BYBLIS Jean-Daniel DEGREEF PUBLICATION ET ORIGINE DU NOM: Byblis liniflora fut publié dès 1808 par SALISBURY (Parad. London, pl. 95). B. gigantea apparaît dans LINDLEY. Sketch Veg. Swan River (1839), app. 21. Les botanistes du début du siècle dernier étaient pétris de culture classique. Le scintillement des milliers de gouttelettes de Byblis liniflora évoque un peu le jaillissement de l'eau d'une fontaine. Ils y reconnaissaient la légendaire nymphe Byblis, dont le destin tragique fut décrit par les poètes alexandrins et par divers auteurs classiques, dont Ovide. Byblis était la fille de Miletos, roi de Milet et petit-fils du légendaire Minos de Crète. Elle tomba éperdument amoureuse de son frère Kaunos. Epouvanté, celui-ci fuit la cité et fonda la ville sud-carienne qui porte son nom. La princesse ne pouvait survivre au sentiment de culpabilité et à cet amour qui la consumait. Certains disent qu'elle se pendit à un chêne, et que de ses larmes naquit une source nommée Byblis. Selon d'autres, elle erra longtemps à la recherche de son frère jusqu'à ce qu'épuisée elle s'effondre en larmes et soit transformée en source. D'autres encore pensent qu'elle s'apprêtait à se jeter d'un rocher et que les nymphes, ayant pitié d,elle, la transformèrent en une source nommée Dakryon Byblidos (Larme de Byblis). Cette légende expliquait la présence d'une source sacrée liée au culte d'Aphrodite de Milet. On y reconnaît les thèmes classiques des religions agraires du Proche-Orient: les 'amours' saisonniers, générateurs de fertilité, entre la déesse de l'eau souterraine (p. ex. Anat, cf. Arabe 'ayn', source) et le dieu des nuages, donnant la pluie (ex.: Baal), la 'disparition' de ce dernier, qu'on 'cherche' et 'pleure' à la fin de la saison pluvieuse... ORIGINE DES BYBLIDACEES: On trouve donc en Australie moderne deux espèces de Byblis: une plante tropicale, B. liniflora SALISB., qui croît dans le Nord et le Nord-Est du continent, et une espèce de plus grande taille, qui s'est adaptée aux conditions arides régnant dans le Sud-Ouest: B. gigantea LINDL. Ces deux espèces se ressemblent beaucoup, et forment le genre Byblis. L'étude des végétaux apparentés ne permet pas de placer ce genre dans une autre famille. On est donc bien obligé d'en créer une spéciale, les Byblidacées (avec un seul genre, Byblis, et deux espèces). La position de cette famille dans le règne végétal est encore discutée. Tout ceci n'a pas qu'un intérêt académique, car des familles proches ont forcément des ancêtres communs, et I'étude des espèces actuelles peut permettre de comprendre les mécanismes évolutifs qui ont mené au développement de la carnivorie chez Byblis. On n'admet plus depuis les travaux de DIELS (1906, p. 51), les relations postulées naguère avec les Droseracées, pas plus que celles proposées par LANG (1901) avec les Lentibulariacées. Une affinité avec l'Ordre des RosaIes est indéniable, et fut encore confirmée par une étude récente de l'anatomie du bois (CARLQUIST, 1976). Une famille semble être assez proche des Byblidacées: les Pittosporacées, dont une espèce (Cheiranthera) possède une fleur ressemblant à celle de Byblis gigantea. Les Byblidacées suivent effectivement les Pittosporacées dans DIELS, 1930, WETTSTEIN, 1935 et BLACKALL, 1959. Deux ouvrages encore plus récents donnent les classifications suivantes: HUTCHINSON. 1959: Ordre Pittosporales: -familles: Pittosporaceae Byblidaceae Tremandraceae Vivianaceae Stegnospermaceae (ces deux dernières sans doute à exclure) THORN. 1968: Ordre Pittosporales: -sous-ordre Daphniphyllinae: famille Daphniphyllaceae -sous-ordre Pittosporineae: familles Pittosporaceae Byblidaceae Tremandraceae -sous-ordre Brunineae: familles Roridulaceae Bruniaceae Geissolomataceae Grubbiaceae Hydrostachyaceae Myrothamnaceae. Cette énumération un peu aride nous apporte au moins une surprise: la parenté entre Byblis et les Roridulacées. Les deux espèces de cette dernière famille sont bien connues des amateurs de plantes carnivores. Elles capturent les insectes grâce à des tentacules ressemblant fort à ceux des Drosera et de Drosophyllum. On les a donc longtemps considérées comme des carnivorophytes, avant que LLOYD (1934) ne découvre que leur sécrétion collante est une résine et non du mucus, que l'anatomie des glandes n'est pas celle qu'on avait décrite, que Roridula ne digère pas les proies et ne résorbe pas les produits de décomposition. La production de sécrétions engluantes doit donc être un mécanisme de défense contre les parasites. Elle a des parallèles dans d'autres familles proches de Byblis. Les Pittosporacées produisent elles aussi de la résine, qui chemine dans des canaux proches des faisceaux vasculaires. Les Bruniacées possèdent des feuilles étroites ou en écaille, à pointe glandulaire. Certaines Tremandracées (Platytheca sp., Tetratheca glandulosa) ont des poils glandulaires à tête sphérique. On peut sans doute conclure que les ancêtres de Byblis étaient eux aussi couverts de telles glandes protectrices. Ces dernières se sont alors transformées en structures permettant la carnivorie. Notons au passage que les glandes de Byblis sont de simples poils (trichomes) spécialisés. Les glandes pédiculées seraient nées de l'allongement de la cellule-tige des trichomes sessiles. Chez les Drosera et chez Drosophyllum par contre, le pédicule est une expansion du limbe de la feuille, avec épiderme, parenchyme et tissu vasculaire. Chez ces espèces seule la tête glandulaire est un trichome. Grâce à cette structure évoluée, les tentacules de Drosera sont capables de se courber, amenant ainsi leur glande en contact avec la proie. Un tel mécanisme n'est pas envisageable pour les glandes de Byblis, dont le pédicule est unicellulaire. Il est possible que les 'feuilles' de Byblis soient en fait des tiges transformées: près de leur base, les faisceaux vasculaires présentent une disposition en anneau très similaire à celle de la tige vraie. De plus, cette dernière (tout comme les tiges florales) porte des glandes pédiculées et sessiles identiques à celles des 'feuilles'. Le passage à la carnivorie implique que les ancêtres de Byblis vivaient dans un biotope pauvre. Celui-ci était-il humide et marécageux, comme celui de Byblis liniflora, ou constitué de landes plus sèches comme celles ou croît Byblis gigantea ? Pendant une grande partie du Tertiaire l'Australie a joui d'un climat tropical humide. Il y avait déjà des régions plus sèches pourtant, avec une flore adaptée à ces conditions. Les changements de latitude et les modifications des circulations océanique et atmosphérique provoquées par la dérive continentale de l'Australie, induisirent une dégradation du climat. La taille des régions arides augmentait en conséquence. les végétaux spécialisés, initialement confinés dans de petites poches sèches, en profitaient pour coloniser les nouveaux terrains. Il semble que les Byblidacées ne fassent pas partie de ces plantes xérophiles archaïques. L'étude anatomique du bois de Byblis gigantea révèle la présence de vaisseaux trachéidaux à plaques scalariformes. Les autres espèces locales possèdent des vaisseaux à plaques simples, typiques des végétaux xéromorphes. Un bel exemple est le genre ouest-australien Hibbertia, qui possède parfois des plaques terminales à perforations multiples, mais qui tend à avoir des plaques simples lorsqu'il croît dans des lieux plus secs. On peut penser dès lors que le biotope primaire de Byblis était plutôt humide comme celui de l'espèce liniflora actuelle. Byblis gigantea serait une forme plus évoluée, adaptée secondairement à des sites plus secs. Cette hiérarchie évolutive est-elle confirmée par les caryotypes ? B. liniflora a 2n = 32 chromosomes, B. gigantea seulement 18). On peut s'étonner que c'est l'espèce la plus grande qui possède le plus petit nombre de chromosomes. L'étude des Drosera, où l'on dispose de très nombreuses espèces, permet de dégager les grands mécanismes de l'évolution chromosomique. Les espèces primitives ont toutes le même nombre de chromosomes (2n = 20 par exemple chez D. burmanni, D. arcturi, D. intermedia...). Puis on voit apparaître des polyploïdes (doublement, triplement etc... des assortiments complets de chromosomes comme chez D. capensis: 2n = 40; D. cistiflora: 2n = 60; D. aliciae: 2n = 80...). Ces plantes sont souvent plus grandes que les espèces diploïdes d'origine. Interviennent ensuite des phénomènes de fusion chromosomique: la quantité totale décroît, et n'est plus un multiple du nombre de chromosomes initial (D. cuneifolia, D. peltata: 2n = 32; D. menziesii: 2n = 26). Dans les cas les plus avancés on peut même avoir moins de chromosomes qu'au tout début de l'évolution (D. pulchella: 2n = 18: D. paleacea: 2n = 10 !). Le nombre réduit de chromosomes chez Byblis gigantea est donc compatible avec la position évolutive avancée de cette espèce, sans toutefois que l'on puisse préciser le nombre de chromosomes initial des Byblidacées. Au moment des Glaciations du Quaternaire, la baisse importante du niveau des mers mit à sec le plateau continental au Nord de l'Australie. B. liniflora dut coloniser ces régions maintenant à nouveau inondées. L'espèce croît toujours en Nouvelle-Guinée. Lors des Interglaciaires (Pluviaux), elle gagna l'intérieur de l'Australie, où elle s'accroche encore à quelques trous d'eau. AIRE GEOGRAPHIQUE DES BYBLIDACEES : Celle de Byblis liniflora comprend les côtes septentrionales, de la De Grey River, à 20° S. (West Australia), au plateau de Kimberley, la côte et des trous d'eau à l'intérieur des Northern Territories, des sites au Nord de Camooweal (20° S.), la côte Est du Queensland via Cairns jusqu'à Proserpine (à nouveau 20° de latitude Sud !). L'aire de B. gigantea est beaucoup plus réduite: entre les rivières Murchison et Murray (West Australia). Il s'agit d'une région étroite, longue de 600 km, dont la limite septentrionale se trouve au Sud de Geraldton et la limite méridionale à 80 km au Sud de Perth. N.B.: le site à Byblis liniflora décrit en Nouvelle-Guinée est un marais où l'espèce est clairsemée, et qui est situé à 25 km ONO de Merauke, à 10 km au Nord de l'embouchure de la rivière Kumbe, près de Kurik (marais Nord). Il n'est pas certain que ce site existe encore car en 1962 on commençait à aménager des rizières dans les environs. BIOTOPE: Les côtes Nord de l'Australie jouissent d'un climat tropical. La saison des pluies (mousson) coïncide avec l'été. L'hiver est sec, avec des températures variant entre 16 et 40°C. Les paysages ici sont faits de marais côtiers, de lagunes, de mangroves. La végétation est luxuriante par endroits, dominée par les Myrtacées (Eucalyptus). Plus on descend vers le Sud, plus les précipitations deviennent rares. La forêt se désagrège et cède graduellement la place à des plaines couvertes de broussailles adaptées à la sécheresse (scrub). Certaines zones sont carrément désertiques. Byblis liniflora croît dans des endroits ouverts, ou dans des bois clairsemés. Le terrain y est sablonneux et porte d'autres petites annuelles qui couvrent le sol après les pluies estivales. Byblis semble préférer les points les plus humides. L'espèce est abondante près des rivières et ruisseaux, des mares saisonnières, des endroits détrempés ou marécageux. Lorsque l'eau devient rare, l'espèce s'accroche encore autour des flaques rocailleuses dans le lit des rivières. La plante profite de la pénombre des arbres et des herbes et plantes assez abondantes pendant la saison des pluies. Elle croît côte à côte avec Drosera indica L. (avec laquelle elle est parfois confondue), D. petiolaris R. Br., D. spatulata LABILL., D. burmanni VAHL et Utricularia chrysantha R. Br.. Le biotope de Byblis gigantea est fort différent. Le climat du Sud-Ouest de l'Australie est méditerranéen, c'est à dire qu'il pleut l'hiver. La saison sèche coïncide avec les chaleurs estivales, ce qui met les végétaux à rude épreuve. Les adaptations que cela a entraîné au cours des millions d'années, et le fait que les saisons sont inversées par rapport au Nord, expliquent l'endémisme élevé de la flore locale. Certaines parties du Sud-Ouest sont fertiles (cultures céréalières), d'autres sont boisées ou marécageuses. L'habitat classique de Byblis gigantea est plat, et marécageux l'hiver. Le sol y est un sable quartzeux grossier, avec de l'argile blanche ou jaune et un peu d'humus. Le faible nombre d'espèces qui y croissent donne une impression de stérilité. A 30-60cm sous la surface, on trouve un substrat imperméable. De ce fait, toute la zone devient détrempée et marécageuse lors des pluies hivernales. Il n'y a jamais toutefois d'eau stagnant en surface, sauf juste après une averse. Le sol redevient rapidement humide plutôt que mouillé. L'été la surface est sèche et cuite par le soleil. Il faut creuser à 60cm pour trouver de l'humidité à ce moment. B. gigantea est confiné à ces zones stériles, où il peut être abondant. Les plantes qui l'accompagnent sont carnivores pour la plupart: ce n'est évidemment pas un hasard ! On décrit: Polypompholyx multifida (R. Br.) F. MUELL., Drosera drummondii LEHM., D. leucoblasta BENTH., D. nitidula PLANCH., D. pulchella LEHM., D. glanduligera LEHM., D. menziesii R. Br., D. macrantha ENDL., D. gigantea LINDL., D. pallida LINDL., D. stricticaulis O.H. SARGENT, D. erythrorhiza LINDL., D. zonaria PLANCH., D. stolonifera ENDL. Les cuvettes humides et infertiles sont bien délimitées. Tout autour, les sols meilleurs sont couverts de nombreux arbres et de buissons (Protéacées et Myrtacées). Byblis gigantea y est absent. Le plus connu de ces marécages à B. gigantea est Cannington Swamp près de Perth, où l'espèce est menacée par les travaux d'assèchement entrepris depuis les années 50. On sait moins que B. gigantea est florissant dans un autre biotope, fort différent du premier. En effet, l'espèce croît aussi sur des rochers et des collines sablonneuses parsemées de cailloux latéritiques, tels certains sites décrits à 200 km au Nord de Perth. Les phases pluvieuses préhistoriques ont lessivé ces terrains, dont la fertilité est quasi nulle, et qui sont tellement perméables qu'ils ne sont jamais vraiment mouillés, même après les pluies. Les collines portent une végétation broussailleuse basse (60-120cm) assez serrée. B. gigantea est plus commun ici qu'à Perth, les populations sont plus denses malgré la concurrence d'autres végétaux. La morphologie des plantes et des fleurs diffère légèrement par rapport aux spécimens méridionaux, comme nous le verrons. DESCRIPTION GENERALE: A part la taille, il n'y a que quelques détails anatomiques qui différencient les deux espèces. Nous commencerons par Byblis gigantea, la plus étudiée. C'est une plante vivace, haute de 30-40cm mais pouvant atteindre 75cm. Toutes les parties aériennes portent des glandes, même les tiges florales et les sépales, où elles sont même plus nombreuses éventuellement que sur les feuilles. Le halo brillant créé par les sécrétions est vraiment spectaculaire. L'ensemble de la plante est d'un vert jaunâtre. B. gigantea peut survivre aux étés brûlants grâce à son rhizome, forte tige souterraine boisue et dure. Celle-ci porte des racines longues d'environ 60cm, ce qui doit permettre d'atteindre la nappe phréatique même en été. Le rhizome croît d'un côté et se décompose de l'autre. Le vieux côté porte les restes effilochés d'anciennes tiges. L'extrémité jeune produit la tige annuelle. Les insertions des tiges successives sont disposées en spirale. Les plantes d'un certain âge peuvent devenir assez touffues. Elles produisent souvent plusieurs tiges par année, dont le diamètre peut atteindre 1cm. De plus, elles peuvent se ramifier. Les feuilles sont longues et étroites. A la base de la tige les internoeuds sont plus courts et les bases foliaires plus larges que distalement. En section, les feuilles sont triangulaires à angles arrondis, avec une faible nervure médiane. Leur longueur peut atteindre 15-30cm. La largeur varie entre 2.5 mm à la base et 1 mm au milieu. Les feuilles forment un angle aigu avec la tige, elles sont presque verticales et présentent leur face dorsale (abaxiale) vers l'extérieur. C'est pourquoi les glandes pédiculées se trouvent surtout de ce côté, contrairement à la situation chez les Drosera. La pointe des feuilles est enflée, bosselée, rougeâtre sur 4-5cm. Nous aurons à revenir sur son anatomie microscopique. Les tiges florales naissent de pratiquement chaque aisselle de feuille et sont dépourvues de bractées. Elles mesurent 11-13cm de long. Chacune d'elles porte une seule fleur magenta de 3 à 5cm de diamètre. Les sépales lancéolés alternent avec les pétales et les étamines. Ils sont parfois plus longs que les pétales, et dans les variétés où ceux-ci sont étroits, la fleur acquiert une forme en étoile assez gracieuse. Les sépales portent des glandes pédiculées sur leur face dorsale, et leur apex est enflé comme celui des feuilles. Les pétales soyeux et irisés sont de couleur lilas-magenta vive. Le bord distal est denticulé. Les bases des pétales sont fusionnées à des degrés divers, et on a pu considérer Byblis comme un genre archaïque de la famille (sympétale) des Lentibulariacées. Des différences micro-anatomiques ont rapidement fait rejeter cette attribution, comme nous l'avons déjà précisé. Les 5 étamines se composent d'un filet court et trapu, s'amincissant vers l'apex, et d'un anthère jaune vif en pointe de flèche. La longueur des cinq anthères d'une même fleur n'est pas identique, p. ex. dans l'ordre 5, 5.5, 6, 6.5, 5 mm. Les étamines sont rassemblées en un faisceau tordu vers un côté de la fleur, et dominent le stigma du style. On se méfiera de dessins anciens réalisés à partir de spécimens pressés provenant d'herbiers, où ceci n'apparaît pas toujours. La paroi extérieure de l'ovaire est dépourvue de glandes. Une coupe démontre la présence de deux compartiments avec un carpelle chacun. Chez les Drosera il n'y a qu'un seul compartiment avec trois carpelles portant les précurseurs des graines. Le style en forme de colonne est long d'1cm, et se termine par un petit bouton stigmatique pourpre, doté de papilles. La capsule est dotée de deux valves. Les graines sont ovales-elliptiques, irrégulièrement ridées et verruqueuses, de couleur brun-noire. Byblis liniflora ressemblerait beaucoup à un B. gigantea dont toutes les dimensions seraient réduites de moitié. C'est une petite plante haute souvent de 6-10cm. Les racines sont courtes, ramifiées, peu développées dans l'ensemble. La plante tend donc à se coucher. La tige est mince. Elle peut atteindre une longueur de près de 90cm ! La longueur des feuilles filiformes varie entre quelques centimètres à 15cm chez les plantes de grande taille. Les jeunes feuilles sont circinées (enroulées en spirale), et la concavité de la spirale est latérale, comme chez Drosophyllum, et contrairement à ce qui s'observe chez les Drosera. Les glandes pédiculées sont à la mesure de la plante, c'est à dire plus courtes que celles de B. gigantea. Comme dans cette dernière espèce, elles sont de longueurs très inégales. Les tiges florales sont axillaires et couvertes de glandes. Chacune porte une seule fleur, dont les sépales glanduleux alternent avec les pétales longs d'un cm. Ces derniers sont larges, de couleur bleu pâle à rose bleuté. Le bord est denticulé. Les étamines possèdent des anthères jaunes en pain de sucre. L'ovaire est couvert de petites glandes pédiculées. La capsule est transparente, et contient les graines elliptiques noires à enveloppe réticulée, longues d'un mm... On le voit, les différences avec Byblis gigantea ne sont pas nombreuses. On ne confondra pourtant pas un jeune plant de B. gigantea avec B. liniflora si l'on tient compte de: 1° la circination des jeunes feuilles de B. liniflora (celles de l'autre espèce sont droites, avec un apex renflé). C'est le critère le plus facile. 2°la présence de glandes sur le gynécée de B. liniflora. VARIETES : Une variété à fleurs blanches ('alba') de B. liniflora se voit occasionnellement. Il en est de même pour B. gigantea. B. gigantea exhibe une certaine variabilité selon le biotope. les spécimens des collines septentrionales sont plus grands, qu'il s'agisse des plantes elles-mêmes ou de leurs fleurs. Les pétales de ces dernières sont plus étroits que dans le Sud, laissant bien apparaître les sépales. La fleur a la forme d'une étoile. Dans les marais du Sud, les individus sont plus petits et les pétales très larges, formant une corolle arrondie. Il y a parfois un certain degré de fusion à la base. Il est probable que ces différences ne sont pas génétiques mais provoquées par les conditions de croissance. MICRO-ANATOMIE DE BYBLIS GIGANTEA (manquant) FONCTION CARNIVORE: L'observation démontre que Byblis capture de grandes quantités d'insectes. BRUCE (1905) a fait l'expérience de placer des plants de B. gigantea côté à côte avec des espèces de Drosera et un Drosophyllum. Ce dernier capturait en moyenne cinq ou six mouches sur une feuille de 15cm. Globalement un plant de Drosophyllum capturait à peu près autant d'insectes qu'un Drosera. En vif contraste avec cela, Byblis était quasi couvert couvert de proies. L'auteur put constater 31 mouches sur une feuille de 17cm. De jeunes plants vigoureux avec des feuilles de 2.5cm portaient 8-12 mouches. Une plante haute de 12cm en avait attrapé 56! Qu'est-ce qui peut expliquer cette attraction particulière pour Byblis? Le scintillement des sécrétions est fort spectaculaire et peut y être pour quelque chose. DIXON (1986) signale aussi un parfum très nettement perceptible sur le terrain, mais cela est vrai aussi pour Drosophyllum. A Cannington les captures sont très nombreuses, et comprennent des fourmis, des moucherons, des moustiques et même quelques papillons de nuit et des coléoptères. LOWRIE (1981) a surtout constaté la capture de moustiques. Comment les insectes se font-ils prendre? Les glandes pédiculées sécrètent un mucus collant et visqueux, se laissant étirer sur 3cm. Il peut être facilement détaché des glandes. Ce mucus serait particulièrement abondant par temps ensoleillé et chaud. Son pH serait neutre, ce qui démontrerait qu'il est chimiquement différent de celui des Drosera et de Drosophyllum, qui est acide. Quand un insecte vient se coller à une feuille, la sécrétion de mucus semble augmenter. La proie tente de se dégager en s'agrippant à la feuille, se déplace le long de celle-ci et entre en contact avec les glandes pédiculées. Elle est bientôt engluée et suffoque. Les glandes à mucus ne sont que des poils spécialisés, mécaniquement peu résistants avec leur tige unicellulaire. Elles fléchissent sous le poids de l'insecte enveloppé de mucus, mais il est clair qu'il n'y a pas de mouvement actif (type Drosera) de la part des glandes pédiculées ou du limbe de la feuille. Collée au limbe de la feuille, la proie entre en contact avec les rangées de glandes sessiles. Celles-ci commencent alors à produire un suc digestif acide dont le spectre enzymatique n'est pas bien connu. Par analogie avec les glandes de Pinguicula, qui sont très semblables, on peut admettre que les enzymes sont synthétisés à l'avance et excrétés en une seule fois lors du contact avec la proie. Il n'y aurait pas de renouvellement des stocks en vue d'une nouvelle digestion, ici aussi contrairement à ce qui est la règle chez les Droseracées, A l'aide d'une feuille coupée de B. gigantea placée dans une solution de safranine, on a pu préciser le trajet suivi par l'eau vers les glandes, en vue de son utilisation pour les sécrétions. Une coupe de la feuille montre la présence de colorant dans le xylème, dans les cellules parenchymateuses se dirigeant vers les bases glandulaires et dans les cellules-tiges et capitales des glandes sessiles. Celles-ci se colorent d'ailleurs une demie-heure après le début de l'expérience. Notons qu'il n'y a que peu de colorant visible dans les cellules basales et aucun dans les glandes pédiculées. L'arrivée de l'eau par le xylème n'est évidemment pas surprenante. L'eau qui arrive dans le parenchyme est entraînée vers les glandes sessiles, où la cuticule perméable permet l'évaporation. Les cellules basales semblent spécialisées dans le transfert rapide de substances: le colorant ne s'y attarde pas. Lorsque l'eau s'évapore au niveau de la tête glandulaire, la safranine reste prisonnière des cellules. Les glandes pédiculées reçoivent moins d'eau, sans doute parce que le mucus protège contre l'évaporation, même s'il se dessèche, comme c'est le cas ici. Les facteurs induisant la sécrétion digestive ont été étudiés au début de ce siècle. La stimulation n'est pas mécanique: le dépôt de fragments de verre sur les glandes reste sans effet. Les substances azotées solubles, elles, sont d'une efficacité spectaculaire. L'application de jus de viande, de blanc d'oeuf cuit, de carbonate ammonique ou de proies provoque la sécrétion de liquide acide. Mais il est indispensable que les substances déposées soient humides. Le blanc d'oeuf desséché n'est pas digéré, et ceci est sans doute la cause de l'échec de l'application de fibrine carminée tentée par LLOYD (1942, p, 98), L'enrobage par le mucus provenant des glandes pédiculées amplifie la réponse sécrétoire des glandes sessiles. Cependant, le mucus lui-même n'a pas de propriétés digestives: bien que les glandes pédiculées soient capables de résorber le bleu de méthylène, elles ne digèrent ni n'absorbent des proies posées sur leur gouttelette de mucus. Le mélange de mucus et de sécrétions digestives forme une petite flaque autour de la proie. Ce liquide se répand par capillarité dans les sillons, ce qui permet le contact avec des glandes sessiles qui ne sont pas situées directement sous la capture. Une fois la digestion bien avancée, ces dernières vont arrêter de sécréter, et résorber le mélange de mucus et de liquide acide, qui est maintenant enrichi de solutés provenant de la proie. La perméabilité de la cuticule est facile à démontrer avec du bleu de méthylène. La résorption est rapide. Après application de jus de viande, ce dernier et les sécrétions qu'il a induites sont résorbés après 4 à 6 heures. Le site de résorption est révélé par les modifications cytoplasmiques visibles en microscopie optique: le contenu cellulaire de la tête et de la tige des glandes sessiles (et non des glandes pédiculées) est devenu trouble avec des masses sombres. Il en va de même 24 heures après l'application de carbonate ammonique. Dans ce dernier cas la couleur noirâtre des cytoplasmes est reperdue après plusieurs jours, quand les produits résorbés ont été transférés dans le reste de la plante. A la fin du processus, les glandes sessiles seront redevenues sèches, les glandes pédiculées, fléchies par le poids de la capture, auront récupéré leur turgescence et se seront redressées. Seuls subsistent les restes desséchés de la proie, qui finiront par être enlevés par le vent et la pluie (HAMILTON, BRUCE). La durée de ces processus dépend de la taille de la capture, et est de l'ordre de 5 à 11 jours avec des cubes de blanc d'oeuf. Signalons pour terminer que certaines punaises se sont spécialisées à vivre sur les feuilles de B. gigantea. Elles parviennent à ne pas se faire capturer, sans doute parce qu'elles savent éviter le contact avec les gouttelettes de mucus. Ces insectes se nourrissent des captures, dont elles aspirent les sucs. De tels moeurs ont aussi été décrites chez des araignées et des punaises vivant sur Roridula et pour de petits insectes sur certains Drosera nains, p.ex. D. drummondii. La plante tire un certain bénéfice de la présence de ces prédateurs, qui la protègent contre les pucerons et autres parasites que la coloration jaunâtre de son feuillage attire. LA FLORAISON: Celle de Byblis liniflora a lieu surtout pendant la saison des pluies (de Décembre à Avril), mais en situation humide elle peut se produire n'importe quand. En ce qui concerne B. gigantea, la floraison est longue et prolifique. Elle a lieu forcément avant la sécheresse estivale, c'est à dire de Septembre à la fin Décembre ou même jusqu'en Janvier ou Mars ! Elle serait plus précoce dans les collines que dans les marais côtiers. Ces derniers conservent leur humidité pendant plus longtemps, permettant une phase végétative plus longue. Chez B. gigantea la libération du pollen ne se fait que sous certaines conditions. Tout d'abord, il faut un temps chaud et plusieurs heures de soleil, peut-être pour que la paroi des anthères sèche et devienne cassante. Ensuite, la déchirure apicale, formant le pore par où sortent les grains de pollen, ne se produit que si un insecte touche et fait vibrer les anthères en butinant la fleur. Le processus a effectivement pu être observé par ROSE (1977), et doit correspondre à un phénomène de résonance mécanique. Il existe d'autres fleurs à structure similaire, par exemple Thysanotus multiflora. En culture, il importe d'imiter cette activation, par exemple à l'aide d'un diapason. Après ouverture du pore apical, les vibrations provoquent la sortie d'une partie du pollen. Le vent achèvera la vidange des étamines ouvertes, saupoudrant le stigma et les pétales. Les grains tombés sur ces derniers peuvent encore être amenés sur le stigma car la fleur, qui s'est ouverte vers midi, se ferme en soirée pendant deux ou trois jours. La fleur restera fermée alors. Remarquons pourtant que cette autopollinisation n'est pas admise par tous. Selon PENG & KENTON (1982) B. gigantea serait auto-incompatible. SLACK (1986, p. 99) indique que le pollen, recueilli à partir des anthères activés d'une fleur, doit être transféré sur le stigma d'une autre. Le fait que le style est beaucoup plus long que les étamines est un indice dans la même direction. Ceci est un point qui pourrait facilement être éclairci par un amateur! Après pollinisation, lorsque la fleur restera fermée, les sépales vont croître et atteindre une longueur de 3.5cm. Ils protégeront le fruit grâce aux glandes pédiculées de leur face dorsale. La fleur de B. liniflora est autofertile et se pollinise sans intervention extérieure. J'ai effectivement observé des plantes in vitro chez lesquelles les pores des anthères étaient ouverts. Chez Byblis, les grains de pollen ne produisent leur tube pollinique qu'une fois arrivés sur les villosités stigmatiques. Chez. les Drosera, les tubes polliniques se voient déjà au niveau de grains n'ayant même pas encore quitté les anthères. Les tubes polliniques s'insinuent dans le canal du style et atteignent les deux compartiments de l'ovaire. Les cellules marginales des deux placentas sont allongées et guident les tubes vers l'entrée (micropyle) des ébauches de graines. Après la pollinisation, le tissu nutritif (endosperme) va se développer de façon beaucoup plus importante que l'embryon. Ses cellules contiennent de grandes quantités de réserves: chaque cellule possède un ou plusieurs cristalloïdes ou globoïdes protéiques (aleurone), entourant de grandes gouttes huileuses. Il n'y a pas d'amidon comme chez Drosera. L'embryon est long et cylindrique, traversant tout le tissu nutritif. Les cotylédons sont peu développés, courts et charnus. Le sac embryonnaire va s'élargir en trois endroits: sa zone moyenne enfle et se remplit de tissu endospermatique à cytoplasme pauvre. Les cellules externes se subérisent. Les deux extrémités du sac (côté micropyle et côté chalaze) s'élargissent elles aussi. Elles produisent des cellules au cytoplasme riche, avec de grands noyaux, qui pénètrent dans l'intégument et en résorbent les substances nutritives: ce sont des haustoires endospermatiques. Les cellules de l'intégument s'allongent perpendiculairement à l'axe longitudinal de la graine: d'allongée, cette dernière devient ovale. Chez certains Drosera l'allongement est parallèle à l'axe, de là les graines allongées fréquemment rencontrées dans ce genre. Les parois radiaires des cellules deviennent épaisses et ponctuées. Les parois de la graine mature sont très sclérenchymateuses, et contiennent un pigment brun-noir. Lorsque les graines sont mûres, la capsule de B. gigantea reste entière et attachée à la plante. A la saison sèche (Janvier-Février) les parties aériennes se fanent et le fruit tombe au sol. La capsule finit par être clivée sous l'action du soleil, et libère une cinquantaine de graines viables. Il semble qu'on puisse encore récolter des graines (donc trouver des capsules intactes) en Mars. Les choses se passent de façon plus orthodoxe dans le cas de B. liniflora. Pendant que la plante croît, les capsules mûrissent. Elles deviennent transparentes et après quelques jours se fendent, libérant les graines, qui tombent au sol (MAZRIMAS, 1975). DEVELOPPEMENT JUVENILE: Les graines de B. liniflora ne germent pas immédiatement après avoir été produites. Ceci pourrait être un mécanisme de défense contre la sécheresse qui suit souvent la maturité et la floraison de la plante. Lorsque l'humidité revient, la germination se produit en deux ou trois semaines. La croissance est rapide, comme il sied à une plante annuelle. Les fleurs sont produites dès la première année, évidemment. B. gigantea exhibe ici aussi des adaptations à son milieu, qui est beaucoup plus hostile que celui de B. liniflora. Les graines libérées lors de la décomposition de la capsule séjournent sur le sol. Elles peuvent survivre pendant au moins quatre ans. Elles germeront surtout lorsqu'elles auront été activées par des feux de broussailles. Ces derniers dégagent le terrain et les cendres fertilisent quelque peu les sols stériles où croît B. gigantea. C'est ainsi que Steve ROSE (1977) a pu observer l'éclosion d'une vague de plantules après un incendie survenu avant que les graines de l'année aient eu le temps de mûrir. C'étaient donc des graines des années précédentes qui venaient d'être activées par le feu. Il semble cependant que la germination puisse se produire en l'absence d'incendie, du moins en culture. Beaucoup de plantules périront par la sécheresse. Les survivants fleuriront au plus tôt la seconde année. Il se pourrait pourtant que la floraison soit induite par un autre facteur que l'âge. En effet, DIXON (1986) présente la photographie d'un plant en fleurs, produit à partir de graines, et âgé de 7 mois seulement. La floraison est peut-être commandée par l'augmentation de la durée des jours. La plante dont il vient d'être question a pu être semée pendant la saison sèche, de façon à être prête à fleurir au Printemps, en même temps que les individus plus âgés, et bien avant que les plantules de l'année soient assez avancés pour produire des fleurs. PHYSIOLOGIE DE LA CROISSANCE: Le développement des feuilles n'a guère été décrit que pour B. gigantea. La croissance est intercalaire, par des divisions diffuses dans les jeunes feuilles. L'épiderme en est un bon exemple, qui montre au départ une alternance de rangées simples de petites cellules (formant les sillons avec glandes) et de rangées simples de plus grandes cellules. Ultérieurement ces dernières se multiplient, et les sillons alternent alors avec deux ou trois rangées de grandes cellules. Ceci permet une augmentation du diamètre de la feuille pendant sa croissance. Le développement des glandes a été étudié par ce même auteur. Le point de départ en est l'augmentation de volume d'une cellule épidermique, dont la protrusion dans les ébauches de sillons devient visible. Survient alors une division parallèle à la surface de la feuille, bientôt suivie d'une division similaire dans la cellule-fille supérieure. L'évolution ultérieure sera différente selon la destination de la glande. Dans les jeunes glandes sessiles, la cellule supérieure subit deux divisions perpendiculaires, qui produisent la tête à 4 cellules. Des divisions ultérieures font passer ce nombre à 8. Pendant ce temps la cellule basale s'est divisée une seule fois. Le développement d'une glande pédiculée est plus complexe. La cellule épidermique initiale s'étant divisée, la cellule supérieure s'allonge fortement. Son noyau reste toujours près de l'apex, car c'est là qu'une nouvelle division produit bientôt une troisième cellule. Celle-ci engendre une ébauche de tête à quatre cellules. En même temps la cellule basale se divise elle aussi. Au moment où les 4 cellules-tête se préparent à se partager en 8, 16, 32 cellules, la cellule-tige produit encore la petite cellule centrale de soutien de l'ombelle. Les cellules basales se multiplient elles aussi. Celles placées sous la tige sont petites, les périphériques plus grandes. Ainsi naît la cavité où s'insère le pédicule de la glande. Le cycle annuel de B. liniflora ressemble à celui de beaucoup d'herbacées tropicales, et que les amateurs de plantes carnivores connaissent chez Drosera burmanni VAHL, D. indica L., D. spatulata LABILL. et D. oblanceolata RUAN: les graines germent lors des premières pluies et les plantules croissent très rapidement. Des endroits secs et désolés sont soudain couverts de Byblis après les pluies. Dans les sites qui restent humides, les plantes survivent même plusieurs années. Mais en général elles meurent à la saison sèche, et seules les graines survivent, attendant le retour des pluies. Byblis gigantea par contre est une plante vivace. Nous avons vu que les feux de broussailles étaient suivis d'une vague de germinations de cette espèce. Les plantes sont dès lors abondantes dans les zones venant de brûler. Mais chaque été une partie des populations succombe à la sécheresse. Au fur et à mesure que la végétation environnante récupère sur plusieurs années, B. gigantea disparaît. Il laisse au sol ses graines, qui attendront les prochains incendies et les pluies qui suivront. L'examen du xylème montre que la plupart des plantes vivent 2 ou 3 ans. La survie ne dépasse probablement jamais les quelques années. Celle-ci représente cependant un tour de force lorsqu'on connaît les conditions arides de l'été dans le Sud-Ouest de l'Australie. Les parties aériennes de la tige meurent dès le début de la sécheresse. Ceci semble être un phénomène actif, déclenché par des phytohormones: on observe parfois que des plantes n'ayant pas fleuri gardent leur feuillage, alors que leurs voisines meurent. Ou bien des tiges redémarrent au sommet après une certaine dormance, parvenant à survivre pendant au moins 3 ans ! Comme B. liniflora, B. gigantea ne disparaît pas l'été si son biotope ne se dessèche pas. Le rhizome, lui, survit en théorie à la sécheresse estivale, c'est à dire 6 ou 8 mois sans une goutte de pluie et avec des incendies ! Les pluies torrentielles de la fin de l'automne ou de l'hiver voient alors apparaître de nouvelles tiges sur les vieux rhizomes. Des centaines de plantes sont visibles à ce moment. La reproduction végétative de Byblis gigantea peut être observée dans la nature: si des tiges sont cassées ou des plantes arrachées, des plantules démarrent sur le rhizome ou sur des fragments de racines. CULTURE: 1 . CULTURE DE BYBLIS LINIFLORA : 1° la plante: -les plants de B. liniflora voyagent mal et survivent rarement au transport. -le substrat doit être bien drainé. Diverses formules ont été proposées: soit perlite dans le tiers inférieur du pot, pour le reste perlite + tourbe ou sphagnum soit, selon le relevé donné dans PIETROPAOLO, p. 105: tourbe sphagnum vivant ou mort tourbe/sable (50/50) 1/3 tourbe + 2/3 perlite ou sable, ceci étant la meilleure formule. -arrosage par 2.5cm d'eau dans la soucoupe, mais éviter l'excès et adapter les apports d'eau aux conditions environnantes ! B. liniflora pourrit facilement. -lumière: soleil et pénombre. -température: 18-32° C. -hygrométrie élevée. -cette espèce est vivace en culture. Après un an la tige ploie sous son propre poids. On peut alors la couper et la bouturer. La tige principale produira des branches latérales. -les plantes survivent des années si elles ne sont pas trop arrosées, tenues dans la pénombre et dans une atmosphère humide. 2° propagation par graines : Il est conseillé de systématiquement récolter les graines, comme assurance contre la perte des plantes, qui sont assez fragiles. -éventuellement faire vibrer les anthères pour libérer le pollen. Il y aura autopollinisation alors. -collecter les graines après quatre à six semaines, lorsque les capsules seront devenues brunes et commenceront à se fendre. -laisser sécher les graines pendant quelques jours. -les graines ne germent pas si elles sont semées dès leur récolte. Il faut donc les placer dans un sachet de plastique et les laisser au frigo pendant au moins deux mois. -semer au printemps ou en Février, ce qui permet d'obtenir des plantes adultes en fleur -et des graines!- avant l'automne. -utiliser un pot de 10cm pour 6-8 graines bien espacées. -placer dans 2.5cm d'eau jusqu'à ce que la surface soit humide, puis égoutter et mettre en serre chaude ou dans un terrarium : il n'y a pas de germination si la température est trop basse, il faut 21-24°. -la germination se produit endéans les 4 semaines (ibidem). -la croissance est rapide si la température et l'ensoleillement sont suffisants. Aérer pour durcir les plantules. -on peut laisser les plantes ensemble: elles se soutiendront mutuellement (les plantes isolées tendent à ramper dans les pots voisins), ou bien repiquer quand les plantules atteignent 2.5cm. 3° propagation par boutures : -tige: -quand les plantes atteignent 10-25cm de haut, elles deviennent laides et on peut prélever les 5cm supérieurs. -piquer jusqu'à la moitié dans le substrat -beaucoup d'humidité, de lumière, de chaleur (21-29° C) -quand la bouture est prise, la croissance apicale recommence. -feuilles: -déposer sur le substrat -mêmes conditions que les tiges. 2 . CULTURE DE BYBLIS GIGANTEA: 1° la plante: -substrat: soit terre de bruyère + beaucoup de sable ou 2/3 sable 1/3 tourbe ou 5/6 sable 1/6 tourbe, surface couverte de granit pilé (pour empêcher les dégâts aux racines par la pluie) ou sable/tourbe (50/50) ou mêmes substrats que pour B. liniflora -exposition: pendant la saison de croissance, plein soleil, qui donne des plants plus résistants, d'un vert plus foncé. Ombrer seulement dans l'heure de midi en été. Abriter du vent. -arrosage: c'est l'aspect le plus délicat. Surtout éviter l'excès d'eau, mais si on laisse dessécher, la plante mourra! Parmi les techniques recommandées dans la littérature, on retiendra: * placer le pot dans un plus grand pot rempli de sable ou de sphagnum, et maintenir le pot central juste humide. * ne pas laisser d'eau dans la soucoupe, contredisant LOWRIE (1981): est-ce une question de conditions locales ? * presque laisser sécher entre deux arrosages si les plantes sont matures, ou laisser sécher la surface sur 1cm * utiliser un pot de plastique de 15cm. Placer une mèche de sphagnum dans l'orifice de drainage. Lorsque celle-ci blanchit, mettre dans 2.5cm d'eau pendant une demie heure, puis égoutter; ou laisser dans l'eau jusqu'à ce que la surface soit juste humide; ou mettre dans la soucoupe une quantité d'eau qui puisse être absorbée totalement. -hygrométrie: cette espèce des marais aime une humidité élevée pendant sa phase végétative. -température: l'optimum est de 21-27° C. -engrais: l'excès produit des plantes molles et sensibles aux maladies. -l'hibernation est un moment difficile. les plantes périssent souvent par manque de lumière dans les régions moins ensoleillées. * dans les régions où il y a une saison sèche, on peut respecter le cycle naturel de la plante, et interrompre les arrosages dès les premiers signes de dormance. Le meilleur moment pour rempoter le cas échéant, est pendant la dormance. * dans les régions tempérées ou en serre l'hibernation n'est pas obligatoire. Il faudra espacer les arrosages, vu le manque de lumière. On peut garder la plante à 4° C, température à laquelle il n'y aura que peu de croissance. Au Printemps, le redémarrage peut se faire de deux façons: ou bien au sommet de la tige de l'année précédente - auquel cas il faudra tuteurer -, ou bien par la production d'une nouvelle tige: on coupera l'ancienne alors. - taille: il faut tailler B. gigantea de temps en temps, pour des raisons esthétiques et parce que cela semble augmenter la floraison. On coupera la tige à 2.5-5cm de sa base. 2° propagation par graines : -la pollinisation ne se produit que s'il y a assez de soleil et de chaleur, et si l'on fait vibrer les étamines avec un cure-dents, un diapason ou un stylet à graver ! -les graines sont viables au moins trois ou quatre ans. Comme il y aura beaucoup de pertes parmi les plantules, il est conseillé de semer deux ou trois à dix fois plus que le nombre de plants désirés! -il est conseillé de semer début Mai. Il peut être utile d'enfoncer légèrement les graines, sinon on risque un mauvais géotropisme. -activation des graines: curieusement, les auteurs anciens (p. ex. ROSS) n'en parlent pas. DIXON (1986) en nie la nécessité. Pourtant, MAZRIMAS (1974) n'a pas observé de germination même au bout de deux ans et demi, avec des graines non traitées! Plusieurs techniques ont été décrites, qui miment l'activation par les incendies: * préparer un pot contenant 2/3 sable 1/3 tourbe. Humidifier en posant dans une soucoupe d'eau. Déposer les graines (distance 2cm), puis: -soit faire brûler de la paille ou des mouchoirs en papier posés dessus, et réarroser: la surface doit être fumante. -ou passer au chalumeau (!) ou à la flamme de briquet, à nouveau jusqu'à ce que la surface fume. * ou jeter les graines dans l'eau bouillante, agiter régulièrement pour faire couler les graines qui flottent. Laisser 48 heures: les graines qui flottent encore à ce moment ne germeront pas. * ou placer les graines sur leur substrat, et arroser minimum quatre fois avec de l'eau bouillante. * l'abrasion de l'enveloppe des graines à l'aide de papier de verre a été décrite pour Drosophyllum lusitanicum, mais ne donnerait rien ici. * une méthode d'activation hormonale a été développée par SCHNELL & MAZRIMAS. Elle donnerait 85 % de germination en 8 jours! -une première formule fut publiée en 1975: Gibberelline A7, solution aqueuse saturée Kinetin riboside 10 mg/dl Acide 1-naphtyl acétique O.024 mg/dl. -l'utilisation de Gibberelline à un pour mille serait aussi efficace. La manipulation pratique telle qu'exposée par PIETROPAOLO, p. 109 est la suivante: imbiber un papier filtre de solution hormonale, y déposer les graines et laisser en place pendant 24 heures, puis semer. Ou bien laisser sur le papier maintenu humide avec de l'eau de pluie, et repiquer au fur et à mesure de la germination. -quelle que soit la méthode d'activation, les graines tendent à moisir, d'autant plus qu'il faut les maintenir au chaud (21-32° C), à la lumière et dans une atmosphère humide. On peut essayer de tourner les graines tous les jours, jusqu'à germination, mais la meilleure méthode est sans doute d'appliquer d'emblée des fongicides. Le BENLATE serait toxique. -la germination se produit habituellement après 3 ou 4 semaines, et de nouvelles plantules apparaîtront pendant plusieurs mois. -repiquer dans des pots séparés lorsque les jeunes plants ont deux ou trois feuilles. Le repiquage est bien supporté ici. Il diminue le danger de pourriture. Ne pas utiliser de pot trop grand: un diamètre de 3-4cm et une profondeur de 6-7cm sont suffisants. On peut adjoindre quelques grains d'engrais lent. L'arrosage est critique: trop d'eau et la pourriture s'installe, pas assez et les plantules meurent vu leur système radiculaire encore peu développé. Il vaut mieux arroser via la soucoupe, jusqu'à ce que la surface soit juste humide. -la croissance initiale est lente. Elle s'accélère après 4 mois, et la floraison peut commencer dès le septième mois, mais n'a souvent lieu que la seconde année. 4° propagation par boutures : -tige: -bonne méthode, qui permet d'utiliser les bouts produits par la taille des plants trop touffus. -couper la tige à 5cm du sommet, laisser la tranche de section exposée à l'air pendant une dizaine de minutes. -préparer un pot avec le mélange sable-tourbe ou du sphagnum, humidifié via la soucoupe. -appliquer du Rootone (auxine) sur la bouture et piquer dans le pot. -couvrir pour augmenter l'humidité, bonne luminosité. -le démarrage peut prendre un certain temps: 6 semaines pour des boutures prélevées en Juillet; 3 mois à un an! -racines : -les moisissures sont une cause fréquente d'échec. -pour prélever, sortir la plante du pot -uniquement plantes vigoureuses, à mi- printemps-, enlever le mélange et choisir de grosses racines. -couper en segments de 2.5-3cm et laisser à l'air une dizaine de minutes. -enterrer à 3 mm maximum de la surface, dans un mélange sable-tourbe humidifié via la soucoupe ou dans du sphagnum humide. Dans le second cas, il faudra transplanter les plantules dans un mélange 50/50 de sphagnum et de perlite. -humidité, chaleur (21-27°), lumière comme d'habitude. -les plantules apparaissent après 6 semaines. On peut les séparer lorsqu'ils ont leurs propres racines. -branches souterraines étiolées du rhizome: -prennent très bien, produisant des plantes en quelques semaines, mais abîment le plant-mère. -prélever un morceau de 15cm. -juste avant la dormance, ou si l'on opte pour la croissance continue, juste avant le redémarrage.