Comment naît une passion dévorante pour les Plantes Carnivores (Pierre SIBILLE)
Tout amateur de botanique ou d'horticulture, qu'anime la passion des
plantes, cherche constamment à élargir le champ de ses connaissances, de
ses observations, de ses expériences et essais d'acclimatation. Cette
quête permanente dans l'immense terrain de découvertes qu'est la nature,
permet, hors des sentiers battus, de rencontrer telle ou telle espèce
insolite de la flore indigène ou de la flore exotique. Au cours de ces
investigations dans le monde végétal, on ne peut manquer d'en découvrir,
certain jour faste, l'un de ses aspects les plus curieux : les plantes
carnivores.
Rencontre fortuite bien souvent. Le promeneur qui préfère, quelque temps,
la solitude d'une lande à la bruyante animation de la plage voisine, aura
peut-être la chance de voir, entre les touffes de bruyère ou de joncs, sur
un coussin de mousse, scintiller la couronne d'un Droséra. Au bord d'un
torrent, où le montagnard explore un passage incertain sur les roches
mouillées. la Grassette étale sa rosette charnue d'où jaillissent les
délicates fleurs violettes ou blanches. Où bien encore, et cette fois-ci
en pleine cité, une surprise attend le passant contemplant un étalage de
fleuriste des Dionées ouvrent leurs mâchoires cramoisies et d'obèses
Sarracénias cachent sous leur allure débonnaire, le piège fatal de leurs
puits ténébreux.
Il faudrait être bien indifférent aux choses de la nature pour que ces
rencontres inopinées ne retiennent quelque peu l'attention. Et ce qui,
au début, n'est qu'un mouvement de curiosité, peut devenir une véritable
fascination.
Nous retrouvons devant ces plantes, le sentiment d'émerveillement qui
saisissait, par exemple, les découvreurs de la Dionée il y a deux siècles.
Nous faisons nôtres leurs narrations enthousiastes, n'en déplaise aux
froids esprits positivistes.
Sans aucunement vouloir "privilégier" les plantes carnivores par rapport
à tant d'autres que nous admirons, que nous aimons observer, cultiver, on
doit leur reconnaître des "mérites", particuliers : adaptation à des
milieux plutôt défavorables, convergence de formes et de procédés de
capture, subtilité des relations qu'entretiennent avec l'insecte ces
"producteurs-consommateurs" rebelles à l'insertion dans une chaîne
alimentaire ! Mais, d'emblée, elles séduisent par leur étrangeté, leur
beauté.
Alors, laissons-nous attirer, succomber au charme et - que le lecteur me
pardonne cette trop facile métaphore - devenir à notre tour la proie des
plantes carnivores.
DIONÉE 1 - 1984
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