ALDROVANDA VESICULOSA Jean-Daniel DEGREEF PUBLICATION : Nommée ALDROVANDIA par G. MONTI, en l'honneur d'Ulysse Aldrovandi (1522-1605), éminent botaniste de son temps. Publiée erronément sous le nom d'ALDROVANDA VESICULOSA par Linné en 1753 (CASPARY, 1859) TAXONOMIE ET HISTOIRE DE L'ESPECE : Aldrovanda vesiculosa, la plus farouche peut-être des plantes carnivores, est une des espèces les plus passionnantes de cet ensemble hétéroclite de végétaux. Au cours du temps, elle s'est profondément modifiée dans ses structures jusqu'à devenir une plante aquatique à part entière, selon un processus étonnamment proche de celui observé chez les Utriculaires. On y retrouve les mêmes chambres de flottaison, les mêmes glandes bifides et quadrifides, la même absence de racines. Les structures vasculaires de la tige sont extrêmement atrophiées, beaucoup plus simples même que chez les Utriculaires. On les a comparées à celles des Hydrillées vasculaires de la tige sont extrêmement atrophiées, beaucoup plus simples même que chez les Utriculaires. On les a comparées à celles des Hydrillées plantes non-carnivores sans guère de parenté avec Aldrovanda (CASPARY, 1858 p. 719). On serait bien en peine de classer l'Aldrovandie s'il n'y avait les fleurs. Celles-ci ne laissent aucun doute : Aldrovanda vesiculosa appartient à la famille des Droseracées, avec les Droséras, la Dionée et Drosophyllum. Les organes floraux d'Aldrovanda sont plus proches du type de base théorique des Droseracées que ceux des trois autres genres (DIELS, p. 52). Cela est un caractère primitif, et lorsqu'on voit les énormes différences anatomiques entre Aldrovanda et les autres Droseracées, on ne peut s'empêcher de postuler une longue évolution séparée de ces espèces. Les données paléontologiques viennent-elles confirmer cette impression ? Pour comprendre l'histoire d'Aldrovanda, il faut la resituer dans l'évolution des plantes à fleurs en général. Celles-ci apparurent au Crétacé, et étaient donc contemporaines des derniers Dinosaures. La géographie était fort différente alors de ce qu'elle est aujourd'hui. Au lieu d'un Ancien et d'un Nouveau Monde séparés par l'Atlantique, et accompagnés des continents détachés que sont l'Australie et l' Antarctique, on avait un bloc continental nord, la Laurasie, et un bloc méridional, le Gondwana. Ces deux blocs étaient séparés par un océan parallèle à l'équateur, la mer Thétys. Des fractures déjà anciennes (Jurassique supérieur) entre l'Australie et l'Antarctique et entre l'Afrique et l'Amérique du Sud annonçaient le morcellement des deux supercontinents, morcellement qui débutera vraiment à la fin du Crétacé (TERMIER & TERMIER, 1979). Vers cette même époque, il y a 65 millions d'années, une série d' impacts de comètes détruisit selon un scénario proche sans doute de celui dit "de l'hiver nucléaire", l'écologie de l'Ere secondaire. Les grands reptiles périrent, entraînant dans leur chute nombre d' autres espèces (cf. BOHER et al. dans : Science, 224 (1984) : 967). C'est de l'époque suivante, l'Eocène, que datent les plus anciens fossiles de la famille des Droseracées. Il s'agit de simples grains de pollen, qui ressemblent à ceux des genres actuels, mais rien ne vient nous renseigner sur la morphologie réelle des plantes correspondantes ! Plusieurs trouvailles semblent correspondre à des Aldrovanda. En Europe, deux espèces croissaient dans le Sud de l'Angleterre (CHANDLER, 1964) et une en Saxe: Saxonipollis saxonicus (KRUTSCH, 1970). En Asie, on a retrouvé des pollens similaires à Pringarje près du Lac Baïkal : Aldrovanda unica et A. kuprianovae (KONDRATIEV, 1973 ). On vient de découvrir un pollen australien de Droseracée d'égale antiquité, morphologiquement proche de celui de la Dionée ! Il appartient à une plante assez mystérieuse baptisée Fischeripollis halensis (TRUSWELL & MARCHANT, 1986). 0n voit que les Aldrovanda occupaient déjà pratiquement l'aire actuelle. D'autre part, l'existence de deux genres de Droseracées dès cette époque confirme la divergence évolutive ancienne postulée ci-dessus, et qui a dû avoir lieu à l'époque des Dinosaures. Cela explique aussi la présence des Droseracées sur tous les fragments actuels des supercontinents archaïques, la famille étant apparue avant leur morcellement. Arrêtons-nous un moment à la formidable étape évolutive marquée par deux des genres laurasiens : le développement d'un piège à fermeture ultrarapide. Alors que les espèces gondwanes restent conformes au type de base doté de tentacules glandulaires, certaines Droseracées septentrionales vont améliorer les mouvements de la lame foliaire elle-même. Il en résultera des pièges capables de se refermer rapidement : la transmission chimique du message de capture est remplacée par une transmission électrique beaucoup plus rapide, non pas, comme chez les Droséras, seulement dans les tentacules (WILLIAMS & PICKARD, 1972 ), mais dans toute la feuille. Les tentacules vont alors perdre leur glande apicale et devenir des poils sensoriels (WILLIAMS, 1982). Outre ces mécanismes, d'autres données suggèrent la parenté d'Aldrovanda et de la Dionée. La morphologie des pièges est similaire, et les feuilles d'hiver de la Dionée portent sur le pétiole des dentelures distales qui pourraient bien être des vestiges de soies. En outre, les nombres chromosomiques des deux espèces sont des multiples de 8 : 2n = 48 pour Aldrovanda, 2n = 32 pour Dionaea (KRESS, 1972) Reste à expliquer la présence de Fischeripollis halensis en Australie éocène. Ce continent n'a jamais eu beaucoup de rapports avec l'Asie aux époques anciennes : il en était séparé par l'Océan thétysien. La présence des trois espèces relictes des Droseracées (Aldrovanda, Dionaea, Drosophyllum) dans l'hémisphère Nord nous semble indiquer que celui-ci était une pépinière évolutive pour cette famille. Un des membres ayant gagné l'Amérique du Sud puis l'Antarctique, put rejoindre l'Australie via ce continent, qui n'avait pas encore dérivé vers la nuit polaire. Les ancêtres des Marsupiaux actuels en firent d'ailleurs de même. Ce passage n'a guère pu se faire que pendant une des phases chaudes de l'Eocène, car le froid l'aurait empêché au Crétacé (TERMIER & TERMIER, p. 297 ). La présence d'une Droseracée, Fischeripollis halensis, en Australie à l'Eocène est tout à fait compatible avec cette hypothèse. Ce qui étonne un peu c'est la ressemblance de ce pollen avec celui de Dionaea ! Répétons-le, nous ignorons tout de l'aspect de Fischeripollis, en qui il faut voir un ancêtre des Droséras pas encore fort différent de la Dionée. Il se peut aussi que cette dernière, ayant moins évolué, ait conservé le type pollinique ancestral. Alors qu'en Nouvelle-Zélande apparaît le premier vrai pollen de Droséra (Droserapollis) au début du Miocène, l'Europe contemporaine ne livre qu'une forme de Fischeripollis, F. krutschei de Saxe (MULLER, 1981), d'affinités inconnues. Les quatre glaciations du Quaternaire vont alors dévaster l'hémisphère Nord. A chaque interglaciaire, les terres libérées par les glaces sont recolonisées par des espèces en nombre chaque fois décroissant. Combien d'espèces de Droseracées ont-elles ainsi disparu, dont nous ne savons rien ? En Amérique du Nord, seule Dionaea muscipula a survécu. Etant bien entendu que ses Droséras ne sont pas autochtones, l'Europe ne révèle plus que Drosophyllum, mais aussi Aldrovanda. Des nombreuses espèces éocènes il n'en reste plus qu'une : A. vesiculosa. Comment a-t-elle pu survivre aux glaciations? Les régions les plus méridionales d'Europe et de l'U. R. S. S. asiatique ont dû servir de refuge à cette espèce comme à d'autres végétaux connus par des fossiles du Tertiaire, et qui croissent encore dans le delta de la Volga par exemple. On peut citer en particulier Salvinia natans (L. ) All. , Trapa natans L. , Nelumbium caspicum Fisch. , auxquels il faut ajouter Vallisneria spiralis L.. D'autres fleuves d'U. R. S. S. sont aussi des sites connus pour comporter des espèces relictes (BERTA, p. 569). Pendant les glaciations, les hivers devaient être extrêmement rudes dans ces régions. Pour survivre, Aldrovanda a dû acquérir la faculté de former des bourgeons d'hiver très compacts, capables de résister à la congélation même. Le fait qu'Aldrovanda ait développé semblable mécanisme prouve d'ailleurs sa persistance dans des régions aux hivers rudes, et pas seulement en Afrique et en Australie, autres régions où il existe actuellement. A chaque glaciation correspondait aux latitudes tropicales et subtropicales un Pluvial, et ce qui est actuellement vastes déserts était en ce temps-là couvert de lacs et de marécages. Les populations australiennes ont dû rejoindre ce continent à la faveur de l'abaissement du niveau des mers contemporain des glaciations. Le plateau continental qui sépare Java, Bornéo, Sumatra, la Malaisie d'une part, l'Australie et la Nouvelle-Guinée de l'autre, était alors exondé, et se couvrait de forêts traversées par des fleuves dont le tracé est encore repérable à l'heure actuelle sous la mer (TERMIER & TERMIER, p. 35O). Le passage était donc facile pour l'Aldrovandie... A chaque interglaciaire, Aldrovanda partait à la reconquête des terres dégelées. Des graines d'A. vesiculosa et d'une autre espèce, A. Eleonore ont effectivement été trouvées dans les sédiments interglaciaires. Elles étaient accompagnées de celles d'autres végétaux aquatiques, dont des plantes relictes du Tertiaire, par exemple en Pologne : Trapa natans L. , Stratiotes aloides L. , Caldesia parnassifolia (Bassi) Parl. (DOKTUROWSKI, 193O ; NIKITIN, 1933 cités BERTA, p. 569). Mais chaque glaciation avait raison de certaines espèces : cela explique la grande monotonie des flores de l'hémisphère Nord. Dans le cas d'Aldrovanda, seule l'espèce'vesiculosa'existe encore à l'heure actuelle, même en Afrique, où les sécheresses interpluviales ont éradiqué les autres espèces ayant pu exister. A la fin de la dernière glaciation, il y a seulement 10. 000 ans, Aldrovanda a profité de la phase climatique chaude et humide, dite atlantique, pour reconquérir son aire habituelle. Le refroidissement et la baisse de pluviosité ultérieurs ont provoqué le morcellement de cette zone, jusqu'à son état actuel. S'y ajoutent les activités humaines de pollution et d'assèchement des marécages : Aldrovanda vesiculosa est menacé d'extinction, et nombre de sites géographiques du siècle dernier n'existent déjà plus (BERTA, p. 569). AIRE GEOGRAPHIQUE : Ainsi s'explique donc l'immense aire géographique occupée par l'Aldrovandie : du Zambèze au bassin méditerranéen jusqu'au Japon et en Australie. N'oublions pas cependant le caractère très épars des sites et les graves menaces que l'Homme fait peser sur cette petite plante fort attachante. L'Afrique, envahie par les déserts en cette période interglaciaire, recèle encore quelques sites où Aldrovanda a pu se maintenir. Toutes ces régions étaient verdoyantes il y a 10. 000 ans. Elles le redeviendront au cours des phases glaciaires à venir, que les calculs astronomiques de MILANKOVIC prévoient pour dans 5. 000, 25. 000 et 60. 000 ans respectivement, et dont l'intensité ira croissante. En Europe, Aldrovanda a disparu de la plupart des sites décrits au siècle dernier, que nous allons énumérer maintenant. Les localités asiatiques et australiennes seraient moins menacées. FRANCE: Aldrovanda y a été décrite dans deux régions, l'Aquitaine et la Provence. Aquitaine : 1. près de La Canau : au siècle dernier le village était séparé de l'océan par une immense lande humide, bordée par un lac situé au pied des dunes. Aldrovanda y fut découvert par DUNAL en 1811, puis retrouvé par DURIEU en 1858, dans un chenal. Celui-ci était situé à une centaine de pas au Sud de la route entre La Canau et l'étang. La plante ne croissait pas dans l'étang lui-même (CHATIN, 1858 p. 587; CASPARY, 1859 p. 143). L'année suivante, la plante fut découverte dans un chenal situé au Sud du précédent, dans de petits chenaux coupant le marais dans tous les sens, et même dans des flaques temporaires (DURIEU, 1859 p. 4OO-4O1). Les fossés de drainage creusés à la même époque et reliant ces étangs et marais avec le Bassin d'Arcachon (CHATIN, 1858 p. 588) permirent l'extension de l'Aldrovandie. Celle-ci fut découverte dans le cla de l'Ilet, petit étang dans une lande entrecoupée par d'innombrables fossés, près du lieu-dit Le Porge. Ce site était plus riche que La Canau, avec des plantes de 5O cm, à 7-8 ramifications ! (CASPARY, 1862 p. 204 ) Aldrovanda aurait disparu de ces sites, mais existait encore dans trois autres localités (dont il nous faut taire 1e nom) il y a quelques années. 2. dans le Midi : l'Aldrovandie fut récoltée à Orange (Vaucluse) entre 1789 et 183O (CASPARY, 1859 p. 144 ), mais le site le plus riche et le plus étendu était le marais d'Arles. On cite en particulier le marais situé entre les "montagnes " de Montmazour et de Cordes (CASPARY, 1859 p. 143), en fait des collines de 43 et de 65 m. dont la première porte les ruines d'une abbaye. Egalement les canaux de Trébon et les fossés près de Raphèle. En 1861, Aldrovanda y couvrait un marais de 4 km2 (DUVAL-JOUVE, 1861 p. 518), et était également commun près de Mouriès et de St. Martin de Crau. Des essais de réintroduction à partir de plantes d'Aquitaine ont été faits dans un passé récent, mais là aussi il vaut mieux ne pas divulguer la localité exacte... 3. d'autres sites auraient jadis recélé Aldrovanda, mais il n'en existe pas de preuves dans les herbiers, et la prudence s'impose. Citons 1es environs de Narbonne (CASPARY, 1862 p. 2O4), Moligt-les- Bains, au Nord-Ouest de Prades (CASPARY, 1859 p. 144 ), Montpellier (ibidem). DIELS, p. 6O cite deux localités qui nous sont inconnues : Bonnamour et Ozanon. Restent deux feuilles d'herbier assez énigmatiques avec les mentions : "Las lagunas de Sels, Catalogne" et "E Galia (sic) septentr. , 1823" (réf. connues de l'auteur). ITALIE : les sites étaient nombreux au siècle dernier. -près d'Ivrea: la ville de Viverone était un petit marché frontalier entre deux provinces, située sur une colline de la rive gauche du Po. Elle dominait un lac aux rives basses, avec des prés inondés entrecoupés de ruisseaux. Un canal tourbeux appelé La Morigna se détachait du lac. C'est à cet endroit et dans les fossés profonds des alentours que croissait Aldrovanda (CASPARY, 1858 p. 722), ainsi que dans le très petit lac de Candia, à une demi-heure d'Ivrea (CASPARY, 1862, p. 2O4). La plante existerait toujours ici (BERTA, 1961 p. 566). -près de Vérone : dans les douves des fortifications de la petite ville de Legnano sur l'Adige. Eaux lentes et stagnantes (CASPARY, 859 p. 143). -près de Mantoue: Valli Astigliesi (DIELS, p. 6O). -Monts Eugènes (CASPARY, 1858 et 1859). -près de Pavie (CASPARY, 1862 p. 2O3). -près de Pise : dans les tourbières près du Lac de Bientina (CHATIN, 1858 p. 581 ; CASPARY, 1859 p. 143 ). Lucca : Lac de Sibolla près d'Altopascio (DIELS, p. 6O). Gascina. Ces trois sites toujours existants. -à Chioggia, au Sud de Venise (ibidem). -près de Bologne : à Budrio, dans les marais de Duliolo et de Gandazollo (CASPARY, 1858 et 1859). -aux environs de Padoue (CHATIN, 1858). -dans les marais pontins (CASPARY, 1858 p. 143), où l'espèce est certainement éteinte. -près de Rome : Fiuggi (DIELS, p. 6O). -en Calabre : Otrante, site considéré comme douteux au siècle dernier mais où des auteurs récents semblent admettre la persistance de l' espèce. Sauf indication contraire, la présence d'Aldrovanda dans tous ces sites est très problématique actuellement. -Tyrol : vallée de l'Etsch près de Botzen, et marais près de Salurn (CASPARY, 1859 p. 144). Aussi Sigmundskron (BERTA, p. 567). R. F. A. : dans le Lac de Constance près de Lindau, et près de Meersberg (introduction artificielle en 19O4) (BERTA, p. 567). AUTRICHE: existait naguère dans un petit bassin du marais touchant le Laapsee (Lac de Constance près de Fussach) (CASPARY, 1859 p. 145). Détruit par inondations (BERTA, p. 567). SUISSE: introduit artificiellement près de Mettmenhaslisse dans le Canton de Zürich (BERTA, p. 567). Y existe encore (FURST, 1986). R. D. A. : près de Rheinsberg et dans le Paarsteiner See près d'Angermunde (DIELS, p. 61). Aussi dans le Grosser Plagesee près de Chorin (BERTA, p. 567). POLOGNE : -la Basse-Silésie et la Gallicie forment une des zones les plus riches d'Europe, entre les villes de Raciborz, Rybnik, Pszczyna et Oswiecim. Cependant, de nombreux sites décrits au siècle dernier étaient asséchés dès la même époque : A l'0uest de Pless : lac du domaine Miesorau, asséché en 1848 (HAUS- LEUTNER, 185Oa) ; étang près de Czarkow, dont une seule baie révélait Aldrovanda (HAUSLEUTNER, 1851 ; CASPARY, 1862 p. 205) ; étang de Rodzin (DIELS, p. 61). Etangs autour de Raciborz : celui de Brzesiniok, dont Aldrovanda couvrait la surface (CASPARY, 1859 p. 145) ; celui de Kemp (DIELS, p. 61). Aussi Gottartowitz, Niederobschutz, Sorau et autres (BERTA, p. 567). Marais en forme de boucle près de Tiniec, au Sud-0uest de Cracovie, qui était un ancien méandre de la Vistule (CASPARY, 1859 p. 145). Etang Ruda près de Rybnik (DIELS, p. 61). Lacs Oxbow près de Cracovie, où Aldrovanda est éteint (DZWONKO & PLAZINSKA, 1977). -plus au Nord : près de Gostynin et Plock; à Trzemeszno (environs de Gniezno) ; à Wabrzezno (entre Torun et Grudziadz) (BERTA, p. 567) ; lac Czistochleb près de Torun (DIELS, p. 61 ). -à l'heure actuelle, sur 74 sites probables, R. KAMINSKI de Wroclaw en a visité 4l, dont 11 comptaient encore des populations importantes d'Aldrovanda, les densités moyennes oscillant entre O.l2 et 341 pl./m2 (données inédites aimablement communiquées par J. HALDI). U. R. S. S. : -Lithuanie et Volhynie : près du fleuve Pripiet, les auteurs du siècle dernier y décrivaient un grand nombre de sites : Entre Lahishin et Pinsk, dans les fossés séparant les champs. Dans les nombreux méandres de la rivière Pina. Dans un canal entre Pinsk et le village d'Horno. Abondant dans le fossé nommé Siniuga, autour d'Horno (CASPARY, 1859 p. 146). Vilnius (DIELS, p. 61 ). Au Sud de Pinsk près de Dombrowice. Petite rivière près de Swaricewicze (CASPARY, 1859 p. 146). Aussi Zitkowice Pererov et près de Grodno ? (BERTA, 196l p. 568) -près de Kiev: Cernigow près d'Ostior; Njezin, Pereiaslaw, Poltawa, Kurokaia (BERTA. p. 568), lac Shatskie (MEL'NYK, l972). -Woronetskaia : Koronewsk, Nowochopersk, Bobrovsk. -deltas du Danube : Izmail du Dniepr: Chorson de la Wolga : Astrakhan, (et lac Kolyshnyi (DIELS, p. 6l). ) -une localité récente (1957) assez surprenante car loin dans le Nord, sur la rive Sud-Est du Lac Ladoga, près de l'embouchure du fleuve Sviri. -Caucase : Tchabinevka, Michelsfeld, Petrovskaia, Slavianskaia, Troikaia, Picunda (BERTA, p. 568). TCHECOSLOVAQUIE: lac Zelené jazero au Nord-0uest de Kràlovsky Chlmec près de Vojka, qui est un méandre du fleuve fossile Tica. Abondance d'Aldrovanda en 1960 (BERTA, p. 561). HONGRIE : des cinq sites du XIXe siècle il n'en reste plus qu'un : Balàta to, près de Somogy. Sites anciens : Ecsedi làp, entre Csenger et Nagy Ecsed : près de Kaplony. Berettyo-Sàret: dans un canal entre Fuzes Gyarmat et Nagy Bajour. Aldrovanda y couvrait la surface d'une grande tourbière (CASPARY, 1862 p. 2O4). Hodmezovàsàrhely: introduction artificielle et ephémère dans l'étang du parc communal Gordisa et Sellye (BERTA, p. 565). YOUGOSLAVIE: à Makis près de Belgrade, à Kupinovo et à Monostorszeg (ibidem). ROUMANIE: -près de Snagov: Mrea Tiganesti, Balta Balteni, Lakul Gruiu et près des localités de Fundu, Crada Catelul et V. Stabeului. -près d'Oradea et Koros-Tàrjàn (et Monts Bihar DIELS, p. 61 ) -près de Craiova: Cernelele. -près de Brasov: marais de Fortyogo, où croissait une variété très proche de celle de La Canau. -près de Vinju Mare: Balta la "Cuingi". -surtout dans 1e Delta du Danube : près de Tulcea (marais Kara-Orman, Malcoci, Merhui, Balta Somovei etc... ) ; Réci près de St. Gheorghe (BERTA, p. 565). BULGARIE: marais de Dragoman (au N. O. de Sofia) (ibidem). ASIE U. R. S. S. : -région de la Mer d'Aral : p. ex. le Delta du fleuve Amu-Daria. -région du Bas-Amur: bras anciens des affluents Zeia, Bureia, Rakovka, et dans les marais du Lac Chanka (près de Chantaclery) (BERTA). JAPON: sur l'île d'Honshu: -province Musashi (non loin de Tokyo), près de Yodamura. -province Hitachi, Nasaka-ura (DIELS, p. 61). -près de Kyoto, étang de Mizoro (LLOYD, p. 195). Détails dans KOMIYA & SHIBATA, Bull. Nippon Dental Univ. 7 (1978) : 3sq. INDE: Bengale, partout dans la région de Calcutta (COHN, 1850 p. 685) , dans les marais "saltpans" (CASPARY, 1859 p. 143). Près de Mutlah (DIELS, p. 61). L'espèce n'est pas signalée au Cachemire et dans l'Himalaya (CASPARY, 1859 p. 143). AUSTRALIE -Northern Territories : McMinns Lagoon (à l'EST de Darwin) Leach Lagoon (au Sud de Katherine). -Queensland : Rockhampton. -New South Wales : à 5 km au Sud d'Evans Head. -W. Australia : collection perdue ? (ASTON, 1983). AFRIQUE GHANA: trois sites, dont: à 15 miles au Nord de Kete Krachi, dans la Volta (1963), et Dabala (1965) (LEBRUN, 1969). TCHAD: quatre observations, dont la mare Am Duna au Sud d'El Ogna, flottant avec Nymphaea lotus et N. rufescens (1968) ; Kaba VII, dans les eaux libres du Mandoul (1968) (LEBRUN, 1969) ; Daye, en eau profonde (1962) (LEBRUN, 1968). SOUDAN: Bahr el-Ghazal (1869) et Bahr el-Djebel (19O2) (BERTA, p. 568 ). CAMEROUN: Douseye, dans un marigot du Lac de Fianga, profondeur de l' eau: 1 m. (1968) (LEBRUN, 1968). TANZANIE ZAMBIE MOZAMBIQUE : site inconnu, peut-être les marais de Chobe (LLOYD, p. 195). BOTSWANA: marais de l'Okavango, où il n'y a plus eu de collection récente (JACOBS, 1981). BIOTOPE : Aldrovanda vesiculosa est une plante fort exigeante et dont l'écologie n'est pas encore très bien comprise. Comme pour les deux autres genres monospécifiques de la famille, Dionaea et Drosophyllum, nous avons affaire ici à une espèce relicte, figée dans son adaptation à des conditions de croissance très étroites. L'avenir paraît assez sombre pour ces végétaux très anciens, dont la rigidité contraste avec l'adaptabilité des Droséras, la branche jeune de la famille, qui est en pleine expansion. Sa distribution géographique trahit le caractère de plante tropicale de l'Aldrovandie, qui dans l'hémisphère Nord est un vestige d' une époque plus chaude, comme nous l'avons décrit. Le facteur limitant principal de son extension semble être la température de l' eau, qui doit se situer entre 20 et 3O° C (BERTA, p. 564). Ceci est confirmé par ceux qui ont pu la cultiver: entre 21 et 26° (MAZRIMAS, 1974), ou 25 à 3O° pour obtenir la floraison, sans que la t° ne ou 25 à 30° pour obtenir la floraison sans que la t° ne puisse dépasser les 32° C (SAITO, 1972 ). Mais à cette température la croissance se fait avec une rapidité effrayante: d'après les données chiffrées reprises ailleurs dans cet article, on calcule que la totalité des verticilles est renouvelée en trois ou quatre semaines ! Pour permettre cela, il faut que le biotope fournisse une très grande quantité d'éléments, ce qui n'est pas le cas de toutes les eaux et de tous les étangs. Entrent en compte les concentrations en sels et l'abondance des débris organiques, ainsi que des infusoires, qui sont la nourriture des proies de l'Aldrovandie elle-même. L'étude récente et inédite de R. KAMINSKI, 1984 a quelque peu précisé ces données. L'auteur a déterminé les concentrations salines des eaux à Aldrovanda en Pologne, puis a fait quelques expériences de culture. Il lui semble qu'il y a une corrélation entre les quantités d'ions et la longueur des plantes ainsi que le nombre de verticilles. CONCENTRATIONS IONIQUES EXTREMES (sur 11 sites) : mg/l ******************************************************************** Noter la pauvreté de l'eau en azote et en phosphore. La plupart des sols où croissent les plantes carnivores ont cette caractéristique, et c'est précisément à cela que la carnivorie doit pallier. Cette même étude a confirmé l'importance d'une autre contrainte, qui distingue Aldrovanda de toutes les autres plantes carnivores : son association obligatoire avec d'autres végétaux aquatiques ou à moitié immergés. Voici les longueurs atteintes après trois semaines par des plantes mesurant 3O mm au départ, et associées à divers végétaux : PLANTE D'ACCOMPAGNEMENT LONGUEUR ATTEINTE NOMBRE DE BR. PH Stratiotes aloides 1O3. 2 0. 5 6. 5 Hydrocharis morsus-ranae 85. 4 O. 2 6. 8 Carex sp. 113. 6 O. 3 6. 2 Typha latifolia 112. 3 O. 4 5. 6 Phragmites communis 106. 8 O. 3 5. 4 Contrôle (sans plante) 57. 6 O. 1 6. 2 Deux semaines plus tard, les plantes-contrôle étaient mortes. Les raisons de cette contrainte sont encore obscures. Les auteurs anciens pensaient que les plantes protégeaient l'Aldrovandie contre l'excès de lumière, ou contre le vent (HAUSLEUTNER, 1850c) qui, ayant prise sur les soies qui dépassent légèrement de la surface de l'eau, tend à accumuler les plantes dans les parties des étangs où l'air est le plus tranquille ( DURIEU, 1859 p. 401 ; FURST, 1986). Cependant, l'ombre profonde entre les roseaux n'est pas favorable à la croissance d'Aldrovanda, et les plantes sont plus nombreuses aux bords des chenaux, où il y a le plus de lumière (CASPARY, 1859 p. 145) ou bien là où les roseaux ont été coupés (de LASSUS, 1861 p. 519). On a pu observer que dans certaines mares les Aldrovandies ne fleurissent -et ne se plaisent donc totalement- qu'aux endroits encombrés de Phragmites (CASPARY, 1862 p. 2O2). Ceci rejoint une observation récente faite au Lac Vert près de Vojka (Tchécoslovaquie). Ce lac est presqu'entièrement couvert de Typha angustifolia et d'autres plantes. Des lacunes de 3 à 5 m de diamètre sont couvertes de Stratiotes aloides. La rive comporte une bande de Typha, accompagnés soit de Magnocaricetum, soit de Parvocaricetum. Aldrovanda est une des plantes les plus répandues de la partie la moins profonde du lac, celle qui est encombrée de végétation. Il est plus rare dans la partie Nord, profonde et ouverte, mais ce n'est pas la profondeur qui compte, mais la présence ou l'absence de végétation. Là où celle-ci est présente, on trouve aussi l'Aldrovandie, que la profondeur soit de 1O-2O cm ou de 100-130 cm. La plante utilise chaque endroit libre, et ne semble guère entrer dans des associations fixes et bien définies avec les autres végétaux. L'épicentre de la distribution d'Aldrovanda est la zone à Typha, où les conditions semblent être les meilleures. Aldrovanda y forme une couche continue de plantes bien développées et longues de 7 à 11 et même 14 cm (contre moins de 6 cm en eau libre). La majorité des plantes en bonne santé fleurissent, mais pas celles de la partie Nord du lac. Celles des zones à Magnocaricetum, de qualité intermédiaire, produisent de rares petites fleurs cleistogames (BERTA, 1961 pp. 562-563). L'idée a été émise récemment que c'est la libération d'acides organiques (par les racines ? par la décomposition des vieilles feuilles ?) qui est importante (HANABUSA, 1974). L'étude de R. KAMINSKI montre que ces acides forment la fraction dominante du contenu organique de l'eau ( 1. 64-5. 79 des 1. 87-6. 33 mg/l totaux). Le rôle de ces substances est encore inconnu. Agissent-elles par simple abaissement du pH (acidité) de l'eau (HANABUSA, 1974), le pH le plus acide donnant la meilleure croissance (étude R. KAMINSKI). Ou sont-ce des facteurs de croissance ? Interviennent-elles dans les cycles biologiques des marais, p. ex. comme nourriture pour des micro-organismes à la base des chaînes alimentaires ? Inhibent-elles la croissance des algues bleues et vertes qui, en culture du moins, sont de redoutables concurrentes d'Aldrovanda (communic. J. HALDI) ? On ne sera pas étonné d'apprendre que le pH des eaux est acide, variant entre 5. 6 et 6. 6 en Pologne, ce qui confirme la valeur de 6. 5 donnée par MAZRIMAS, 978. Les eaux riches qui conviennent à Aldrovanda peuvent être des fossés, les chenaux et les dépressions marécageuses de landes, mais aussi des lagunes salées (Calcutta), les eaux stagnantes de douves médiévales (Legnano), exceptionnellement des rivières lentes et méandreuses ou de vieux canaux (Russie, Volta) et même des flaques s'asséchant une partie de l'année (La Canau). Et encore peut-on trouver l'Aldrovandie cantonnée dans un tout petit coin du pourtour d'un étang. Dans d'autres cas elle peut véritablement couvrir la surface d'un plan d'eau. Le problème est qu'on ne peut toujours distinguer facilement pourquoi tel site convient et non tel autre, et les expériences de transplantation dans des étangs voisins de ceux où croît la plante, que leur fond soit tourbeux ou caillouteux, débouchent souvent sur un échec (HAUS- LEUTNER, 1851 p. 303), sans parler des expériences de culture, généralement désastreuses (CASPARY, 1862)... TABLEAU DES PLANTES ACCOMPAGNANT ALDROVANDA Pologne et Russie Tchécoslovaquie France-Italie Nuphar pumilum Potamogeton natans Potamogeton natans - luteum - crispus Nymphaea neglecta Nitella translucens - semiaperta Ricciocarpus natans Chara connivens Najas major Callitriche autumnalis Myriophyllum spicatum Myriophyllum spic. Salvinia natans Salvinia natans Utric. vulgaris Utric. vulgaris Utric. minor - intermedia - neglecta ? - Bremii ? Hydrocharis morsus-r. Hydrocharis mors. -r. Lemna trisulca Lemna trisulca & minor Glyceria spectabilis - aquatica Stratiotes aloides Stratiotes aloides Riccia sp. Riccia fluitans Ledum Andromeda Schollera Arundo Typha latifolia Typha angustifolia Typha Phragmites communis Phragmites communis Phragmites communis Sparganium natans Sparganium erectum Sparganium minimum Acorus calamus Acorus calamus Scirpus lacustris Schoenoplectus lacuster Comarum Rumex hydrolapathum Thelypteris palustris Iris pseudacorus Stratiotes aloides Carex elata - riparia Lythrum salicaria Lycopus europaeus Epilobium palustre Oenanthe aquatica Magnocaricetum Parvocaricetum Nanocyperion flavescentis Vaccinium uliginosum Salix cinerea Drosera sp. Références : COHN, 185O ; HAUSLEUTNER, 1851 ; CHATIN, 1858 ; CASPARY, 1859 ; de LASSUS, 1861; BERTA, 1961. DESCRIPTION GENERALE : Aldrovanda est donc une petite plante aquatique dépourvue de racines et flottant horizontalement près de la surface (COHN, 1850 p. 674-675). Elle ne serait pas d'un très grand intérêt, s'il n'y avait son piège, qui est d'une sophistication rarement atteinte chez les végétaux, et par le fait que nous avons sous les yeux l'ultime survivant d'un genre qui connut son apogée peu après la disparition des Dinosaures. C'est une plante herbacée grêle, glabre, à tissus fort délicats et diaphanes, généralement vert tendre (CHATIN, 1858 p. 58O). Nous disons bien généralement, car les plantes récoltées naguère près d'Arles étaient rouges ! A la même époque, les Aldrovanda d'Italie sont décrits comme étant verts, tout en contenant un pigment rouge, masqué par la chlorophylle, mais capable de tacher les feuilles d' herbier (de LASSUS, 1861 p. 522). Sinon les plantes de Gironde et de Pologne étaient vertes dans l'ensemble, bien que certaines parties contenaient un pigment rouge-carmin: les portions épaisses des pièges et l'épiderme de la tige juste au-dessus de chaque verticille. Nous aurons à reparler de la fonction de cette zone. De plus, les feuilles âgées ont tendance à brunir et à acquérir un faible éclat métallisé (CASPARY, 1859 pp. 118, 120, 125, 132, 188). Examinons de plus près les différentes parties de la plante, qui est formée d'une succession de petites roues (verticilles ) séparées par des internoeuds généralement brefs. -LA TIGE est fine (diamètre O. 6-0. 7 mm) (CASPARY, 1859 p. 119) et éventuellement simple, mais si les conditions sont bonnes, elle se ramifie très fréquemment: jusqu'à huit fois par mois (OHTAKI & KA- TAGIRI, 1974 ; MAZRIMAS, 1974) ! On signalait des exemplaires à 6 ou 7 branches en Pologne (HAUSLEUTNER, 185Ob). Le plus grand plant dont nous ayons connaissance comportait 7 à 8 branches et provenait de La Canau (Ely DURIEU, 1859 p. 618). Selon des statistiques récentes faites en Pologne, encore par R. KAMINSKI, le nombre de ramifications varie entre 27 et 153/1OO plantes, selon les endroits. La longueur de ces branches se situe entre 15. 9 et 26. 1 cm en moyenne, pour des longueurs de tiges moyennes de 5. 97 à 11. 15 cm. Les plus petites plantes mesuraient à peine 2. 2 cm. Les plus grandes 28. 6 cm (KAMINSKI, 1984 ). Les premiers verticilles des ramifications sont atrophiques : ils ne comptent que 5 ou 6 feuilles, dotées de 3 ou 4 soies seulement, et dont le piège ne se développe pas (CASPARY, 1858 p. 719). Comme l'Aldrovandie croît d'un côté et meurt de l'autre, les ramifications finissent par se détacher et deviennent des plantes indépendantes. Ceci est un mode de reproduction très important (COHN, 1850 p. 685) pour cette plante à la floraison et à la germination capricieuses. Il arrive que le rameau produise lui-même immédiatement une ramification, ce qui donne l'impression d'une tige trifurquée (CASPARY, 1859 p. 121). La longueur de la tige est fort variable. On vient de voir les chiffres pour les populations polonaises actuelles. Il est dit de celles du siècle dernier qu'elles ne dépassaient guère 1O cm (ibidem, p. 188). Les plantes italiennes allaient de 18 à 36 cm, mais celles de La Canau pouvaient dépasser les 6O cm (ibidem, p. 121). C'est qu'on avait affaire là à une variété distincte, caractérisée par la longueur des internoeuds : 14-16 mm au lieu des 4-6 et tout au plus 8 mm mesurés ailleurs (ibidem). Dans les populations polonaises actuelles, R. KAMINSKI a mesuré les données suivantes : nombre moyen de verticilles : 11. 8-18. 7 ; nombre moyen de feuilles/verticille : 7. 4-8. 5 ; nombre de soies : 4. 01-4. 44 ; longueur des feuilles : 6. 3O-8. 51 mm. -LES FEUILLES sont disposées en verticilles alternes de 7 ou 8, ou rarement 5-6 dans le cas de plantes peu développées ou sur des ramifications de petite taille. Les verticilles à 9 feuilles sont tout à fait exceptionnels (CASPARY 1859 pp. 119 et 121). Les feuilles immatures près du bourgeon apical forment un amas arrondi ou piriforme -si 1a plante est en bonne santé (OHTAKI & KATAGIRI, 1974) - curieusement hérissé de pointes, qui sont les soies des pétioles (LLOYD, p. 194). Les insertions des feuilles sont réunies entre elles par une espèce de palmure, large d'environ O. 5 mm, et qui encercle complètement la tige (COHN, 185O p. 674 ; CASPARY, 1859 p. 119). Le pétiole est cunéiforme, long de 5-6 et même 9 mm, et large de 1-1. 5 ou 2mm (ibidem). Son épiderme translucide permet d'apercevoir d'étranges alvéoles qui sont en fait des chambres aériennes. Ce dispositif a une importance considérable : c'est lui, et lui seul qui permet à l'Aldrovanda de flotter. Si l'on crève les chambres aériennes, le verticille détaché coule (FENNER, 1904 p. 368). Et ce n'est pas là toute l'utilité du pétiole. Sa surface comparativement importante lui donne un rôle important dans la photosynthèse, c'est à dire la fabrication de sucres à partir d'éléments aussi simples que le gaz carbonique et l'eau. Cette synthèse est rendue possible par l' absorption de lumière solaire dans la molécule de chlorophylle. Profitons-en pour dégager la différence entre l'alimentation des animaux et de l'Homme, et celle des plantes carnivores. Les premiers vivent de 1a combustion et de la transformation de molécules complexes élaborées par les végétaux. Ceux-ci, y compris les plantes carnivores, sont tous capables d'utiliser les molécules simples nommées plus haut, et qui leur fournissent le carbone, l'hydrogène et l' oxygène des futures substances organiques. Les autres éléments proviennent des minéraux du sol, et c'est précisément à la carence en ceux-ci que doit pallier 1a carnivorie. On pourrait dire que celle- ci apporte de l'engrais foliaire plutôt que de la nourriture. L'extrémité du pétiole porte plusieurs pointes barbelées disposées en éventail, dans la concavité duquel se place le piège proprement dit. Ces soies sont au nombre de 4 à 6, et leur insertion est clairement dorsale par rapport à celle du piège, ce qui se voit le mieux au niveau de la ou des pointes médianes (CASPARY, 1859 p. 119). Le faisceau de soies est deux fois plus long que le limbe (FENNER p. 365) (2 à 7 mm souvent 5-6 mm selon CASPARY 1859 p. 127), qu'il protège contre les collisions avec les débris flottants, susceptibles de déclencher sa fermeture intempestive. Le piège est la partie la plus intéressante de la plante, évidemment. Ses deux lobes écartés paraissent bien inoffensifs tellement ils sont délicats et diaphanes. Mais gare à la proie qui y pénètre, car la fermeture est incroyablement rapide. L'observation à l'oeil nu ne révèle pas grand chose. Chaque lobe est un segment de disque (de 240 ° ), concave, et mesurant 5-7 mm de long sur 4-5 mm de largeur. La région bordant la nervure médiane est nettement plus épaisse (façon de parler: l'épaisseur maximale est de O.O7 mm ( IIJIMA & SIBAOKA, 1981 p. 1596) ; les chiffres de 0.51 mm donnés par LLOYD p. 198 étant clairement erronés ). La zone latérale est presque transparente, avec un bord réfléchi (replié) et dentelé. La nervure médiane se termine par une petite pointe. La structure d'ensemble de l'Aldrovandie telle que nous venons de la décrire aurait un gros défaut: les verticilles successifs sont empilés de façon s i serrée qu'ils encombrent les pièges les uns des autres. Aussi l'évolution a-t-elle sélectionné les plantes dont la base du piège présente un certain degré de torsion. La cavité du piège ne regarde plus vers l'apex de la plante, mais latéralement, en direction anti-horaire pour un observateur situé au sommet de la plante. Il y a d'autre part une cassure de la nervure médiane, entre le pétiole et le limbe : le piège baille dès lors vers l'extérieur. -LES STRUCTURES FLORALES : la floraison n'aurait jamais été observée en culture et est assez irrégulière dans la nature. Si, comme le commun des mortels, vous n'avez jamais vu cette fleur, en voici la description : le pédoncule, solitaire et robuste, naît de l'aisselle de l'une des feuilles d'un verticille. Il est droit, et amène la fleur hors de l'eau, sa longueur dépassant celle des feuilles. La fleur est petite (8 mm de diamètre selon LLOYD, p. 195), d'un blanc verdâtre, et dressée (alors que le fruit est penduleux et mûrit sous l'eau) (CASPARY, 1859 p. 122 et CASPARY, 1862 p. 195-196). Sépales elliptiques-oblongs à insertion 2/5. Le bord apical cilié, parfois un peu recourbé. Longueur 3-4 mm x 1. 5 mm larg. 5-8 nervures non-ramifiées ou à une seule branche. Pétales blanc verdâtre (MONTI, cit. LASSUS, 1861 p. 521 ), alternisépales. Oblongs-obovales. Long. 4-5 mm x 2. 5 mm larg. 2 à 4 nervures droites non-ramifiées ou à l-2 branches. Etamines alternipétales hypogynes, longues de 3-4 mm. Filet filiforme. Anthères jaunes (ibidem) réniformes-cordiformes à quatre compartiments, attachés par le milieu de la base, se déhisceant au niveau des deux rainures longitudinales latérales. Gynecée: ovaire uniloculaire globuleux-aplati à cinq arêtes faiblement marquées. Cinq placentas (très rarement 4) pariétaux (-> sur la paroi de l'ovaire plutôt que sur sa base), filiformes, alternant avec les arêtes et avec les styles. Carpelles 8-13, isolés ou par 2, 3 ou 4. Dans ce dernier cas, ordonnés en deux rangées anatropes. Allongés perpendiculairement à la paroi, pointus du côté chalazial et dotés d'un funicule très court. Styles au nombre de cinq, à filets courts, ascendants, courbés à la base. Leur sommet est élargi en un petit disque stigmatique, au bord divisé en nombreux lambeaux irréguliers, et dépourvu de papilles, ce qui est rare. Longueur des styles : 2 mm environ. Les verticilles portant une fleur montrent des anomalies des feuilles -certaines constantes, d'autres plus rares- qui seront détaillées ultérieurement. Description fleur : CASPARY, 1862 p. 196. Les graines sont banales et assez peu nombreuses : généralement 6 à 8, parfois seulement 1-3 ici en Europe. Les plantes de l'embouchure de la Volga en comportent une dizaine (KORZCHINSKY, p. 3O2 ), et même plus pour les plantes de Calcutta. Ces graines sont elliptiques 1arges, légèrement pointues d'un côté et avec une espèce de col de bouteille de l'autre, qui est fermé par un opercule. La surface est noire et brillante (ibidem). Dimensions : 1. 5 x 1 mm. VARIETES : Il n'y a plus qu'une seule espèce d'Aldrovanda et la morphologie est constante dans le monde entier. Nous avons déjà mentionné la seule forme méritant sans doute le statut de variété : celle d'Aquitaine, baptisée var. 'duriaei'par CASPARY, 1858 p. 722. La même morphologie se retrouvait près de Cracovie (ibidem) et à Snagov en Roumanie (BERTA, p. 566 ). La grande différence par rapport à la forme typique réside dans la longueur des feuilles, des internoeuds et donc de la plante en sa globalité. Des mesures sur du matériel d'herbier donnent les chiffres suivants : VARIETES LONG. INTERNOEUDS LONG. PL. LONG. FEUILLE duriaei (Landes) 17 MM 19 cm (8-45) 17 mm typique (Arles) 3 - 4 mm 8 cm (3-2O) 6. 6-8. 8 mm. De plus, les pétioles des plantes de la var. duriaei portent un nombre réduit de soies, du moins pour celles d'Aquitaine : 4 ou 5 au lieu de 5-6 (CASPARY, 1858 p. 722 ). On ignore le pourquoi de ces différences, qui semblent liées au mi- lieu plutôt qu'à des facteurs génétiques. Seules des expériences de transplantation croisée contrôlée, très difficiles à envisager pour cette plante, pourraient résoudre le problème. La désignation de var. 'verticillata'pour la forme indienne, qui est basée sur le plus grand nombre de graines produit par capsule, ne semble pas valide (COHN, 1850 p. 685). Il en est de même pour la variété'australis'de DARWIN. ANATOMIE MICROSCOPIQUE : (manquant) PHYSIOLOGIE : (manquant) CULTURE : La culture d'Aldrovanda est très difficile, et a exaspéré plus d' un jardinier expérimenté. Elle le restera aussi longtemps que les exigences précises de la plante n'auront pas été définies avec plus de précision. La teneur en minéraux n'est pas le facteur décisif, ni -l'étude de R. KAMINSKI l'a encore prouvé- le pH: les taux de croissance à pH 6. 2 avec Carex d'une part, sur milieu minéral de l'autre, varient du simple au double ! La survie en milieu minéral est de l'ordre de quelques semaines (ibidem; CASPARY, 1862 p. 185-186). L'association avec d'autres plantes paraît indispensable (en dépit d'échos divergents (SCHENK cit. LLOYD, p. 2O9; SLACK, 1986 p. 132 ). L'utilisation d'eau provenant d'un vieux marais, eau qui est chargée en substances organiques, serait également favorable (communic. J. HALDI). Tout cela donne à penser qu'un ou plusieurs facteurs de croissance non-encore identifiés sont la clé du problème. Venons-en aux principales techniques de culture décrites jusqu'à présent. Si vous habitez sous un climat suffisamment chaud (par exemple le Sud-Ouest ou le Midi ), vous pouvez tenter la culture en plein air tel le que mise au point par nos amis japonais (SAITO, 1972 ; OHTAKI & KATAGIRI 1974; HANABUSA, 974). Ils utilisent des étangs de jardin aussi grands que possible, ou des récipients en terre (pas en verre ou en métal, SAITO, 1972) ou en ciment, encastrés dans le sol (attention au ciment alcalin ! ). Préparation : -couche de sol acide sur le fond -planter roseaux, Typha latifolia, Sagittaria, Iris... -verser de l'eau douce jusqu'à obtenir une profondeur de 25 cm -laisser reposer deux mois et s'assurer que l'eau s'éclaircit et que les plantes poussent bien -ajouter des débris végétaux (tiges séchées de plantes du bord de l'eau : riz, typha... ) pour maintenir l'acidité de l'eau. Celle-ci doit devenir jaune pâle. Culture : -après un ou deux mois, y placer les Aldrovanda si tout va bien. -plein soleil (SAITO, 1972). -pour maintenir l'acidité, ajouter une ou deux poignées de roseaux séchés par 5 litres d'eau, trois fois par mois (l'excès n'étant pas nuisible). Vérifier le pH tous les soirs. L'optimum serait de 6. O ou 6. 4-7. O. -maintenir quotidiennement le niveau de l'eau. -attention si l'eau noircit si les algues prolifèrent si le bourgeon apical des Aldrovanda s'appauvrit : il faut renouveler le système... -enlever l'excès d'Aldrovanda, car lorsque les plantes ont couvert la surface, leur croissance s'arrête. Dans les régions plus fraîches, la culture à l'intérieur s'impose, même s'il paraît impossible de recréer des conditions optimales. Le plein sole il n'est pas envisageable ici : même de grands récipients s'échaufferont trop vite, ce qui accélérera la croissance d'Aldrovanda au-delà des possibilités du système. Les algues, moins exigeantes, ne tarderont pas à avoir le dessus. Il faudra donc se résoudre à bien ombrer: 50% de soleil (MAZRIMAS, 1974 ; HALDI, 1974 ) , pénombre (SLACK, 1986) ou culture sous Tubes luminescents (OHTAKI & KATAGIRI, 1974 ). Inutile de dire que la croissance ne sera pas optimale dans ces conditions, et qu'on obtiendra des plantes plus ou moins étiolées. Comment peut-on combattre les algues ? La plupart des algicides , et particulièrement le cuivre, seraient également toxiques pour l' Aldrovandie (GREENWOOD, 1979; SLACK, 1986), sauf peut-être l'ACUREL° (SMITH, 1982 ). L'alun recommandé parfois (SAITO, 1972), serait inefficace (OHTAKI & KATAGIRI, 1974). On peut essayer les escargots (ibidem). Si des algues apparaissent en petites quantités, il faudra les saisir avec une pince, ou passer une feuille de papier journal sur la surface de l'eau. Il est à craindre cependant que les algues seront emmêlées dans les tiges d'Aldrovanda, et il sera difficile de les enlever toutes. Notez qu'en maintenant un pH bien acide (4. 5-5. 5 au lieu des 6. 5 habituels ) la croissance des algues devrait être inhibée (MAZRIMAS, 1978), alors que celle d'Aldrovanda est excellente à ces valeurs. On le vérifiera à l'aide des chiffres donnés par R. KAMINSKI. Si l'on réduit la luminosité, il est sans doute sage d'éviter les températures trop élevées. L'idéal serait ± 23° (MAZRIMAS, 1978). Préparation de l'eau : - soit décoction de tourbe, au pH très acide (MAZRIMAS, 1978; SLACK, 1986). Bien prendre soin de laisser sédimenter et de n'y placer Aldrovanda que lorsque l'eau sera jaune et limpide. - soit infusion de foin ou de Typha, conservée au chaud et à l'obscurité pendant (au moins) une semaine (MAZRIMAS, 1974) - soit préparation minérale (il faut rajouter des plantes en plus) - avec de l'acide sulfurique, jusqu'à obtention du pH désiré, ou biphosphate de sodium (MAZRIMAS, 1974). Laisser reposer 2 jours. -solution de KNOP au 1/1O (OHTAKI & KATAGIRI, 1974 ), c'est à dire (?) : ************************************************************* Faire pousser des plantes aquatiques dans le même récipient, ou y ajouter régulièrement des tiges végétales séchées, mais éviter d' utiliser des acidificateurs chimiques, sans doute trop brutaux (communic. J. HALDI). Si le pH s'altère, remplacer 2/3 de l'eau par de la solution fraîche. La nourriture vivante serait importante : Daphnies ou microvers (MAZRIMAS, 1974), mais attention à l'excès, qui gâte l'eau (OHTAKI & KATAGIRI, 1974 ) ; jeunes Guppies (BROKENBRO, 1976) ; crevettes salées même (MAZRIMAS, 1978), le sel pouvant être bénéfique (MAZRIMAS, 1974) en inhibant la prolifération des algues d'eau douce, je suppose ? L'hibernation est un moment dangereux, et il vaut mieux l'éviter sans doute (MAZRIMAS, 1978), surtout que les Aldrovanda du commerce proviennent du Japon et sont habituées à un climat subtropical (SLACK, 1986). Si l'on veut induire l'hibernation, placer le récipient à 8° et à la lumière (HALDI, 1974), cette dernière pouvant être favorable jusqu'à la mi-Décembre, mais pas plus tard (HAUS- LEUTNER, 1850c ). Une remarque encore sur le transport des Aldrovanda : il vaut mieux les expédier emballées dans des feuilles ou dans de la mousse (HAUSLEUTNER, 185Oa) que dans des récipients remplis d'eau (CASPARY, 1862 p. 185).