A. Slack le souligne dans
"Carnivorous Plants" - car la répartition géographique de l'Aldrovandie
est très vaste. On la trouve ici et là dans le S.-O. de l'Europe, en
certaines régions d'Afrique, aux lndes, au Japon et en quelques points
d'Australie.
Un écouvillon flottant...
Mais venons-en au portrait de cette plante énigmatique dont le
nom de genre honore la mémoire d'un naturaliste italien du XVIè siècle,
Aldrovandi.
Comme les rossolis, le Drosophyllum et la Dionée, le genre Aldrovanda
appartient à la famille des Droseracées. La seule espèce de ce
genre est notre mystérieuse - et donc, très désirable - Aldrovanda
vesiculosa.
Voilà un nom bien long pour cette plante flottante à l'aspect de
goupillon dont la tige rarement ramifiée ne dépasse guère 15 cm !
"Cette taille demeure constante pendant la croissance de la plante car
à mesure que la pointe de la tige se développe, la base meurt et se
désintègre" (A. Slack, ouvr. cité).
Il n'y a pas de racines. Les feuilles sont disposées en verticilles
dont chacune a l'aspect d'une roue (les Anglo-Saxons appellent cette
plante Waterwheel plant, plante à roue hydraulique). Chaque "rayon"
est formé d'un pétiole s'élargissant vers son extrémité où il porte de
quatre à huit poils et la feuille formant un piège bilobé. Les fleurs,
très rares, solitaires, portées par un pédoncule plus long que la
feuille, ouvrent en été, juste au-dessus de la surface de l'eau, leurs
corolles aux cinq pétales blancs. Le fruit, une capsule, contient de 6
à 8 graines noires et oblongues.
Comme une Dionée minuscule...
Le piège, tant par sa structure que par son fonctionnement, ressemble
beaucoup à celui de la Dionée mais il est dix fois plus petit. Le
limbe est en effet constitué de deux lobes longs de deux à trois mm et
articulés sur la nervure médiane. Relativement épais à leur base, près
de la "charnière", les lobes vont en s'amincissant vers les bords. Leur
marge, repliée vers l'intérieur est garnie de nombreuses aspérités
monocellulaires évoquant des dents de scie; elles sont l'équivalent
des longues "dents" multicellulaires de la Dionée.
A l'intérieur du piège, les lobes, dans leur partie inférieure, sont
garnis de nombreuses glandes globuleuses et de poils "déclencheurs".
Tantôt un seul, tantôt plusieurs contacts sur ces poils provoquent
la fermeture du piège. Dans un premier temps, les bords des lobes se
joignent, les dents s'intercalent. L'animal capturé s'agite à
l'intérieur et de nouveaux stimuli entraînent la seconde phase :
courbure des lobes dans leur partie épaisse qui a pour conséquences
l'expulsion de l'eau et l'accolement des parties minces. La proie est
alors chassée vers la base du piège où les glandes sécrètent les
enzymes digestifs (estérase, phosphatase acide, amylase et protéase)
puis absorbent ies produits de la digestion. Quelques jours après la
capture, le piège se rouvre, dans l'attente d'une nouvelle victime.
Toute l'opération est minutieusement décrite par F.E. Lloyd (The
carnivorous plants) ainsi que par A. Slack (Carnivorous Plants) qui
donne des conseils de culture précis et basés, comme pour toutes les
autres espèces, sur une longue expérience. Votre précieux brin
d'Aldrovanda exigera un certain degré d'acidité pour l'eau de son
aquarium, dont une couche de quelques cm de tourbe garnit le fond.
L'eau doit être claire, d'une légère nuance jaune paille. Bien
qu'Aldrovanda puisse vivre en eau froide - avec, dans ce cas, un
repos hivernal - la croissance est plus rapide et permanente, les
pièges plus actifs si l'on maintient la température vers 20-24°.
Eliminer les algues vertes qui inhibent le développement de la plante.
Cultiver, multiplier Aldrovanda, réinstaller cette plante dans
quelque habitat naturel, pourquoi ne pas inscrire ce projet dans
les objectifs de notre association ?
DIONÉE 5 - 1985 |